Tout est arrivé trop tard, y compris les équipements de protection individuelle ! Nous avons reçu les premiers éléments vers la fin du mois de mars et au départ nous avons fonctionné avec du matériel qui nous a été fourni par certains patients. À un moment, il a aussi fallu que nous allions chercher le matériel au siège de l'ARS à Aubervilliers. Les pharmacies d'officine n'étaient pas approvisionnées, ce qui compliquait évidemment la situation. Nous n'avions aucune recommandation, que ce soit sur les aspects sanitaires ou d'organisation, nous n'avions pas d'équipements de protection individuelle, nous n'avions rien et nous étions complètement seuls ! Nous nous sommes débrouillés et avons échangé entre nous via des webinaires, notamment grâce au professeur Pialoux qui est le responsable du service de maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Tenon.
Finalement, nous ne nous sommes pas si mal débrouillés que cela ! Nous avons dépisté des malades et nous les avons isolés à domicile, en les suivant toutes les vingt-quatre ou quarante-huit heures par téléphone ou en vidéo. Nous aurions pu faire beaucoup mieux quantitativement et qualitativement, mais pour cela il aurait fallu avoir des tests... L'insuffisance des tests PCR a été très longtemps criante.
Les professionnels de santé avaient un accès direct au 15, mais le temps d'attente était de trente ou quarante-cinq minutes au départ, même si la situation s'est ensuite améliorée. Nos interlocuteurs n'en savaient pas forcément plus que nous, si bien que nous nous sommes fiés à notre expérience clinique de terrain. Nous avons aussi créé des groupes de discussion WhatsApp qui nous ont notamment permis d'échanger nos expériences et d'identifier des signes cliniques qui n'avaient pas encore été rendus publics comme la perte du goût et de l'odorat ou des vascularites.
En tout cas, aucune parole scientifique ne nous a été apportée durant cette période, à l'exception des controverses que vous connaissez. Je dois dire que ces controverses ont été un véritable poison. Certaines thérapies étaient quasiment présentées comme miraculeuses, mais nous ne savions pas sur quel pied danser devant nos patients.