Intervention de Marie-Reine Tillon

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 1er septembre 2020 à 10h30
Table ronde sur les prises en charge à domicile

Marie-Reine Tillon, présidente de l'union de l'aide, des soins et des services aux domiciles (UNA) :

L'UNA, forte de 800 structures et de 80 000 salariés, regroupe à la fois des associations, des CCAS et des centres intercommunaux d'action sociale (CIAS), des services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD), des SSIAD et des services polyvalents d'aide et de soins à domicile (SPASAD). Ces services dépendent des départements ou de l'ARS, parfois des deux.

Nous pouvons certes comprendre que le Gouvernement ait été, dans un premier temps, désorienté par un virus que nul ne connaissait. Gouverner, toutefois, c'est prévoir, et nous regrettons le manque d'anticipation, malgré les alertes venues de l'étranger, notamment dans la mise en oeuvre des cellules de crise qui auraient dû être activées dès les mois de janvier ou de février pour imaginer un protocole. Or, il a quasiment fallu attendre le confinement. L'anticipation a également été insuffisante en matière d'équipements de protection pour notre personnel : les masques, évidemment, mais également les charlottes et les surblouses. Le sentiment de bricolage a été permanent ; nous nous sommes organisés comme nous avons pu avec des directives contradictoires de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et de la direction générale du travail (DGT) sur les modalités d'exercice de nos métiers et de protection des usagers et du personnel.

Pendant la crise, nous étions en lien avec les autorités centrales, mais les situations relevaient surtout de l'échelle locale avec des départements vivant le même sentiment d'abandon et souffrant de l'absence de directives claires. Certains ont immédiatement pris des initiatives et contacté nos services pour organiser des prestations, quand d'autres laissaient courir. Dès lors, les prises en charge ont varié selon les territoires, créant des inégalités. Les différences constatées sont également le fait des ARS, dont certaines ignoraient même comment fonctionnaient nos services alors que les SSIAD relèvent de leur compétence : certains directeurs se sont mobilisés, organisant des cellules de crise hebdomadaires ou bihebdomadaires avec les fédérations, tandis que d'autres attendaient des directives nationales.

S'il fallait ne retenir qu'une leçon de la crise, je citerai donc le manque d'anticipation et de directives nationales claires.

D'aucuns ont dénoncé la réduction de nos prestations durant la crise, mais nous avons agi sur la demande des départements de concentrer notre action sur les actes essentiels et les personnes les plus fragiles, suscitant hélas l'incompréhension des usagers et des familles. Les conséquences de l'arrêt de certaines interventions - isolement, peur, rôle accru des aidants - même de confort, n'ont pas assez été prises en compte. De fait, a pu être observé un phénomène de glissement, y compris pour le proche aidant. Si devait advenir une prochaine crise, il faudra considérer davantage les aspects humains et sociaux et ne pas se limiter à un regard sanitaire.

Le sujet est similaire s'agissant des personnes handicapées, dont beaucoup ont été ramenées à domicile en raison de la fermeture des établissements.

La crise a mis en exergue l'insuffisante reconnaissance du statut médico-social de nos services et le flou créé par la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement en matière de services à la personne. Nous ne sommes pas assez pris au sérieux. Pendant le confinement, un médecin libéral s'en est ainsi pris à des auxiliaires de vie, les qualifiant d'assassins parce qu'ils allaient de domicile en domicile sans masque, à l'époque indisponible. Compte tenu de leur mobilisation, ce n'est pas entendable ! Forts d'un sentiment de devoir, 65 % d'entre eux étaient présents auprès des personnes âgées. Il faut en tenir compte.

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