Intervention de Philippe Foucras

Commission d'enquête sur la grippe A — Réunion du 7 avril 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Philippe Foucras médecin généraliste président du formindep

Philippe Foucras :

a, tout d'abord, indiqué qu'il n'avait aucun lien d'intérêt avec une entreprise fabriquant ou commercialisant des produits de santé. Il est médecin généraliste et responsable de l'association « Formindep », dont l'objet est la recherche d'une formation et d'une information médicales indépendantes de tout autre intérêt que celui de la santé des personnes.

Procédant à l'aide d'une vidéoprojection, M. Philippe Foucras a débuté son propos par une citation de Christian Vigouroux, conseiller d'Etat et président de la commission déontologie et expertise de la Haute Autorité de santé (HAS), qui a déclaré, lors des rencontres de la HAS du 10 décembre 2009 que : « La puissance d'influence de l'industrie pharmaceutique en fait un des lobbys les plus efficaces et parfois les plus impérieux dans les rapports avec les pouvoirs publics et les caisses de sécurité sociale. Ceci en France comme en Europe. Tel est le constat que trente ans d'administration dans plusieurs domaines de l'action publique m'ont amené à formuler ».

a ensuite présenté, à travers des exemples concrets non directement liés à la gestion de la grippe A (H1N1), un instrument d'influence très utilisé par l'industrie pharmaceutique : les leaders d'opinion.

Les leaders d'opinion constituent en effet un outil essentiel pour les firmes pharmaceutiques pour informer les professionnels de santé sur les produits de santé qu'elles produisent. Il a cité l'exemple d'une entreprise spécialisée dans la lutte contre le cancer qui définit les leaders d'opinion comme « des scientifiques référents dont le comportement est susceptible d'exercer une influence sur la pratique et les prescriptions médicales des oncologues et pathologistes » et les présente sur son site Internet comme indispensables pour faire connaître et imposer les tests de diagnostic de l'entreprise auprès des professionnels de santé.

a ensuite cité une société de communication qui propose notamment ses services aux firmes pharmaceutiques. Pour illustrer l'efficacité de son action, la société présente sur son site Internet la méthode retenue et les résultats obtenus pour promouvoir un produit de santé utilisé dans l'instabilité vésicale.

La méthode a consisté à développer des relations avec des enseignants, leaders d'opinion, en urologie, gynécologie et gériatrie, à crédibiliser l'engagement à long terme de l'entreprise développant le produit et, enfin, à initier un débat médical sur la prise en charge de l'instabilité vésicale.

Les résultats obtenus sont mesurés par le nombre d'articles publiés à ce sujet. Une recherche sur Internet permet de sélectionner pas moins de 249 occurrences de ce médicament. Par ailleurs, grâce aux actions menées par l'entreprise de communication, des universitaires ont été contactés pour faire des conférences ou présider des congrès internationaux et promouvoir, à ces occasions, le produit en question, dont la part de marché a ainsi atteint 30 % dans les deux premières années de son lancement.

Ces « leaders d'opinion » peuvent aussi être amenés à apporter leur expertise aux décideurs politiques. Ainsi un des leaders d'opinion recrutés par l'entreprise de communication pour le médicament précité a participé à l'élaboration d'un rapport remis à M. Philippe Bas, alors ministre de la santé, qui mentionnait, pour le regretter, le non-remboursement de certains médicaments, dont le produit en question. Ce dernier a ensuite été inscrit sur la liste des spécialités remboursables, alors même que son efficacité a été controversée.

a indiqué qu'il ne s'agit pas de remettre en cause l'honnêteté des experts, mais de comprendre comment s'exercent certains mécanismes d'influence. Citant des déclarations d'experts membres du Comité de lutte contre la grippe, et qui se disent persuadés que les liens qui les unissent aux entreprises pharmaceutiques ne nuisent pas à leur indépendance, il a rappelé qu'il convient de distinguer les influences conscientes des influences inconscientes, ces dernières étant d'autant plus efficaces que l'on pense ne pas y être exposé.

De façon plus générale, M. Philippe Foucras a indiqué que tout expert est un leader d'opinion potentiel.

a enfin présenté l'exemple de l'extension des modalités de prescription de l'oseltamivir recommandée le 9 décembre 2009 par la direction générale de la santé (DGS). Selon M. Philippe Foucras, cette décision est révélatrice de la gestion globale de la pandémie grippale et la recommandation de la DGS ne repose pas sur des preuves scientifiques. Dans ce cas, il convient de s'interroger sur les autres fondements qui auraient pu conduire à cette décision : des raisons politiques, commerciales ou une logique de communication ?

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