Sur les liens entre agences sanitaires, experts et décideurs, M. Didier Tabuteau a estimé qu'il convenait d'être prudent. Lorsqu'on n'est pas à l'intérieur d'un dispositif, on le perçoit inévitablement de façon très déformée et il est donc difficile de porter sur lui des jugements, surtout sur des sujets importants. Il a également relevé que la situation d'aujourd'hui est très différente de celle de la fin des années 1980 ou du début des années 1990, lorsqu'il n'existait pas ou peu d'instances d'expertise. Il fallait alors, chaque fois qu'une question se posait, constituer un dispositif d'expertise.
Tel n'est plus le cas : on dispose aujourd'hui d'un réseau d'expertise et d'instances complet et assez dense, et le plus important, désormais, est sans doute de l'utiliser dans les compétences qui lui ont été dévolues, qui ont été données à chacun de ses éléments par leurs textes constitutifs. Lorsqu'un problème se pose, on saisit l'instance compétente. Lorsqu'il y a une crise à gérer, on doit pouvoir établir une sorte de « main courante » de la sécurité sanitaire, permettant de suivre un processus très clair, bien encadré et qui soit lisible de l'extérieur. C'est très important pour assurer la crédibilité de l'expertise, qui est différente de sa « scientificité », en permettant à chacun, y compris au public et à la presse, de savoir comment se déroule la gestion du processus.
Ce n'est pas facile à faire et l'on peut être tenté, sous la pression ou dans l'urgence, d'agir de façon non formalisée. Mais cela nuit à la crédibilité et cela a surtout un autre inconvénient : celui de ne pas permettre, au bon moment, aux contradicteurs de s'exprimer.
Or, a souligné M. Didier Tabuteau, la leçon que l'on peut retenir de l'expérience des crises, c'est que la contradiction est indispensable. Les meilleurs systèmes d'expertise peuvent se tromper, on le sait, et les réactions d'associations, de chercheurs dissidents, d'autres organisations pourront apporter des éléments qui permettront de changer la vision que l'on a des choses. Plus on explicite ce que l'on fait, pourquoi on le fait, plus on offre de chances aux opinions divergentes de s'exprimer. On peut les prendre en compte ou non, car les responsables doivent garder leur capacité de décision et de gestion, mais il est important de permettre, à chaque étape, à l'ensemble du corps social de réagir.
a indiqué, à ce propos, qu'il avait signé un appel paru dans la presse en septembre 2009, non pas pour remettre en cause le dispositif appliqué, mais pour demander qu'il y ait un débat public et des explications sur les décisions prises.
C'est sans doute dans cette direction que l'on peut chercher à améliorer la gestion des crises, et l'on se trouve là au coeur du lien entre les agences, les experts et les décideurs.