Convenant que l'on avait effectivement eu l'impression d'un phénomène de « pensée unique », M. Marc Gentilini a indiqué avoir observé que certains spécialistes estimaient impossible de paraître se désolidariser publiquement de l'opinion exprimée par des confrères ou des instances d'expertise, et pensaient ne pas disposer de la liberté d'expression dont il pouvait lui-même faire usage. Ce sont de telles « positions solidaires de groupe » qui font qu'une pensée qui aurait pu évoluer se fige et devient une « pensée unique ». C'est un phénomène auquel il faut être attentif, car si les experts ne bénéficient pas, individuellement, d'une certaine liberté d'expression, l'expertise en sera probablement biaisée.
Il est vrai qu'au début peu d'opinions divergentes se sont fait entendre. Cependant, à la suite de ses premières prises de position, M. Marc Gentilini a constaté, aux réactions qu'elles ont suscité, que beaucoup de gens de tout bord partageaient ses réticences, dans le public en général mais aussi parmi les médecins, en particulier les médecins généralistes qui ne constataient pas dans leurs cabinets les catastrophes annoncées.
Il a estimé « dure, mais juste » l'appréciation portée par le rapporteur sur l'attitude des chercheurs. Ayant été directeur d'une unité de recherche de l'Inserm, il a en effet pu mesurer que ce ne sont pas les mêmes personnes qui deviennent cliniciens ou chercheurs. En tant que clinicien, il s'intéressait lui-même davantage aux malades qu'aux éprouvettes ou aux résultats d'une recherche. La démarche du chercheur est différente, plus « égoïste », centrée sur « sa » recherche : il fait un métier qui ne comporte pas la charge émotionnelle liée au contact avec les malades et leur famille et dans lequel, pour réussir, il faut être un « battant » et ne pas se faire dépasser, car c'est en effet le premier qui publie qui est considéré comme l'auteur d'une découverte. Ce qu'on a vécu autour du sida est très représentatif de cette réalité. Mais il est vrai que la « course à la découverte » peut revêtir un caractère un peu pathologique et, in fine, être dangereuse pour les malades.
La question de la définition de la pandémie par l'OMS est fondamentale. Disant appartenir à la vieille école - mais c'est une bonne école - M. Marc Gentilini est convenu qu'il ne peut y avoir de pandémie, conformément à l'étymologie, que dans le cas d'une maladie qui concerne tout le monde et tous les peuples. Il n'y a pas de pandémie sans dissémination. Mais le concept traditionnel de pandémie faisait également référence au caractère dramatique de la maladie, à la virulence de l'agent pathogène : la fièvre jaune décimant le corps expéditionnaire français à Haïti, la peste, le choléra ou le typhus exanthématique, une affection avec un taux de mortalité de 30 à 70 %.
Si une maladie diffuse très vite, lorsqu'elle n'est pas grave et ne cause pas de morts, c'est tant mieux car sur son passage elle « vaccine » un nombre important de gens. Il est donc difficile de comprendre l'attitude de l'OMS et cette remise en cause d'un des concepts fondamentaux du monde sanitaire.