a décrit les différents types d'obligation qui s'imposent à l'autorité publique en fonction de la gravité d'un risque pour la société. Si le risque est grave, l'autorité publique a une obligation de résultat. Par contre, si le risque est de niveau intermédiaire, elle a une obligation de moyens. Ainsi, en matière de vaccination, l'autorité publique peut, dans certains cas, imposer une vaccination obligatoire ou, dans d'autres, décider d'une politique d'information et d'incitation à la vaccination pour assurer la protection contre des pathologies considérées comme moins graves, la rougeole par exemple.
La difficulté dans la gestion de la grippe A (H1N1) est que l'action de l'autorité publique a semblé relever des deux registres, le risque étant présenté comme grave avec un nombre de morts élevé, mais la politique de vaccination relevant plutôt de l'obligation de moyens puisqu'elle n'était pas obligatoire.
A ces circonstances, s'ajoute l'exigence sociale croissante de transparence, que ce soit au niveau national ou international pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS). On doit considérer que l'expertise est indépendante si les avis donnés sont objectifs et non soumis à des influences. On peut définir la dépendance comme le fait pour un expert d'être atteint dans sa situation personnelle par l'avis qu'il rend. Il peut, par exemple, perdre un contrat, ne pas être chargé d'une étude ou faire varier le cours des actions qu'il détient dans une entreprise. Il peut également se trouver placé, du fait de l'avis rendu, au ban de la communauté scientifique. Ceci pose un problème particulier en ce qui concerne les donneurs d'alerte. Il s'agit là de liens d'intérêt directs.
Mais les influences auxquelles sont soumis les experts peuvent aussi découler de leurs relations amicales, familiales ou professionnelles. Un même environnement culturel peut aussi être le vecteur d'un « lobbying » en faveur de telle ou telle évolution normative. Ces influences relèvent des liens d'intérêt indirects de l'expert.
a ensuite donné lecture à la commission d'enquête d'une note adressée le 28 février 2008 à la ministre de la santé, qui présentait la synthèse de son rapport et les préconisations qu'il contenait.
La question de l'intégrité morale de l'expert recouvre en réalité deux questions :
- la participation des associations à l'expertise ;
- le renforcement du cadre de l'expertise.
Sur le premier point, il serait souhaitable que les associations concernées par l'objet de l'expertise puissent interroger par écrit l'expert lors de la remise du rapport d'étape et que les réponses figurent en annexe ou sur un site web. Cette proposition d'approfondissement de la démocratie sanitaire pourrait réduire à la portion congrue la suspicion des représentants des milieux associatifs.
Afin d'éviter une trop grande profusion de questions, ce droit pourrait être limité à des associations agréées en raison de leur représentativité dans leur domaine de compétences. Mme Marie-Dominique Furet a précisé que la note adressée à la ministre proposait d'intégrer une disposition législative introduisant ce droit dans le code de la santé dans le projet de loi en préparation qui devrait aboutir à la loi « Hôpital, patients, santé, territoire », dite HPST.
Sur le second point, la note précisait que la Direction générale de la santé (DGS) formulait trois propositions :
- élaborer un code de déontologie des experts venant en appui des décisions en santé publique. Ce code reprendrait les principes applicables, les définitions des grandes typologies de liens d'intérêts, traiterait de la question de l'intervention des experts dans les colloques et prévoirait des sanctions spécifiques en cas de non-respect des règles de déontologie. A terme, ce code pourrait être proposé au niveau de l'Union européenne ;
- organiser un séminaire avec les meilleurs spécialistes intéressés par cette initiative, avec comme objectif la rédaction d'un projet de code serait particulièrement appropriée ;
- confier la coordination des groupes de travail lors de ce séminaire à un expert, trois noms étant avancés : Mme Isabelle Durand-Zaleski, professeur des universités - praticien hospitalier (PUPH), qui avait coordonné l'organisation d'un colloque sur l'expertise en 2004 ; Mme Anne Laude, professeur de droit, membre du collège du Haut Conseil de santé publique ; M. Didier Tabuteau (conseiller d'Etat, professeur en politique de santé à l'IEP de Paris) qui ont tous travaillé sur l'expertise en santé publique.
Il paraissait nécessaire de poursuivre avec les organismes et institutions concernés la réflexion sur la prise en compte de l'expertise venant en appui des décisions publiques dans les carrières des professionnels, au même titre que les publications ou les brevets. A cette fin la note rappelait la proposition du rapport tendant à inscrire la valorisation de l'expertise dans la lettre de mission du président de l'Agence d'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche (AERES).
Il était également proposé de confier le contrôle des liens d'intérêts à une entité indépendante, qui pourrait être l'AERES en lien avec le service central de prévention de la corruption. Cette entité serait un outil au service des responsables de comités d'experts : elle pourrait assurer la formation des experts sur les liens d'intérêts et sur la responsabilité des experts.
Ce point suscitait un véritable consensus des agences. Restait cependant à définir le périmètre du code de déontologie, spécifique à la santé et intégré dans le code de la santé, ou code spécifique destiné aux experts qui participent à des expertises demandées par une autorité publique.
Le deuxième point comportait quatre axes : politique de soutien à la publication ; mise à disposition de moyens pour compenser le temps passé à l'expertise ; contrats d'interface ; étude comparative sur la rémunération des experts venant en appui des décisions en santé publique.
La note relevait que le troisième point suscitait un consensus plus limité mais permettait de répondre à la question de la situation objective de l'expert au regard des liens d'intérêt. Cette proposition complétait le dispositif visant à encadrer et professionnaliser le cadre de l'expertise, mais nécessitait un travail de pédagogie auprès des acteurs concernés.
La note se concluait sur le rappel de l''objectif poursuivi par le rapport, donner ses lettres de noblesse à l'expert venant en appui des décisions publiques dont les charges sont lourdes et les lauriers peu nombreux. En ce sens, la création d'un code de déontologie de l'expertise en santé publique paraissait une solution plus opportune que la création d'une Haute autorité aux pouvoirs d'investigation et de surveillance particulièrement étendus.