Intervention de Pascal Clément

Commission d'enquête sur l'immigration clandestine — Réunion du 21 décembre 2005 : 1ère réunion
Audition de M. Pascal Clément garde des sceaux ministre de la justice

Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice :

Enfin, la commission a entendu M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice.

a indiqué à titre liminaire que le droit civil, en particulier le droit de la famille, n'avait pas pour objet le contrôle de l'immigration, mais était confronté au défi de la pression migratoire, certaines règles du droit de la famille étant exploitées ou détournées pour permettre l'entrée et le séjour d'étrangers sur le territoire français.

Il a rappelé que le droit à une vie familiale normale était consacré tant par la Constitution que par les engagements internationaux de la France, chacun devant pouvoir en jouir, quelles que soient sa nationalité et sa situation.

Jugeant nécessaire, sur un sujet sensible où les passions s'enflamment, de se donner le temps de la réflexion, il a rappelé que le gouvernement avait mis en place un comité interministériel de contrôle de l'immigration et s'est félicité de la création par le Sénat d'une commission d'enquête.

a ensuite noté que le nombre des mariages célébrés en France entre Français et ressortissants étrangers avait augmenté de 62 % de 1999 à 2003, près de 50.000 des 275.000 mariages célébrés en France chaque année étant des mariages mixtes. Il a ajouté que, dans le même temps, 45.000 autres mariages étaient contractés à l'étranger par des Français, essentiellement avec des ressortissants étrangers. Il a souligné qu'en définitive, près d'un mariage sur trois était un mariage mixte et, par voie de conséquence, que 50 % des titres de séjour étaient délivrés à des ressortissants étrangers conjoints de Français. Il a estimé que ces chiffres démontraient que le contrôle des mariages constituait un enjeu migratoire important, ainsi qu'un enjeu de défense de la valeur de l'institution matrimoniale.

a observé que le droit français prévoyait déjà un ensemble de procédures, principalement issues des lois de 1993 et 2003, destinées à contrôler la validité de l'intention matrimoniale.

Il a rappelé qu'en 2003, le législateur avait voulu faire de la lutte contre les mariages blancs un moyen de combattre la criminalité organisée et l'immigration clandestine, en créant une nouvelle infraction passible de 5 ans d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende pour les personnes ayant contracté un mariage aux seules fins d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ou d'acquérir ou de faire acquérir la nationalité française. Il a ajouté que les mêmes peines pouvaient être requises en cas d'organisation ou de tentative d'organisation de mariages frauduleux et être portées à 10 ans d'emprisonnement et 750.000 euros d'amende en cas d'infraction commise en bande organisée.

a observé que l'organisation de mariages blancs était le plus souvent le fait de réseaux, demandant aux candidats au mariage de débourser entre 12.000 et 15.000 euros et versant aux Françaises, souvent des personnes en situation de précarité, de 3.000 à 8.000 euros. Il a mis en exergue l'importance du rôle des groupements d'intervention régionaux pour démanteler ces filières et lutter contre la délinquance organisée.

Ces dispositions étant encore récentes, il a précisé qu'il existait encore peu de données chiffrées fiables permettant une véritable analyse de l'activité des juridictions. Il a relevé que 14 condamnations avaient été prononcées sur leur fondement en 2004 : 11 à des peines d'emprisonnement, dont 3 comportant une partie ferme.

a rappelé qu'une circulaire du 13 mai 2003 relative à la lutte contre les fraudes à l'état civil donnait déjà pour instruction aux parquets de sensibiliser les différents services administratifs sur l'obligation de dénoncer les faits pouvant être qualifiés de mariages blancs et, si ces faits étaient caractérisés, prévoyait des poursuites systématiques des chefs de faux et usage, tentative d'obtention indue de documents administratifs, et aide au séjour irrégulier.

Il a rappelé que le Conseil constitutionnel avait considéré, le 20 novembre 2003, que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger pouvait constituer dans certaines circonstances un indice sérieux laissant présumer que le mariage était envisagé dans un but autre que l'union matrimoniale, tout en indiquant que la seule situation irrégulière d'un des futurs conjoints ne présumait pas du caractère frauduleux de l'union demandée.

Jugeant que la loi du 26 novembre 2003 avait permis d'obtenir certains résultats mais n'était pas assez efficace, M. Pascal Clément a indiqué qu'il avait présenté au comité interministériel de contrôle de l'immigration du 29 novembre 2005 un projet de loi ayant notamment pour objet de renforcer le contrôle exercé sur la validité des mariages mixtes célébrés en France ou à l'étranger et de décourager les ressortissants étrangers recherchant exclusivement le droit de rester sur le territoire français en épousant un Français ou une Française.

Il a souligné que le premier objectif de la réforme envisagée était de mieux contrôler la réalité de l'intention matrimoniale des candidats au mariage.

Concernant les mariages célébrés en France, il a rappelé que les lois de 1993 et de 2003 avaient déjà apporté des outils importants. Il a ainsi expliqué que la loi du 26 novembre 2003 avait donné à l'officier de l'état civil la possibilité, en cas de doute sur le projet de mariage, de s'entretenir avec les futurs époux avant la célébration, le cas échéant séparément, afin de vérifier la réalité de leur intention matrimoniale. Il a ajouté qu'à l'issue de cet entretien, l'officier de l'état civil pouvait alerter le ministère public, ce dernier ayant depuis 1993 le pouvoir, d'une part, d'ordonner qu'il soit sursis à la célébration du mariage, pendant un délai porté en 2003 à deux mois maximum, afin qu'une enquête plus approfondie soit réalisée, d'autre part, de s'opposer à la célébration du mariage, s'il était établi que celui-ci renfermerait une cause de nullité.

a indiqué que l'application de ces dispositions avait déjà permis de faire échec à la conclusion de nombreux mariages blancs ou forcés, les procureurs de la République ayant ainsi été saisis de 5.272 dossiers de ce type pour la seule année 2004. Il a toutefois relevé que de nombreux maires rencontraient des difficultés, notamment pour déterminer les éléments devant les conduire à signaler aux parquets les dossiers pouvant justifier, au regard de la loi et de l'application qui en est faite par les tribunaux, une opposition à la célébration du mariage. Il a expliqué que, pour répondre à leurs préoccupations, la chancellerie avait diffusé le 2 mai 2005 une circulaire expliquant les principales dispositions de la loi du 26 novembre 2003, recensant de manière non exhaustive les critères susceptibles d'être retenus et demandant l'organisation de réunions de concertation sur ce sujet entre les maires et les procureurs. Après avoir précisé qu'il avait récemment réitéré cette demande lors d'une réunion avec les procureurs généraux, il a souligné la nécessité de renforcer la coopération entre le parquet et les officiers de l'état civil.

Le dispositif législatif de contrôle des mariages célébrés en France lui semblant pouvoir encore être amélioré, il a indiqué que le projet de loi présenté au comité interministériel du contrôle de l'immigration prévoyait une réécriture de l'article 63 du code civil, qui énonce les formalités devant être accomplies par l'officier de l'état civil, afin de faire apparaître plus clairement le déroulement de la procédure. Il a relevé que les maires procédaient en effet souvent à la publication des bans trop tôt -alors que cette publication doit en principe clôturer l'examen du dossier de mariage- ce qui rendait très difficile de s'opposer à la célébration en cas de découverte ultérieure d'indices de mariage de complaisance.

Il a ajouté que les améliorations envisagées pour la constitution du dossier du mariage ne constitueraient pas un bouleversement du dispositif actuel, en soulignant que, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il n'était pas question d'interdire le mariage avec un étranger en situation irrégulière, ni même de considérer qu'un mariage est suspect de complaisance du seul fait qu'un des candidats au mariage est un étranger en situation irrégulière.

a estimé que les mariages célébrés à l'étranger suscitaient davantage de difficultés.

Il a rappelé que, seuls, les mariages célébrés par les officiers consulaires français pouvaient actuellement faire l'objet d'un contrôle préalable similaire à celui exercé sur les mariages célébrés en France. Il a observé que la plupart des Français se mariaient à l'étranger devant une autorité étrangère et, dans ce cas, devaient solliciter des autorités consulaires françaises la délivrance d'un certificat de capacité matrimoniale. Il a toutefois indiqué que bien peu d'entre eux respectaient cette obligation, à laquelle aucune sanction n'était véritablement attachée. Il a expliqué qu'en pratique, le contrôle ne s'exerçait le plus souvent qu'a posteriori, c'est-à-dire à l'occasion de la transcription du mariage sur les registres de l'état civil français.

Il a jugé ce dispositif insuffisant dans la mesure où, d'une part, le mariage d'un Français célébré à l'étranger pouvait produire certains effets en France même sans avoir été transcrit, d'autre part, le contrôle a posteriori s'avérait généralement trop tardif et les formalités préalables inefficaces.

a expliqué qu'un décret du 23 février 2005 confiait au procureur de la République de Nantes une compétence exclusive, depuis le 1er mars 2005, pour les décisions de sursis à transcription émanant des officiers de l'état civil consulaires et diplomatiques, ainsi que pour la poursuite en annulation des mariages célébrés à l'étranger. Il a souligné que des moyens nouveaux avaient été alloués au tribunal de Nantes, 4 fonctionnaires et 2 magistrats supplémentaires ayant notamment été affectés au parquet. Il a estimé que cette centralisation avait déjà permis de traiter l'ensemble des procédures dans un délai moindre et de manière uniforme, précisant que chaque dossier faisait désormais l'objet d'une réponse dans le délai de six mois prévu par l'article 170-1 du code civil et qu'il n'y avait plus de transcription par défaut.

a toutefois souhaité clarifier et renforcer les procédures actuelles en soumettant, mutadis mutandis, les mariages de Français à l'étranger aux mêmes règles et aux mêmes contraintes que les mariages célébrés sur le territoire français.

Il a annoncé que le projet de loi en préparation prévoyait d'insérer un nouveau chapitre dans le code civil, entièrement consacré à cette question et intitulé : « Du mariage des Français à l'étranger ».

Il a rappelé que, si la souveraineté des autorités étrangères privait l'autorité française de la possibilité d'empêcher la célébration de tels mariages, le projet de loi tendait à rétablir, pour les Français souhaitant se marier devant une autorité étrangère, l'obligation d'obtenir un certificat de capacité matrimoniale et à faire peser sur le non-respect de cette obligation de véritables conséquences quant à la transcription du mariage.

Il a expliqué que les candidats au mariage seraient entendus par l'officier de l'état civil diplomatique ou consulaire français, ce dernier ayant la possibilité de dénoncer au procureur de la République les mariages de complaisance. Il a ajouté que le procureur de la République pourrait former opposition avant la célébration du mariage et qu'en cas de célébration par l'autorité étrangère, l'acte de mariage ne pourrait pas être transcrit sur les registres de l'état civil sans qu'un juge français l'ait ordonné, la saisine du juge incombant aux époux.

Quant aux époux qui se seraient mariés sans obtenir au préalable le certificat de capacité matrimoniale, il a indiqué qu'ils ne pourraient obtenir cette transcription qu'à la condition de se soumettre à l'audition à laquelle il aurait dû être procédé avant le mariage. Il a ajouté qu'en cas de suspicion de mariage blanc, la charge d'obtenir une décision du tribunal ordonnant la transcription leur incomberait.

Il a souligné que l'efficacité de ce dispositif reposerait également sur le fait qu'il serait désormais expressément prévu que, seule, la transcription permet de faire produire des effets en France à un mariage célébré à l'étranger.

a indiqué qu'il envisageait également, dans un autre texte, de limiter l'attractivité du mariage avec un ressortissant français en rendant plus restrictives les conditions dans lesquelles les conjoints de Français accèdent à la nationalité française.

Il a observé qu'en 2004, sur 75.753 personnes devenues françaises par déclaration de nationalité, 34.440 l'étaient devenues à raison du mariage, ajoutant que les mariages entre personnes de nationalité française et étrangère augmentaient parallèlement, notamment ceux célébrés à l'étranger.

Pour lutter contre la fraude, il a proposé de porter de deux à quatre ans le délai de communauté de vie nécessaire pour souscrire la déclaration de nationalité française, et d'exiger une communauté de vie, tant affective que matérielle, constante entre les époux depuis le mariage et jusqu'à la souscription de la déclaration, ainsi qu'une résidence ininterrompue et régulière en France du conjoint étranger depuis trois années. Il a précisé qu'en l'absence de résidence en France du conjoint étranger pendant trois ans, la communauté de vie serait portée à cinq ans.

Il a estimé que de telles conditions permettraient de subordonner l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger à sa pleine intégration dans la communauté française, sans possibilité de fraude.

Enfin, tout en rappelant que les liens familiaux avec un Français et les liens historiques entretenus avec certains pays avaient toujours été des facteurs importants pour acquérir la nationalité française, M. Pascal Clément a déclaré que le droit devait s'adapter aux réalités du temps et garantir une intégration personnelle, pleine et entière de l'individu dans la société française pour sa naturalisation.

Aussi a-t-il proposé que l'enfant dont le parent a acquis la nationalité française justifie, par delà ce lien familial, d'une résidence en France pendant cinq ans pour devenir français par naturalisation et qu'il en aille de même pour le conjoint.

Soulignant que les territoires anciennement sous souveraineté française étaient devenus indépendants depuis bientôt un demi-siècle, que près de 40.000 personnes naturalisées en 2004 étaient ressortissantes de ces pays et qu'à la différence de leurs ascendants, elles n'avaient jamais participé à la vie citoyenne française en raison de leur jeune âge, il a estimé que seule une résidence sur le sol français d'une durée de cinq années permettrait de leur transmettre les valeurs républicaines et de garantir leur intégration dans la société française.

En troisième lieu, M. Pascal Clément a évoqué la nécessité de lutter contre la fraude à l'état civil.

Il a rappelé que l'article 47 du code civil posait le principe de la force probante des actes de l'état civil étrangers faits en conformité avec les dispositions de la loi locale étrangère compétente. Il a expliqué que la valeur probante de ces actes n'était plus absolue depuis la loi du 26 novembre 2003, cette dernière ayant institué un dispositif de vérification de l'acte d'état civil litigieux par le parquet du tribunal de grande instance de Nantes, saisi à l'initiative de l'intéressé s'étant vu opposer les soupçons de l'administration. Il a toutefois observé qu'en deux ans, le procureur de la République de Nantes avait été saisi seulement 29 fois, ces 29 saisines n'ayant de surcroît pu aboutir en raison des conditions excessivement rigides de la procédure : soit leur auteur n'était pas compétent, soit les conditions de saisine n'étaient pas réunies, soit la procédure n'avait pas été respectée. Il a estimé que ce bilan soulignait l'urgence d'une simplification.

a indiqué le projet de loi présenté au comité interministériel de contrôle de l'immigration n'avait pas pour objet de remettre en cause le principe de la force probante des actes de l'état civil étrangers, mais de le préciser :

- en permettant à tout destinataire d'un acte de l'état civil étranger, qu'il s'agisse d'une administration ou d'un professionnel indépendant, d'en décider le rejet s'il est irrégulier ou frauduleux et ce, le cas échéant, après toutes vérifications utiles ;

- en supprimant, pour plus d'efficacité, le mécanisme de sursis administratif et de vérification judiciaire.

Il a ajouté que le nouveau dispositif prendrait en compte les deux spécificités de la procédure de vérification de l'état civil étranger : les délais et les difficultés d'établissement de la preuve.

Sur le premier point, il a expliqué qu'en pratique, la vérification de l'existence de l'acte original s'opérait par une consultation, par les autorités consulaires françaises, des registres détenus par les autorités étrangères locales. Il a rappelé que la rapidité de ces opérations dépendait de la diligence des services étrangers sollicités, variable selon les Etats, ainsi que des moyens des autorités consulaires françaises à l'étranger.

Sur le second point, il a jugé nécessaire de sortir de la logique binaire dans laquelle la charge de la preuve incombe soit à l'administration, soit à l'administré, rappelant qu'aux termes des articles 21 et 22 de la loi du 12 avril 2000, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande valait décision implicite de rejet (article 21) ou au contraire décision implicite d'acceptation (article 22). Il a annoncé que le projet de loi tendait à insérer dans ce texte un nouvel article 22-1 afin :

- d'accorder aux administrations qui se voient remettre un acte de l'état civil étranger sur la régularité duquel elles ont un doute un délai supplémentaire de six mois (soit huit mois au total) pour instruire le dossier, dès lors qu'elles font procéder à toutes vérifications utiles auprès des autorités étrangères compétentes ;

- d'informer l'intéressé de cette demande de vérification ;

- de disposer qu'en cette matière, le silence de l'administration vaut décision de rejet ;

- enfin, en cas de contestation de la décision de rejet d'une demande de délivrance d'un acte ou d'un titre, de prévoir que le juge saisi doit forger sa conviction sur l'ensemble des éléments présents au dossier et ne peut fonder sa décision exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par l'administré ou par l'administration.

Il a souligné que la réussite d'une telle réforme exigeait, d'une part, une grande vigilance des administrations dans leur appréciation du doute, celles-ci ne devant pas se retrancher derrière la faculté de demander une vérification de l'acte de l'état civil étranger produit, d'autre part, le maintien d'une étroite implication des postes consulaires dans les missions d'état civil.

En quatrième lieu, M. Pascal Clément a abordé les questions touchant le traitement du contentieux du droit des étrangers.

S'agissant tout d'abord de la procédure administrative de reconduite à la frontière, il a rappelé qu'en 2004, le nombre des requêtes dirigées contre un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière enregistrées par les tribunaux administratifs avait augmenté de 50 %. Il a précisé que, depuis le 1er janvier 2005, les appels en la matière n'étaient plus jugés par le Conseil d'Etat, mais par les cours administratives d'appel.

Il a indiqué qu'en sa qualité de juge suprême du contentieux administratif et de gestionnaire des juridictions administratives, le Conseil d'Etat avait formulé un certain nombre de propositions recueillant son assentiment.

Il a relevé que la proposition principale consistait dans la transformation de l'invitation à quitter le territoire français, qui n'a aujourd'hui aucune force juridique contraignante, en une obligation susceptible de faire l'objet d'une mesure d'exécution d'office. Il a souligné qu'une telle réforme présenterait l'intérêt, du point de vue des juridictions administratives, de réduire fortement le contentieux des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, en expliquant qu'en cas de refus de délivrance d'un titre de séjour, l'éloignement de l'étranger pourrait intervenir sans qu'il soit nécessaire de recourir à une décision distincte de l'invitation à quitter le territoire.

a également appelé à une réflexion sur le traitement du contentieux des refus de titre de séjour, jugeant possible de l'améliorer, notamment en ayant recours au juge unique. Il a expliqué que la contestation de l'invitation à quitter le territoire amènerait en effet de manière presque systématique le juge à se prononcer sur le bien-fondé du refus de titre de séjour lui ayant servi de base légale. Unifier le traitement de ce contentieux devant un magistrat statuant seul permettrait, selon lui, d'améliorer l'efficacité du traitement du contentieux des étrangers devant les juridictions administratives sans porter atteinte aux droits des intéressés, les contentieux dévolus à un magistrat statuant seul pouvant toujours, en cas de difficulté, être renvoyés devant une formation collégiale.

Il a ajouté que le recours contre l'invitation à quitter le territoire serait suspensif afin d'éviter toute exécution intempestive avant que le juge n'ait été amené à statuer sur la légalité de la décision.

a indiqué que le Conseil d'Etat avait également proposé, à juste titre, de porter de 72 heures à deux mois le délai imparti au juge pour statuer sur la légalité des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière notifiés par voie postale. Il a en effet jugé anormal que le juge administratif soit contraint de statuer dans un délai très bref sur la légalité d'arrêtés de reconduite à la frontière n'ayant guère de chances d'être mis à exécution en raison de leur mode de notification. Il a précisé que ce délai semblait en revanche devoir être maintenu dès lors que l'intéressé était placé en rétention administrative, même après une notification par voie postale de l'arrêté prescrivant sa reconduite à la frontière.

Enfin, il s'est déclaré favorable au recrutement de magistrats administratifs honoraires pour traiter le contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière, en faisant valoir que ce contentieux ne présentait pas de difficulté particulière et encombrait très fortement un certain nombre de tribunaux administratifs.

a ensuite rappelé que la loi du 26 novembre 2003 avait autorisé la délocalisation des audiences devant le juge des libertés et de la détention des étrangers maintenus en rétention ou placés en zone d'attente.

Il a observé que les locaux de la salle d'audience de Roissy, construite sur l'initiative du ministère de l'intérieur, s'étaient avérés inadaptés aux besoins judiciaires et nécessitaient une importante reconfiguration, un simple réaménagement ne permettant pas de disposer d'une enceinte judiciaire clairement identifiée et directement accessible au personnel judiciaire et au public.

Il a expliqué qu'un projet de réagencement, comportant la création d'une seconde salle d'audience, avait été élaboré par le ministère de l'intérieur en collaboration étroite avec la chancellerie et les utilisateurs, mais que les délais relatifs aux études et à la réalisation des travaux ne permettraient pas de livrer le bâtiment avant le début de l'année 2006.

Il a par ailleurs noté que le ministère de l'intérieur était confronté à des problèmes de convention d'occupation des lieux et de distribution interne des locaux.

Il a en revanche indiqué que la cour d'appel de Douai n'avait pas fait état de difficultés particulières d'utilisation de la salle d'audience de Coquelles.

a enfin évoqué la situation des mineurs étrangers isolés.

A titre liminaire, il a constaté l'absence de recensement quantitatif fiable, les données statistiques des juridictions et des services de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse ne permettant pas de connaître le volume d'activité engendré par le contentieux judiciaire des mineurs étrangers isolés. Il a ajouté qu'un rapport de l'inspection générale des affaires sociales paru au mois de janvier 2005 faisait état d'une progression de 16 %, entre 2001 et 2003, du nombre des mineurs étrangers isolés accueillis dans les départements en dehors de Paris.

Il a estimé que des mineurs continuaient d'arriver dans des départements autrefois peu concernés par ces flux migratoires, mais restaient très concentrés sur les grands centres urbains, les zones frontalières et à proximité des ports et des aéroports.

S'agissant de l'action de la justice, M. Pascal Clément a expliqué que :

- le mineur étranger isolé étant dépourvu de représentants légaux sur le territoire, la loi du 4 mars 2002 avait prévu la désignation d'un administrateur ad hoc pour l'assister et le représenter dans les procédures judiciaires et administratives ;

- des structures d'hébergement ad hoc avaient été mises en place, telles que le centre d'accueil pour mineurs demandeurs d'asile (CAOMIDA) situé à Boissy-Saint-Léger, pour la prise en charge des mineurs admis sur le territoire et libérés de la zone d'attente ;

- les conditions d'habilitation de plusieurs associations candidates pour exercer des mesures d'investigation et d'orientation éducative en faveur des mineurs étrangers isolés étaient en cours d'examen.

Observant que la prise en charge judiciaire des mineurs étrangers isolés donnait lieu à des pratiques variables d'une juridiction à l'autre, il a annoncé la création d'un groupe de travail chargé de réfléchir aux questions juridiques posées par l'intervention judiciaire auprès des mineurs étrangers isolés, dont les conclusions devraient lui être remises dans les prochains jours.

Il a exprimé le souhait que cette réflexion puisse constituer une base pour l'élaboration d'une circulaire d'instruction aux parquets au cours de l'année 2006, l'objectif étant d'adresser des préconisations uniformes de traitement des procédures à l'ensemble des parquets.

a ajouté que son ministère développait une action au plan international, en soulignant qu'un groupe de liaison opérationnel avait été mis en place à titre expérimental, en application d'un accord bilatéral signé le 4 octobre 2002, afin de favoriser les contacts entre les divers acteurs des services français et roumains.

Enfin, s'agissant de l'acquisition de la nationalité par un mineur confié à l'aide sociale à l'enfance, il a rappelé que la loi du 26 novembre 2003 avait exigé une prise en charge depuis au moins trois années, alors qu'aucune condition de durée n'était exigée auparavant.

Il a noté, plus généralement, que les statistiques des tribunaux d'instance mettaient en évidence une diminution de l'ensemble de l'activité liée à la minorité et à la nationalité, tout en regrettant qu'elles ne fassent pas apparaître de données chiffrées relatives aux mineurs étrangers isolés recueillis par les services des conseils généraux ou de la protection judiciaire de la jeunesse et ayant acquis la nationalité française.

Il a indiqué que la loi du 26 novembre 2003 était encore trop récente pour pouvoir faire l'objet d'une évaluation. Toutefois, le délai de trois ans lui est apparu a priori suffisant, dans la mesure où il interdisait l'acquisition de la nationalité française aux grands adolescents recueillis, permettait de veiller à la bonne adaptation des mineurs accueillis plus jeunes et, surtout, laissait le temps de procéder à des vérifications sur leur situation individuelle.

En dernier lieu, M. Pascal Clément a évoqué la question de la dépénalisation de l'immigration irrégulière.

Il a rappelé qu'afin de lutter contre la surpopulation des prisons, la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires avait préconisé, en juin 2000, la dépénalisation des infractions aux règles de l'entrée et du séjour des étrangers en France, soulignant dans son rapport que la peine d'un an d'emprisonnement pour les « sans papiers » avait pour effet pervers d'encombrer les prisons et de contribuer à la dégradation des conditions de détention, notamment dans les grandes maisons d'arrêt.

Il a déclaré que le gouvernement ne partageait pas cette analyse et n'était donc pas favorable à la dépénalisation du délit de séjour irrégulier, pour deux séries de raisons.

Il a tout d'abord jugé inexact de considérer ce délit comme l'une des causes de la surpopulation carcérale. Il a fait valoir que le nombre d'étrangers condamnés à une peine d'emprisonnement ferme pour ce seul délit était très résiduel et que la plupart des étrangers en situation irrégulière détenus dans les établissements pénitentiaires l'étaient soit pour d'autres infractions, soit pour le délit de refus d'embarquement. Il a observé que les étrangers auxquels était reproché le seul délit de séjour irrégulier faisaient la plupart du temps, à l'issue de leur garde à vue, l'objet d'une procédure administrative de reconduite à la frontière, et non de poursuites. Il a ajouté que la nécessité de privilégier la voie administrative, et non la voie pénale, dans un tel cas avait d'ailleurs été régulièrement rappelée aux parquets et aux préfets au cours des dernières années, une nouvelle circulaire commune du ministère de la justice et du ministère de l'intérieur en ce sens devant d'ailleurs être prochainement diffusée. Enfin, il a estimé que les réformes récentes, notamment l'allongement de la durée de la rétention administrative préalable à la reconduite à la frontière, étaient venues renforcer l'efficacité de la voie administrative.

a ensuite estimé que la dépénalisation de cette infraction présenterait le double inconvénient :

- en droit, de ne plus permettre l'arrestation et le placement en garde à vue des étrangers en situation irrégulière, alors que ces mesures sont nécessaires à la fois pour permettre la mise en oeuvre de la procédure de reconduite administrative, mais aussi, dans certains cas, pour permettre des enquêtes relatives aux filières clandestines d'immigration ;

- en opportunité, d'être interprétée comme une volonté de lutter de façon moins efficace contre l'immigration clandestine.

En conclusion, M. Pascal Clément a déclaré que l'immigration constituait un défi majeur pour la société française et s'est engagé à l'aborder avec lucidité et détermination dans le respect des principes républicains.

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