Intervention de René-Paul Savary

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 15 septembre 2020 à 15h00
Audition du professeur didier raoult directeur de l'institut hospitalo-universitaire en maladies infectieuses de marseille

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary, président :

Quel est votre avis quant au rôle éthique des CPP ?

Pr Didier Raoult. - Je me méfie de toutes les modes, notamment les modes méthodologiques. Depuis vingt-cinq ans, la Cochrane Library analyse toutes les publications et les recommandations médicales. En vertu de ce que l'on appelle la médecine basée sur les évidences, il faut au moins un ou deux essais randomisés.

À ce titre, la Cochrane Library a analysé 250 méta-analyses, soit, en tout, plus de 4 000 analyses, pour déterminer s'il y avait une différence de résultat et de qualité entre les études randomisées et les études observationnelles. La conclusion, c'est qu'il n'y a pas de différence. On ne peut pas affirmer que les études randomisées sont l'alpha et l'oméga de la prise en charge thérapeutique : ce n'est pas vrai.

Il en est de même pour les recommandations : quelqu'un a calculé combien de recommandations de la société américaine des maladies infectieuses étaient fondées sur au moins une étude randomisée. Je vous ai donné cette référence. Le résultat obtenu est 18 %. En d'autres termes, 82 % des recommandations thérapeutiques émises aux États-Unis face aux maladies infectieuses ne reposent sur aucune étude randomisée.

Nous sommes donc face à un débat idéologique : je ne veux pas y revenir - j'ai déjà abordé ces questions, notamment en invitant Mme Costagliola à un jeudi de l'IHU pour parler des méthodes et, sur le plan idéologique, nous ne sommes pas d'accord.

Comme médecin, je ne peux pas tirer un malade au sort. Je n'ai jamais su le faire et je ne le ferai pas. D'ailleurs, la plupart des malades refusent ces méthodes, à moins qu'ils n'aient pas compris ce dont il s'agit. Cette méthode n'est pas souvent pratiquée, et nous ne sommes pas là pour cela. Notre contrat millénaire, c'est de faire de notre mieux pour le malade, spécifiquement.

Le but des CPP était d'éviter des expériences hors de propos. Je les ai vues naître : à l'origine, ces instances devaient comprendre des personnes de sagesse, notamment des prêtres catholiques, des pasteurs et des rabbins. J'ai créé le premier comité d'éthique animale en France, c'était en 1989 ; nous avons interdit les essais sur les chiens, les chats et les singes, ce qui a simplifié les rapports avec la population environnante.

Au sein des CPP, on assiste à une prise de pouvoir par les méthodologistes. Or ces instances ne sont pas faites pour valider telle ou telle méthodologie, mais pour déterminer si elle est morale. Nous sommes donc face à une dérive administrativo-méthodologique. Le législateur doit s'emparer de cette question. Soumettre l'usage des écouvillons nasopharyngés à un CPP, c'est du délire. En revanche, la réflexion morale est indispensable - je pense notamment aux essais de non-infériorité.

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