Intervention de Marie-Paule Kieny

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 15 septembre 2020 à 15h00
Audition commune des professeurs dominique costagliola épidémiologiste membre de la cellule de crise de l'académie des sciences et yazdan yazdanpanah chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital bichat directeur de l'institut thématique d'immunologie inflammation infectiologie et microbiologie de l'inserm reacting membre du conseil scientifique

Marie-Paule Kieny, virologue, conseillère scientifique auprès de Reacting :

En mai, les ministères de la recherche et de la santé m'ont chargée de mettre en place un comité scientifique international Vaccin, que je préside. Il est composé de onze spécialistes et experts pluridisciplinaires - immunologie, vaccinologie, éthique, recherche en milieu industriel, etc. Ainsi, trois de ces experts ont eu des fonctions élevées en recherche et développement dans l'industrie - aucun n'a actuellement de conflit d'intérêts.

Ce comité a trois fonctions principales : assurer une veille scientifique, émettre des recommandations et conseiller le groupe de travail placé auprès du Premier ministre sur les négociations relatives aux réservations, pré-achats ou achats de vaccins.

Par exemple en ce qui concerne les recommandations, nous travaillons sur la pertinence des essais cliniques de vaccins contre le covid en France pour explorer des points auxquels les firmes ne seraient pas nécessairement attentives au premier abord. Ainsi, les firmes vont plutôt recruter des participants jeunes afin d'avancer rapidement, mais, comme la France a identifié les personnes âgées comme cibles pour la vaccination, il faut aussi travailler sur l'immunogénicité des personnes âgées pour connaître les différences dans les réponses induites par les vaccins entre les personnes âgées et plus jeunes.

En ce qui concerne notre troisième mission, il s'agissait au départ d'une alliance entre quatre pays - la France, l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Italie -, qui a été élargie à l'Espagne, à la Pologne et à la Suède. Ces négociations sont aussi menées pour le compte de la Commission européenne. Nous formulons des opinions sur les qualités et éventuels manquements des projets de vaccins, pour lesquels la France ou la Commission européenne a fait preuve d'un intérêt. Comme d'autres pays, la France a fait le choix de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, si vous me permettez cette expression, d'autant qu'il existe une grande incertitude sur le type de protection qu'un vaccin pourrait apporter.

Que savons-nous actuellement sur l'avancée des travaux ?

Selon les données que nous avons pu étudier sous accord de confidentialité, nous pouvons être raisonnablement optimistes sur le fait qu'un vaccin est possible et que nous saurons dans les semaines ou mois à venir, certainement avant la fin de l'année, à quel point ces vaccins sont efficaces.

Que signifie être efficace pour un vaccin ? Les essais en cours, notamment ceux qui sont financés par le ministère de la santé des États-Unis, ont un modèle commun. Ils recrutent 30 000 personnes, la moitié étant vaccinée, l'autre non. Dès lors que 150 cas de covid clinique, c'est-à-dire symptomatique, sont détectés, on regarde comment se répartissent ces cas entre les deux groupes. Tout le monde s'accorde à dire que pour utiliser un vaccin il doit être efficace à 50 %. C'est le cas si, dans mon exemple, 50 cas sont apparus chez les vaccinés et 100 chez les non-vaccinés. Mais sur de tels petits nombres, cela signifie en fait que le vaccin sera efficace à au moins 30 %. C'est à peu près la borne que se sont fixés les Américains et l'OMS.

Néanmoins, les vaccins peuvent avoir plusieurs types d'efficacité. La plupart des vaccins ne protège pas contre l'infection, mais contre la maladie. Bien sûr, nous souhaiterions tous que ces vaccins protègent aussi bien que possible contre l'infection, car sans infection, il n'y a ni maladie ni transmission. Nous pourrions cependant avoir des vaccins qui ne protègent pas contre l'infection, mais qui protègent entièrement ou partiellement contre la maladie et qui protègent ou non contre la transmission.

Nous ne disposons pas encore de résultats chez l'être humain, mais beaucoup de firmes ont procédé à des essais sur des primates. Chez les macaques, la plupart des vaccins testés ne protègent pas totalement contre l'infection, certains protègent contre la maladie - il n'y a alors pas de pathologie pulmonaire - et certains bloquent plus ou moins la transmission.

Nous pouvons donc être raisonnablement optimistes sur le fait que nous disposerons d'un ou de plusieurs vaccins induisant un certain niveau de protection chez l'homme, mais nous ne savons pas encore exactement de quelle protection il s'agira. Nous devrions avoir davantage de connaissances d'ici à la fin de l'année, mais je n'ai pas pris ma boule de cristal pour venir au Sénat et je ne peux pas vous en dire plus !

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