Intervention de Florence Parly

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 22 septembre 2020 à 15h00
Audition de Mme Florence Parly ministre des armées

Florence Parly, ministre des armées :

Merci de me donner l'opportunité de contribuer à vos travaux. Je tenterai d'expliquer quel a été le rôle du ministère des armées dans la gestion de cette crise inédite.

En tant que ministre des armées, j'ai la responsabilité d'assurer le fonctionnement du ministère, qui est au service de la Nation tout entière, ce qui suppose deux choses : je dois, premièrement, garantir la protection et la sécurité des militaires ainsi que des agents en service au sein de l'institution ; je dois, deuxièmement, assurer la continuité de l'ensemble des opérations et des missions du ministère. Jour et nuit, sept jours sur sept, tout au long de l'année, quelles que soient les circonstances, les armées remplissent des missions essentielles à la sécurité des Français : lutte contre le terrorisme, en opérations extérieures ou sur le territoire national, dissuasion nucléaire, protection de notre espace aérien, surveillance maritime. L'accomplissement de ces missions ne saurait connaître aucune suspension. Cela suppose donc que la relève des forces et leur préparation opérationnelle, ainsi que le maintien en condition opérationnelle des matériels, des transports et des approvisionnements, soient garantis.

Face à cette crise, une mission supplémentaire a été confiée au ministère des armées, consistant à participer, au service de la santé de tous les Français, à la lutte contre l'épidémie. Cette mission nouvelle a été assumée tout en poursuivant l'ensemble des missions du ministère, en dépit d'une situation sanitaire extraordinairement difficile qui a interrompu une partie importante des activités de notre pays. Je voudrais devant vous rendre hommage aux personnels civils et militaires du ministère, dont l'engagement a été exceptionnel.

Cette capacité à protéger les Français passe avant tout par la protection et la santé de nos forces ; et je n'ai jamais eu à choisir entre ces deux objectifs. En application des mesures du ministère des solidarités et de la santé, des plans de continuité d'activité ont été déclinés dans chaque armée, dans chaque direction, dans chaque service, avec un seul et même objectif : assurer l'ensemble des missions avec un effectif taillé au plus juste pour exposer le moins possible nos personnels et disposer d'une réserve de personnel au cas où l'épidémie aurait touché nos forces. Le ministère des armées a participé activement à la lutte contre la propagation du virus, grâce à son service de santé notamment.

Le rôle premier du SSA est de maintenir la capacité opérationnelle de nos armées, de nos directions et de nos services. Cela signifie prendre en charge les blessés des théâtres d'opérations extérieures, mais aussi veiller au jour le jour à la santé de nos forces, détecter les éventuels cas et assurer leur prise en charge médicale ; cela signifie également que les médecins du service de santé ont en permanence conseillé le commandement sur les mesures qu'il convenait de prendre et sur la manière de conduire les activités.

Le SSA concourt en outre au bon fonctionnement du système de santé publique. Avec 2 500 médecins, il représente moins de 1 % du système de santé publique de notre pays ; il compte huit hôpitaux répartis sur le territoire français, dont je rappelle qu'ils ne sont pas réservés aux militaires, mais ouverts à tous. Ces hôpitaux ont très vite accueilli des patients sur la base de la régulation réalisée par les agences régionales de santé (ARS). Au total, 3 725 patients atteints de la covid-19 y ont été hospitalisés, dont 564 en réanimation. D'ailleurs, comme dans tous les hôpitaux du système de santé publique, le nombre de lits de réanimation au sein des hôpitaux d'instruction des armées a été multiplié par trois pendant la période.

Enfin, sans se détourner de sa mission première, l'ensemble du personnel soignant du SSA s'est engagé. Ceux qui occupaient des postes non essentiels dans les administrations et directions centrales ont repris des gardes dans les services hospitaliers et médicaux. La crise sanitaire a ainsi mis en lumière la réactivité et la capacité d'adaptation du ministère des armées, notre organisation étant fondée sur un principe très simple : quand la situation l'exige, quand on sait faire et quand on peut faire, alors on fait.

Tel est le sens de l'opération Résilience décidée par le Président de la République le 25 mars 2020, qui s'est articulée autour de trois piliers : le soutien médical et sanitaire, le soutien logistique, la protection des personnes et des entrepôts contenant du matériel de soins.

Les opérations d'évacuation sanitaire qui ont été menées par les armées ont joué un rôle très important pour soulager les régions les plus touchées, le Grand Est, la région parisienne, la Corse. C'est ainsi que l'armée de l'air et le SSA se sont mobilisés pour organiser des évacuations médicales par avion et par hélicoptère, en transformant par exemple un Airbus A330 MRTT, qui est initialement un avion ravitailleur, en une véritable unité de réanimation. Je voudrais aussi évoquer la prouesse technique réalisée par l'armée de terre et par l'armée de l'air, qui sont très rapidement parvenues à adapter des modules de réanimation sur les hélicoptères NH90 et sur les A400M Atlas, avions de transport lourd, afin de renforcer nos capacités d'évacuation sanitaire. Un mot également sur l'engagement du porte-hélicoptères Tonnerre, qui a permis de soulager les hôpitaux corses et d'évacuer des patients vers le sud de la France.

Autre opération inédite : le déploiement de l'élément militaire de réanimation (EMR) de Mulhouse, dont je souhaite insister sur le caractère très exceptionnel. Le qualificatif « d'hôpital de campagne » ne lui sied d'ailleurs guère ; il ne s'agissait pas du tout de lits sous une tente, mais d'une véritable unité de réanimation dotée de trente lits et de personnels formés pour accueillir les patients les plus lourdement atteints. Ce dispositif n'existait pas dans nos armées ; il a été créé de toutes pièces et déployé en seulement - j'y insiste - huit jours !

Nous avons également projeté des médecins à Mayotte et en Guyane. J'ai pu entendre dire, ici ou là, que ces opérations relevaient d'une démarche de « com ». Ces remarques m'ont profondément choquée : je peux vous dire que ces opérations étaient nécessaires pour sauver des vies. Les malades et les personnels du système de santé publique qui ont reçu le renfort de nos armées nous ont d'ailleurs exprimé leur très grande reconnaissance.

Quelques chiffres en guise de bilan provisoire de l'opération Résilience : 430 missions menées partout en France, 190 patients transférés par voie aérienne ou maritime en France ainsi qu'en Allemagne, en Suisse, au Luxembourg et en Autriche, grâce à la solidarité de nos voisins européens, qui nous ont ouvert les portes de leurs hôpitaux. Nous avons en outre, par exemple, affrété 750 tonnes de fret alimentaire et sanitaire à Mayotte, cédé 5 millions de masques chirurgicaux prélevés sur le stock du service de santé des armées pour alimenter les hôpitaux civils, fourni vingt respirateurs au ministère de la santé.

Un mot sur le dispositif que nous avons mis en place pour dialoguer avec les autorités locales, préfets et ARS. Je précise tout d'abord que les moyens que nous avons mis en oeuvre l'ont été en fonction des besoins qui ont été exprimés par le ministère de la santé. Les décisions, en la matière, ont été prises dans le cadre du conseil de défense et de sécurité nationale, présidé par le Président de la République, ou au sein des cellules de crise interministérielles.

Nous avions par ailleurs confié au centre de planification et de conduite des opérations, placé sous l'autorité du chef d'état-major des armées - c'est ce centre qui conduit par exemple les opérations au Sahel ou les actions menées sur le territoire national dans le cadre de l'opération Sentinelle -, le soin de coordonner l'action des responsables des chaînes opérationnelles concernées. Nous avons utilisé les relais en région que sont les officiers généraux des zones de défense et de sécurité (OGZDS), commandants militaires régionaux qui, en métropole et en outre-mer, ont fait l'interface avec les préfets de zone de défense et de sécurité, les ARS et les collectivités locales. C'est donc la même logique de subsidiarité qui s'applique pour toutes les autres opérations et qui a été mise en oeuvre dans la gestion de cette crise.

Tout cela nous a beaucoup appris sur les forces de notre ministère, mais nous a permis aussi de soulever un certain nombre de points d'attention et de mieux identifier les moyens du SSA qu'il conviendra de conforter à l'avenir. Je fixerai d'ailleurs, le 3 octobre prochain, une nouvelle feuille de route au SSA, qui s'appuiera notamment sur ce retour d'expérience.

Au-delà des armées, c'est l'ensemble de notre ministère qui s'est mobilisé dans la gestion de cette crise - vous avez certainement en tête le rôle joué par la Direction générale de l'armement pour tester les masques et les textiles destinés au grand public.

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