Intervention de Christophe Castaner

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 22 septembre 2020 à 17h30
Audition de M. Christophe Castaner ancien ministre de l'intérieur

Christophe Castaner , ancien ministre de l'intérieur :

M. Paccaud a dit que j'avais mis en danger mes hommes. Monsieur le sénateur, quand vous êtes ministre de l'intérieur, vous mettez les policiers et les gendarmes en danger permanent, parce qu'ils s'engagent dans un monde par nature hostile... On pourra donc toujours chercher à mettre en cause un ministre sur ce terrain.

Comme je l'ai déjà expliqué à plusieurs reprises, la première contrainte à laquelle nous avons fait face était la disponibilité des masques au niveau national. Nous avons appliqué de la façon la plus stricte toutes les consignes qui nous étaient données. Dans le respect de la doctrine gouvernementale d'utilisation des masques, qui a évolué en fonction de la circulation du virus, et compte tenu du stock opérationnel du ministère, j'ai veillé à ce que des kits de protection soient disponibles dans tous les véhicules de patrouille ou d'intervention, ainsi qu'auprès des agents chargés de recevoir le public dans les commissariats, les brigades de gendarmerie et les guichets de préfecture. La doctrine prévoyait qu'un masque devait être porté en cas de contact avec une personne présentant des symptômes du covid-19 ou dans les cas de figure comportant un risque important de cette nature.

Cette doctrine a été présentée au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) exceptionnel du 9 mars dernier par le secrétaire général du ministère. Elle a été précisée par une instruction du 13 mars du directeur général de la police nationale et par les consignes des 16 et 27 mars du directeur général de la gendarmerie nationale. Le 23 mars, pour répondre aux interrogations nées de la diffusion accrue du virus, j'ai souhaité qu'une réunion se tienne avec les organisations syndicales de la police nationale, en liaison avec la gendarmerie nationale et le directeur général de la santé.

Je vous ai communiqué un certain nombre de chiffres sur la dotation en équipements et les stocks disponibles. Le 13 mars, nous disposions de 810 000 masques. Notre stock est monté en puissance, jusqu'à 14 millions de masques au mois d'avril.

Tous les policiers étaient-ils équipés d'un masque et pouvaient-ils le changer tous les quatre heures, quelle que soit leur activité ? La réponse est non. Nous aurions pu décider que nos policiers et nos gendarmes resteraient chez eux... J'ai pris ma part de responsabilité, et je l'assume pleinement. Il est facile de commenter dans l'après-coup, d'imaginer ce qu'on aurait pu faire. J'ai pris des décisions, compte tenu d'un éclairage donné.

En effet, madame Jasmin, les scientifiques rendent des avis. Les décisions, politiques, ont été prises dans le cadre du Conseil de défense et de sécurité nationale, avec la volonté de suivre ce regard scientifique. Nous devons les assumer, et je les assume toutes pour ce qui me concerne, en fonction des éclairages. Les décisions relevaient du Président de la République et du Premier ministre, mais j'en assume pleinement la mise en oeuvre opérationnelle.

S'agissant de la reconstitution des stocks utiles, il faut interroger l'actuel ministre de l'intérieur. Ce que je sais, c'est que nous avions commandé plus de 100 millions de masques pour la police, la gendarmerie et l'administration préfectorale.

En dehors du ministère de la santé, le ministère de l'intérieur est celui qui a été le plus agile pour garantir le meilleur équipement possible à ses forces d'action, au-delà des seules forces de sécurité intérieure.

En ce qui concerne les violences conjugales, le ministère a tenté de répondre aux situations dramatiques que nous connaissons. J'ai personnellement impulsé notre action en la matière.

Entre autres initiatives, nous avons obtenu l'accord de l'Ordre national des pharmaciens pour les alertes dans les pharmacies ; après avoir appris que cela se pratiquait en Espagne, j'ai personnellement appelé la présidente de l'ordre, qui a accepté ce principe. Plus largement, nous avons étendu au maximum les moyens de donner l'alerte. Ainsi, suivant une suggestion de Laurent Wauquiez, j'ai demandé la mise en place d'un système d'alerte par texto. De même, nous avons ouvert un dispositif d'alerte par chat, accessible 24 heures sur 24. Mieux encore : sans même que je le demande, les policiers et gendarmes ont pris l'initiative d'appeler des familles, dont la situation n'avait pas abouti à un suivi judiciaire, mais laissait craindre des problèmes ; quand, au son de la voix, ils sentaient une difficulté, ils intervenaient.

Bien entendu, nous n'avons pas pu prévenir tous les problèmes de violence intrafamiliale ; mais nos forces ont été particulièrement mobilisées sur ces questions, en liaison avec la ministre de la justice, Marlène Schiappa et, s'agissant des menaces sur les enfants, Adrien Taquet. J'ai donné des impulsions, mais nos policiers et nos gendarmes eux-mêmes avaient conscience de l'importance de cette vigilance.

En ce qui concerne la gestion des frontières, madame Jasmin, je ne puis pas vous répondre aujourd'hui. Nous avons pris en outre-mer des mesures assez drastiques de limitation d'accès, parce que c'était objectivement la meilleure méthode. Wallis-et-Futuna a ainsi été totalement préservée. Mais de telles situations sont extrêmement difficiles à gérer, comme on l'a bien vu à Mayotte, où il a fallu rétablir des transports sanitaires vers La Réunion. Des étudiants, des enfants, des familles n'ont pas pu rentrer chez eux, et le fret a été interrompu.

Compte tenu du sous-équipement en capacité de réanimation, nous avons parfois projeté des unités militaires et organisé des vols d'évacuation sanitaire. Mais il fallait surtout prévenir autant que possible la diffusion du virus.

Le seul conseil que je donnerais est donc celui-ci : limiter au minimum les entrées nouvelles sur ces territoires - étant entendu que contrôler les frontières de la Guyane pose toutes les difficultés que chacun imagine.

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