Intervention de Jacques Legendre

Réunion du 17 mars 2009 à 15h00
Débat sur l'avenir de la presse

Photo de Jacques LegendreJacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, trop longtemps les pouvoirs publics ne se sont préoccupés que de la survie de la presse. Dans un pays comme le nôtre, où la pluralité des opinions conditionne la vitalité du débat démocratique, c’est insuffisant. Colmater des brèches, procéder à des ajustements partiels : tout cela relève plus de l’attentisme que d’une véritable volonté de répondre aux difficultés structurelles de la presse écrite.

Ne nous y trompons pas : tous les acteurs du secteur ont leur part de responsabilité dans cette crise durable de la presse ; l’État, en particulier, n’y est pas étranger. Malgré des aides publiques qui représentaient, en 2008, 13 % du chiffre d’affaires de la presse payante, les pouvoirs publics sont devant un cruel constat d’échec dont ils ne sauraient se dédouaner.

C’est pourquoi l’État a fait le choix d’assumer pleinement sa part de responsabilité, et je suis le premier à m’en réjouir.

En réunissant des états généraux de la presse écrite, le Président de la République a ouvert la voie. En tant que garant du pluralisme démocratique, et au regard du soutien financier qu’il consent chaque année à ce secteur, l’État a toute légitimité à intervenir dans la refondation du modèle économique de la presse.

Ces états généraux ont donné à l’ensemble des acteurs du secteur de la presse du « grain à moudre ». Ils ont ouvert des pistes de réflexion tous azimuts, en envisageant, pour la première fois dans leur globalité, les difficultés structurelles du secteur. C’était le meilleur moyen d’établir un diagnostic partagé et d’élaborer une stratégie commune pour y répondre.

Le résultat est particulièrement convaincant : une dynamique positive a été enclenchée, comme en témoigne l’ouverture de négociations sur la définition d’un « nouveau contrat social » dans les imprimeries.

Il nous appartient désormais, à nous sénateurs, d’entretenir cette dynamique en conservant un temps d’avance dans la réflexion sur les prochains chantiers législatifs qui porteront sur la presse.

Notre commission s’est de longue date mobilisée en faveur d’une presse indépendante et dynamique, comme l’illustre la mise en place, en 2007, d’un groupe de travail sur la crise de la presse, dont les conclusions ont fait l’objet d’un rapport d’information établi par notre ancien et excellent collègue Louis de Broissia.

Le présent débat de contrôle sera l’occasion de réexaminer les propositions de ce rapport à la lumière des conclusions des états généraux.

Ceux-ci ont d’abord été l’occasion de s’interroger sur la réforme des aides publiques à la presse. Je relève, pour ma part, que ce système d’aides publiques, censé garantir le pluralisme, n’atteint plus ses objectifs. Il incarne aujourd’hui une gestion dans l’urgence, qui multiplie les efforts dispersés et donc insuffisants, sans jamais pouvoir associer la profession à une véritable vision de long terme. D’où l’inconfortable impression d’une presse maintenue sous perfusion.

Or nous ne sommes pas là pour gagner du temps. Bien au contraire, demain il sera sans doute trop tard. Une presse survivante, qui se raccroche désespérément à des aides aussi insuffisantes qu’inadaptées, c’est tout sauf une presse indépendante !

Je me réjouis donc que le Président de la République ait annoncé que les mesures d’urgence et le plan d’aide à la presse, d’un montant exceptionnel de 600 millions d’euros sur trois ans, seraient subordonnés à un engagement ferme des acteurs du secteur à mettre en œuvre les réformes structurelles dégagées par les états généraux.

L’État compte honorer ses promesses financières dès le prochain collectif budgétaire, à hauteur de 150, 75 millions d’euros, pour répondre à l’urgence de la situation qui est actuellement celle de la presse.

En s’employant à sécuriser dès maintenant la situation économique précaire de nombreuses publications, les pouvoirs publics garantiront à la presse un environnement financier suffisamment solide pour développer ensuite des stratégies de long terme.

Néanmoins, pour faire écho aux recommandations de notre groupe de travail sur la crise de la presse, je souhaite vous interroger dès maintenant, madame la ministre, sur les efforts du Gouvernement pour mesurer la performance des dispositifs d’aide aux entreprises de presse. Devant un risque persistant de saupoudrage, il est en effet impératif d’évaluer régulièrement la puissance de l’effet de levier exercé par ces aides.

S’agissant de la diffusion de la presse, le développement du portage est souvent avancé comme la clé de la rénovation de notre circuit de distribution. Il faut se féliciter que l’État investisse aussi massivement dans le renforcement de l’aide au portage, qui sera portée de 8 millions à 70 millions d’euros dès cette année. Je souhaite toutefois insister sur la nécessité de bien étudier les modalités d’octroi de l’aide au portage, comme nous y invitait le rapport de Louis de Broissia en 2007. En particulier, dans les zones peu denses, il y a peu de chances que le portage des seuls quotidiens d’information politique et générale constitue la panacée. Le portage ne permet de réaliser des économies substantielles qu’à condition de banaliser l’exemplaire distribué. Ne faudrait-il donc pas, selon vous, réfléchir au développement du portage multi-titres, associant tous les quotidiens ainsi que les magazines ?

Il est également indispensable, à mon sens, d’optimiser notre système de distribution en mettant le réseau de vente de la presse quotidienne régionale à la disposition de la presse quotidienne nationale. Cette mutualisation des réseaux est-elle, selon vous, en bonne voie ?

Je tiens à saluer, en outre, la méthode empirique qui a présidé au déroulement des états généraux. La voie du pragmatisme a été privilégiée s’agissant de la distribution : l’idée est de poursuivre sur une période de six mois des expérimentations, comme ce fut le cas pour le plafonnement des invendus ou l’assouplissement des règles d’assortiment, sans toucher pour autant aux équilibres subtils de la « loi Bichet ». C’est précisément le sens des solutions négociées et des périodes transitoires recommandées, en 2007, par le rapport d’information de notre groupe de travail sur la crise de la presse.

Autre élément essentiel de la réflexion : l’avenir du métier de journaliste. Notre commission a organisé, à ce titre, une table ronde consacrée au métier de journaliste afin de recueillir les avis de personnalités compétentes sur la meilleure façon de mettre en avant la valeur ajoutée d’une information professionnelle de qualité et certifiée comme telle.

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