Intervention de Jacques Legendre

Réunion du 17 mars 2009 à 15h00
Débat sur l'avenir de la presse

Photo de Jacques LegendreJacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles :

Je souhaite que les parlementaires puissent suivre de près les travaux du comité de sages chargé de rédiger ce code de déontologie. Comme l’a démontré le projet de loi sur la protection du secret des sources des journalistes, il revient à la représentation nationale de protéger certaines des garanties fondamentales qui s’attachent au métier de journaliste et à la liberté de l’information.

La question des droits d’auteur constitue un autre chantier de la modernisation de la presse. Il s’agit de faciliter l’exploitation des contributions des journalistes dans un univers numérique. À l’occasion d’une négociation informelle mais fructueuse, les journalistes et les éditeurs se sont accordés sur le principe d’un droit lié à un temps d’exploitation et non plus d’un droit lié à la publication sur un support déterminé. Ils avaient ainsi élaboré un compromis détaillé dans un document appelé le « blanc », en octobre 2007.

Notre commission souscrit pleinement à la volonté du Gouvernement de donner force juridique aux conclusions de ce « blanc ». Mon prédécesseur, Jacques Valade, et notre ancien collègue Louis de Broissia s’étaient déjà penchés sur la question des droits d’auteur des journalistes dans un univers numérique en déposant un amendement au projet de loi sur la modernisation de l’économie, au mois de juin dernier. Cette initiative avait alors été jugée prématurée, faute de concertation.

Constatant avec satisfaction que toute la profession est désormais suffisamment mûre sur ce sujet, notre commission souhaite que soit garanti dans les plus brefs délais, le cas échéant dans le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, le principe de la neutralité du support d’exploitation.

Nous faisons ainsi confiance aux professionnels pour discuter ensuite, de leur côté, des questions relevant de la négociation collective. Pourriez-vous cependant, madame la ministre, revenir sur le rôle et sur la composition de la commission de conciliation prévue pour arbitrer les différends non résolus par la négociation collective en matière de droits d’auteur ?

Je m’inquiète par ailleurs de l’ambiguïté du droit en vigueur en matière de publicité sur l’alcool et des risques croissants de contentieux qui en découlent. Un article évoquant la production viticole sous des aspects purement informationnels ou éditoriaux court le risque d’être sanctionné pour publicité indirecte. N’est-il pas nécessaire de distinguer plus clairement l’information et les insertions publicitaires sur l’alcool afin de mieux concilier notre combat contre l’abus de la consommation d’alcool et la liberté d’expression des journalistes ?

Enfin, mes chers collègues, je souhaite insister sur la nécessité d’accompagner la presse écrite payante dans son adaptation aux codes de lecture modernes.

Le renforcement de l’aide au développement des services en ligne des entreprises de presse, portée à 20 millions d’euros dans le prochain collectif budgétaire, va dans le bon sens, car il permet à la presse écrite d’aborder dans les meilleures conditions le virage de l’internet.

Il faut évidemment aller plus loin, et je me félicite que le Gouvernement se soit engagé à déployer tous ses efforts pour encourager l’investissement privé dans le développement de la presse numérique. La création d’un statut de l’éditeur de presse en ligne permettra, en particulier, de distinguer clairement la presse en ligne des autres sites de communication et de certifier ainsi la qualité de l’information produite en ligne par des journalistes professionnels.

Combattre la désaffection du lectorat suppose de conquérir les jeunes. La participation de l’État à la mesure permettant à tout jeune de bénéficier d’un abonnement gratuit à un quotidien de son choix à ses dix-huit ans va dans le bon sens. L’expérience a en effet démontré que les titres concernés sont en règle générale conduits à des efforts éditoriaux pour se rapprocher de leurs jeunes lecteurs. Toutefois, la mise en œuvre pratique de cette mesure suscite un certain nombre d’interrogations.

Tout d’abord, ne faudrait-il pas privilégier l’abonnement gratuit à un seul numéro par semaine ? Ne prend-on pas le risque de lasser le jeune lecteur en lui faisant parvenir tous les jours un quotidien qu’il n’aura pas forcément le temps de lire de façon approfondie ?

Par ailleurs, la mesure se limitera-t-elle aux seuls quotidiens d’information politique et générale ? Madame la ministre, pour susciter le goût de la lecture sur papier, faudrait-il, selon vous, réfléchir à étendre l’abonnement gratuit à d’autres types de publications plus à même d’intéresser les jeunes ?

Permettez-moi, madame la ministre, avant d’achever mon propos, de vous interroger sur l’avenir de l’Agence France-Presse et sur les perspectives d’évolution envisagées pour ce fleuron français du journalisme professionnel et indépendant auquel notre commission est, comme l’ensemble du Parlement, extrêmement attachée.

J’en arrive à ma conclusion.

Nous sommes conscients qu’il faudra beaucoup de détermination. Les états généraux ont démontré que les professionnels étaient prêts à s’engager ensemble dans la voie de la modernisation, et notre commission leur fait confiance.

La presse écrite a un avenir. Comme le rappelait récemment Marcel Gauchet, l’expertise du journaliste est plus que nécessaire pour guider le citoyen dans le dédale d’une information démultipliée par la révolution numérique.

C’est à mon sens ce qu’il faut retenir des multiples débats déjà conduits sur l’avenir de la presse. Une analyse rigoureuse de l’information, seule capable de susciter un débat démocratique de qualité, ne sera jamais gratuite. Elle est un bien d’intérêt général qu’il nous revient de défendre et, pour cela, il n’y a plus de temps à perdre. La progression significative de l’audience de la presse quotidienne en 2008, de 2, 3 % par rapport à 2007, est un signe encourageant, car elle témoigne, malgré tout, de l’intérêt croissant de la population pour la lecture de la presse. Il est donc de notre devoir de refuser toute fatalité.

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