Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 17 mars 2009 à 15h00
Débat sur l'avenir de la presse

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

Je pourrais citer également les explications de M. Serge Dassault à son rachat de L’Express et du Figaro : un journal « permet de faire passer un certain nombre d’idées saines ». Il faudrait y ajouter, dans un autre registre, les fausses affaires médiatiques, telles que l’agression imaginaire du RER D ou l’affaire du bagagiste d’Orly, ainsi que le traitement médiatique de l’affaire d’Outreau.

Nos concitoyens prennent de plus en plus de distance avec le journalisme de complaisance, dont la récente émission télévisée du Président de la République, simulacre d’interview, constitue une parfaite illustration.

Dans cette perspective, l’idée qu’une partie de la presse attende des pouvoirs publics sa planche de salut laisse planer quelques interrogations.

Quant au fait que les pouvoirs publics – ou plus précisément le Président de la République – aient tranché, seuls, l’issue des propositions des états généraux, il constitue assurément une preuve de plus de l’allégeance des médias au pouvoir présidentiel, alors que la révolution de la presse doit venir des éditeurs et des journalistes eux-mêmes.

Ainsi a-t-on vu M. Nicolas Sarkozy, après avoir annoncé que les dépenses de communication institutionnelle réservées à la presse écrite seraient doublées, ironiser, sourire aux lèvres, avec un « J’espère que personne n’y verra d’atteinte à son indépendance… » Bien sûr, chacun sait qu’un média peut tout à fait critiquer librement un annonceur sans que cela porte à conséquence !

Si ces états généraux de la presse ont émis des propositions précises sur le numérique, telles que le statut des éditeurs de presse en ligne, il n’en a pas été de même pour la presse papier. Le risque serait de vouloir tout miser sur le numérique et de retarder encore la réinvention de cette presse papier, faute de véritable impulsion.

Le pire a été évité : pour une fois, Nicolas Sarkozy ne s’est pas livré à une partie de « chamboule-tout » !

Une seule demande des syndicats de journalistes a été retenue : l’inclusion d’un code de déontologie à la convention collective nationale de travail des journalistes.

Mais rien sur les pigistes, les plus fragiles de la profession, ni sur l’indépendance des équipes rédactionnelles, dans un contexte économique où les journaux appartiennent à des groupes industriels qui n’ont rien à voir avec la presse, mais vivent de la commande publique.

Actuellement, le pouvoir politique ne conçoit l’information qu’au service de sa propre communication. Pourtant, l’indépendance rédactionnelle représenterait un signal fort à l’intention du public contre la relation de méfiance vis-à-vis des journalistes. en tout cas, à défaut de cette indépendance, il serait vain d’attendre une amélioration de la qualité du contenu.

Rien non plus sur le conditionnement des aides à la presse à des critères sociaux et éditoriaux.

Au final, ce qui ressort du discours de M. le Président de la République, c’est bien l’écart flagrant entre l’enjeu : sauver la presse écrite, comme il l’a lui-même indiqué en introduction, et le catalogue de petites mesures, parfois discutables, qui, en tout cas, restent bien en deçà du défi à relever.

Le pire a été évité, mais il n’est jamais écarté définitivement. C’est pourquoi nous serons particulièrement vigilants quant à la traduction législative des états généraux de la presse.

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