Intervention de Colette Mélot

Réunion du 17 mars 2009 à 15h00
Débat sur l'avenir de la presse

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que nous ouvrions cette semaine sénatoriale de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, en application de notre nouvel ordre du jour, par un débat sur l’avenir de la presse.

Ce sujet revêt une importance particulière non seulement sur le plan démocratique, parce que nos concitoyens doivent bénéficier d’une information complète, indépendante et pluraliste, mais également sur le plan économique, car il s’agit d’assurer la survie d’un secteur aujourd’hui en péril.

Notre commission des affaires culturelles a depuis longtemps engagé une réflexion sur le sujet, lui consacrant de nombreuses auditions, et un groupe de travail a présenté un rapport sénatorial faisant aujourd’hui référence, le rapport d’information de notre ancien collègue Louis de Broissia, au titre éloquent : « Presse quotidienne d’information : chronique d’une mort annoncée ? »

Je souhaiterais, avant d’évoquer le plan d’aide à la presse présenté par le Président de la République, situer le contexte de la crise.

Bien que la presse totalise 35 % des parts de la publicité globale en France, les annonceurs se tournent de plus en plus vers l’audiovisuel ou Internet.

La presse quotidienne payante est de plus en plus concurrencée par les succès de l’information en ligne et de la presse gratuite, deux médias qui la rendent chaque jour moins indispensable aux yeux des lecteurs.

Dans le monde entier se pose la question de l’avenir de la presse d’information.

Toutefois, si la crise est mondiale, il existe un retard propre à la France, qui s’explique par la réunion de plusieurs facteurs : le manque d’adaptation du réseau de distribution, activité très déficitaire, la disparition de nombreux points de vente et le coût élevé des frais de production. Les coûts d’impression, de papier et de distribution sont parmi les plus élevés du monde occidental.

Les quotidiens français figurent à la cinquante-huitième place mondiale et à la vingtième place européenne quant à la diffusion pour 1 000 habitants. L’Europe de la presse quotidienne est dominée par deux grandes puissances : l’Allemagne, avec 24 millions d’exemplaires par jour, et le Royaume-Uni, avec plus de 16 millions d’exemplaires. La France vient loin derrière, avec seulement 8 millions d’exemplaires.

Si une étude parue dans Le Monde d’hier révèle une augmentation des ventes des quotidiens français en 2008, il faut relativiser ces données, car les ventes enregistrent une baisse de 15 % depuis le début de l’année, en raison de la crise.

La presse française est devenue la plus chère d’Europe. Signe d’un dispositif vieillissant, le prix des quotidiens augmente plus vite que la moyenne des prix à la consommation. Cette augmentation des prix entraîne la désaffection du public populaire, plus sensible au prix de vente, mais aussi du public le plus jeune, alors que c’est lui qui forme le lectorat du futur.

Un autre problème majeur est celui des invendus qui engorgent les points de vente. Le Livre vert issu des états généraux de la presse écrite relève qu’il n’est plus soutenable de produire et transporter à un prix plus élevé que partout ailleurs en Europe, puis de détruire 40 %, voire parfois 90 % de la production invendue.

La presse française aborde donc l’actuelle crise économique avec des handicaps structurels connus depuis longtemps, mais jamais résolus.

Les états généraux de la presse écrite ont permis une concertation exemplaire du monde de la presse, avec l’ensemble des éditeurs, des techniciens et des journalistes.

Le Plan qui en est issu, annoncé par le Président de la République le 23 janvier dernier, présente tout d’abord des mesures d’urgence destinées à compenser les effets immédiats de la crise : report d’un an de l’augmentation des tarifs postaux pour la presse et doublement des dépenses de communication de l’État dans la presse écrite. Je ne citerai pas l’ensemble des mesures envisagées par le plan, car vous serez sans doute amenée à les décrire tout à l’heure, madame le ministre. Je souhaite simplement souligner que le Gouvernement a su cibler les priorités.

Le plan s’attaque aux racines du mal : les coûts excessifs de fabrication et de distribution, avec une augmentation importante de l’aide directe au portage, qui passe de 8 millions à 70 millions d’euros, la suppression des charges sociales patronales pour tous les porteurs rémunérés au SMIC, le développement des points de vente, la revalorisation du métier de diffuseur.

Le développement de la presse en ligne est favorisé, car, ainsi que l’a souligné le chef de l’État, « si la presse ne prend pas le virage d’internet, elle n’aura aucune réponse à offrir aux générations natives du numérique ». D’où la création d’un statut d’éditeur de presse en ligne et l’adaptation du régime des droits d’auteur.

La crise est aussi une crise de fond sur la maîtrise de l’innovation, de la recherche et du développement. Pourriez-vous, madame le ministre, nous parler des actions que vous comptez entreprendre en ce domaine ? Quels sont les moyens dont peut disposer le ministère de la culture pour favoriser la mise en place d’une plateforme nationale de recherche sur les médias ?

Il est également important d’encourager la lecture de la presse chez les jeunes. Il ressort de diverses études que ceux-ci lisent très peu la presse en général, mais pensent néanmoins qu’elle est le média le plus utile pour « comprendre le monde ». On peut espérer que la décision d’offrir à tout jeune de dix-huit ans un abonnement gratuit à un quotidien de son choix retiendra l’attention des jeunes. Je souhaiterais savoir, madame le ministre, si vous envisagez d’autres mesures pour encourager ce lectorat ?

Pourriez-vous, d’autre part, nous indiquer le calendrier que vous allez mettre en place pour l’ensemble des réformes ?

Je tiens enfin à souligner que l’aide consentie par l’État est particulièrement importante : elle représente un total de 200 millions d’euros par an pendant trois ans. Cette aide est conditionnée aux réformes profondes du secteur, que les acteurs devront eux-mêmes mener à bien.

En effet, si l’État a dégagé une série de propositions, l’essentiel dépend de la presse elle-même. L’offre éditoriale doit ainsi s’adapter aux besoins et aux souhaits de ses lecteurs. Entre le minimum informatif des gratuits et la galaxie d’informations personnalisées d’Internet, l’offre des quotidiens payants devra se renouveler pour démontrer son originalité.

Le chemin est encore long, mais l’élan est aujourd’hui donné.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion