Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du 17 mars 2009 à 15h00
Conseil européen des 19 et 20 mars 2009 — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Bruno Le Maire, secrétaire d’État chargé des affaires européennes :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires européennes, cher Hubert Haenel, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, cher Josselin de Rohan, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de venir m’exprimer à nouveau devant vous. Je vous remercie d’avoir organisé cette séance, qui va me permettre de vous présenter l’ordre du jour du prochain Conseil européen qui se déroulera les 19 et20 mars prochains.

Comme il est de tradition, le Conseil européen de printemps sera principalement consacré aux questions économiques. Il revêt une importance particulière, car il préparera le sommet du 2 avril à Londres, l’une des réunions les plus importantes de l’agenda international de 2009. Il s’agira d’un rendez-vous essentiel puisqu’il visera à trouver des points d’accord au niveau mondial pour apporter des réponses collectives à la crise grave qui affecte l’économie mondiale.

Les dernières projections européennes et internationales dessinent en effet un tableau très sombre de la situation économique et sociale à laquelle l’Europe devra faire face dans les prochains mois.

La France s’est attachée, durant sa présidence, à favoriser une réponse concertée et coordonnée à la crise de la part de l’Union européenne et de ses membres.

En octobre, un cadre a été fixé pour permettre l’adoption de mesures d’urgence en faveur du secteur financier et bancaire, et pour préserver les conditions de financement de l’économie. Nous savons aujourd’hui qu’il s’agit de l’une des questions essentielles pour relancer l’activité économique des PME, des TPE et des grandes entreprises. En décembre, une « boîte à outils » a été définie pour soutenir l’activité économique. Sur le plan international, l’appel de la France et de l’Union à une réforme du système financier international a conduit au sommet de Washington, le 15 novembre. Nous avons donc, durant toute la présidence française de l’Union européenne, préparé les étapes d’une réorganisation du système financier et économique international.

Les mesures de garantie et de recapitalisation préventive qui ont été arrêtées conformément au plan d’octobre ont permis d’éviter une débâcle financière en Europe : aucune banque n’a fermé ses portes, aucun compte en banque de particulier n’a disparu au cours des derniers mois.

Une forte impulsion budgétaire a également été donnée : au total, l’effort engagé par l’ensemble des États européens représente plus de 440 milliards d’euros, soit une contribution comprise entre 3, 5 % et 4 % du produit intérieur brut si on inclut le jeu des stabilisateurs automatiques, qui sont puissants dans les pays européens. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet au cours de notre débat, mais je ne vois pas pourquoi les pays européens, lesquels ont un système social qui leur coûte cher et qui permet de participer à la relance budgétaire, ne tiendraient pas compte, dans l’ensemble de leurs plans de relance, du volume de ces stabilisateurs automatiques.

Nous devons poursuivre cet effort et conserver à l’Union son rôle d’impulsion : c’est l’enjeu assigné au prochain Conseil européen, comme l’a rappelé le Président de la République il y a quelques jours, à Berlin, en plein accord d’ailleurs avec la Chancelière fédérale d’Allemagne, au terme d’un travail considérable qui a abouti à un franc succès. La France et l’Allemagne sont d’accord pour renforcer le système financier international ainsi que les mesures visant à réorganiser le système financier mondial, et pour faire de ce Conseil européen un succès.

Nous attendons du prochain Conseil européen qu’il exprime trois volontés.

Tout d’abord, le Conseil européen doit exprimer une volonté d’action, afin de poursuivre et de renforcer nos efforts communs en réponse à la crise.

Des mesures nouvelles sont indispensables pour assurer la stabilité et la surveillance du système financier. C’est une condition nécessaire au retour de la confiance et à un assouplissement durable des canaux de crédit. Nous le constatons tous dans nos circonscriptions, dans nos régions : des efforts ont été faits par les banques, mais ces efforts ne sont pas suffisants pour permettre, aujourd’hui, un financement satisfaisant des PME, des TPE, et donc une relance forte de l’activité économique.

Dans cette perspective, nous souhaitons que le Conseil européen fixe une orientation et un calendrier précis pour la mise en œuvre du rapport de Larosière sur la supervision en Europe. Les premières décisions devront être prises en juin. Dans la communication qu’elle a présentée en vue du Conseil européen, la Commission a confirmé qu’elle y était prête : nous nous en félicitons. Nous jugerons aux actes.

Votre commission des finances a entendu M. Jacques de Larosière aujourd’hui même ; je ne reviendrai donc pas sur le détail du rapport qu’il a présenté le 25 février dernier. Je précise simplement que nous en appuyons les recommandations sur la supervision : leur mise en œuvre rapide doit permettre de combler les graves lacunes que la crise financière a révélées dans nos mécanismes de régulation et de supervision.

Par ailleurs, la Commission a annoncé la présentation prochaine de nouvelles propositions réglementaires fortes dans le domaine financier : sur les rémunérations, sur l’encadrement des fonds d’investissement, sur les échanges de produits dérivés, sur l’encadrement de la prise de risque dans les établissements financiers. Même si tous ces termes peuvent paraître techniques, derrière chacun d’entre eux se dessine une vraie question politique : voulons-nous, oui ou non, réorganiser le système financier international ? Cela passe par des décisions techniques fortes sur l’ensemble des sujets que je viens d’indiquer.

La Commission a aussi approuvé, le 25 février, des lignes directrices sur le traitement des actifs dépréciés auxquelles il appartient désormais aux États membres de se conformer.

Je l’ai dit, nous sommes aujourd’hui au-delà des objectifs que nous nous étions fixés en décembre. Les objectifs alors retenus étaient les suivants : 1, 5 % du PIB et 175 milliards d’euros. Il ne s’agit donc pas d’échafauder de nouveaux plans de relance, comme certains veulent nous y inciter, mais de poursuivre la mise en œuvre des mesures prises et de mieux orienter les efforts vers les secteurs structurants de nos économies. Nous estimons ainsi important que des voies soient tracées pour de nouvelles initiatives, notamment de nature sectorielle et dans le domaine de la recherche-innovation, afin de renforcer la compétitivité de nos entreprises.

De façon plus générale, des progrès sont nécessaires dans la coordination de nos politiques économiques. Le 12 mars dernier, lors du conseil des ministres franco-allemand, l’Allemagne et la France sont convenues de « renforcer la coordination de leur politique économique contre la crise économique et financière ». Je souhaite que cet accord soit l’amorce d’une évolution plus large en Europe. Nous avons besoin que la France et l’Allemagne travaillent étroitement ensemble à coordonner leurs politiques économiques si nous voulons qu’une politique économique européenne commune, nécessaire face à la crise, voie le jour.

Ensuite, et c’est une deuxième attente, le Conseil européen doit confirmer sa volonté de solidarité, que nous devons aux pays européens les plus vulnérables, en particulier nos partenaires d’Europe centrale et orientale.

Le débat s’est parfois concentré, au cours des derniers jours, sur la question de l’assouplissement des critères ou du calendrier d’entrée dans la zone euro : il paraît difficile d’aborder pour le moment ces sujets, d’ailleurs réglés par les traités.

En revanche, nous devons identifier les mesures supplémentaires, en particulier financières, qui peuvent être prises pour assister nos partenaires en difficulté. Vous savez que 25 milliards d’euros ont déjà été débloqués pour les pays d’Europe centrale et orientale qui rencontraient des difficultés financières. Nous devons examiner si des dépenses supplémentaires, en geste de solidarité à l’égard de ces États, ne sont pas aujourd’hui utiles.

Enfin, le Conseil européen doit exprimer une volonté d’unité dans la perspective du prochain sommet du G20, à Londres.

Le Président de la République l’a dit : la rencontre de Londres doit permettre d’aboutir à des résultats forts, substantiels et concrets dans la mise en œuvre du plan d’action de Washington. Au total, tous les acteurs financiers et tous les produits doivent être soumis à des procédures de surveillance et de contrôle, voire à des sanctions, comme dans le cas des paradis fiscaux.

Nous attendons des avancées concrètes sur la transparence et la régulation financières, l’intégrité des marchés, la coopération internationale et le renforcement des institutions financières internationales, comme le Fonds monétaire international, le FMI.

D’autres sujets seront évoqués à l’occasion du Conseil européen par les chefs d’État et de gouvernement. Je les évoque brièvement, car ils ne seront pas au cœur des débats.

Le Conseil européen approuvera tout d’abord un ensemble d’orientations en matière de sécurité énergétique, concernant en particulier l’amélioration de l’efficacité énergétique, la diversification des sources et des routes d’approvisionnement, le dialogue avec les principaux partenaires énergétiques.

Le Conseil européen sera invité à arrêter les lignes directrices de l’Union en vue de la préparation de la Conférence des Parties sur le changement climatique qui se tiendra à Copenhague, en décembre prochain.

Dans cette perspective, l’Union européenne doit naturellement confirmer le message ambitieux qu’elle avait délivré lors de la présidence française.

Au titre des relations extérieures, le Conseil européen saluera le lancement du partenariat oriental en vue du sommet qui réunira à Prague, le 7 mai, les Vingt-Sept et les six pays concernés. Nous appuyons cette initiative, qui vient enrichir la politique de voisinage dans laquelle elle s’inscrit.

Parallèlement, le Conseil européen réaffirmera son soutien à l’Union pour la Méditerranée, l’UPM, en appelant tous les partenaires à travailler à la mise en œuvre des projets de celle-ci et à la mise en place rapide de ses structures.

Le Conseil européen évoquera, enfin, le processus de ratification du traité de Lisbonne et les travaux conduits pour assurer la traduction juridique des engagements pris en décembre dernier à l’égard de l’Irlande. Il ne s’agira pas d’une discussion de substance, qui doit intervenir au Conseil européen de juin, mais d’un point d’information.

Naturellement, la France rappellera son attachement au traité de Lisbonne et son espoir qu’une nouvelle consultation sera bien organisée en Irlande pour autoriser l’entrée en vigueur du traité d’ici à la fin de l’année.

Telles sont les principales attentes pour le prochain Conseil européen. Vous le voyez, celles-ci sont concentrées sur les questions économiques et financières. Notre feuille de route a été dessinée à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, à la fois sur des questions économiques et sur des questions financières. Un certain nombre de rendez-vous, au cours des mois de janvier et de février, nous ont permis de progresser dans la réalisation de cette feuille de route. Le conseil des ministres franco-allemand, important et fondateur, a permis de sceller une nouvelle union entre la France et l’Allemagne sur ces sujets et nous fera avancer encore davantage lors du Conseil européen et du G20 de Londres.

Notre objectif est bien de conforter le rôle de l’Europe, d’avoir une Europe politique qui rende plus efficace le modèle de régulation qui la caractérise.

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