Intervention de Hubert Haenel

Réunion du 17 mars 2009 à 15h00
Conseil européen des 19 et 20 mars 2009 — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Hubert HaenelHubert Haenel, président de la commission des affaires européennes :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui apparaît un peu plus chaque jour, c’est l’incertitude sur la gravité et la durée de la crise économique et financière.

Bien sûr, nous entendons sans cesse de nouveaux pronostics – plus ou moins concordants –, mais il suffit de regarder ce que disaient les mêmes prévisionnistes il y a un an pour conclure que leur marge d’erreur est, pour le moins, confortable.

Dans une aussi grande ignorance, il faut s’en tenir à la maxime de Descartes : pour sortir d’une forêt, il faut avancer toujours dans la même direction.

Or, ce n’est pas l’impression que donne aujourd’hui l’Europe. À l’automne dernier, nous avons eu le sentiment que l’Union, après quelques atermoiements, réagissait vigoureusement et en bon ordre. Aujourd'hui, on ne sent plus tout à fait la même unité de pensée et d’action, la même détermination commune.

Pourtant, si nous voulons que les citoyens croient en l’Europe, c’est dans ce genre de circonstances qu’elle doit faire ses preuves, toutes ses preuves : elle doit montrer que face à une crise gravissime, elle est capable d’être à la hauteur.

Nous ne sortirons pas de la crise sans rétablir la confiance ; et, pour cela, une Europe à la fois unie et efficace est un élément essentiel.

Ma conviction est que nous ne rétablirons la confiance qu’à partir des valeurs de solidarité européenne, d’une part, et de responsabilité, d’autre part.

La solidarité entre Européens, c’est, d’abord, que chacun prenne sa part de l’effort de relance, sans se comporter en passager clandestin. Si chacun se contente d’une relance en trompe-l’œil, en espérant bénéficier à bon prix des efforts de relance des autres, nous n’arriverons à rien, et nos concitoyens s’enfonceront dans le pessimisme. L’effort conjugué de relance doit être clair, évident et doit être pleinement commun. Les citoyens, les agents économiques doivent avoir le sentiment que l’Europe appuie sans réticence sur l’accélérateur.

Cela veut dire que le problème de la dette n’est pas actuellement la priorité. Il le deviendra lorsque la reprise sera là. Mais, aujourd’hui, minorer la relance au nom de la dette, ce serait, à mon avis, une erreur.

Que se passera-t-il si, voulant à tout prix maîtriser la dette, nous refusons une vraie relance ? La récession sera plus marquée et, finalement, le rapport entre la dette et le PIB se détériorera tout autant. En réalité, dans un contexte de récession, l’inaction dégrade plus les finances publiques que la relance : les recettes fiscales baissent davantage et les dépenses sociales augmentent plus vite.

Je crois aussi qu’il faut éviter une présentation par trop alarmiste de la dette française. Nous aimerions tous qu’elle soit moins élevée. Toutefois, elle est comparable à celle de l’Allemagne, comme à celle des États-Unis, qui s’acheminent comme nous vers une dette représentant de 75 à 80 % du PIB. C’est beaucoup. Mais que dire du Japon, où la dette dépasse 180 % du PIB, ou même de l’Italie, où elle dépasse 110 % ?

J’ajouterai qu’il ne faut pas seulement considérer le niveau de la dette. L’Espagne est beaucoup moins endettée que nous : son endettement est inférieur à 50 % du PIB. Et, cependant, elle est obligée de rémunérer plus que nous les titres de sa dette, car les caractéristiques structurelles de l’économie espagnole inquiètent les investisseurs.

Et, de toute manière, nécessité fait loi. Dans un contexte où seul l’État peut emprunter à bon compte, il doit utiliser sa capacité d’emprunt pour être à même de soutenir l’investissement et, donc, d’encourager des anticipations plus positives des entreprises. S’il ne joue pas ce rôle, personne ne le jouera à sa place.

La conclusion me paraît claire : les États membres ne doivent pas paraître hésitants, incertains, fuyants quand on parle de relance européenne. Ils doivent s’engager clairement et solidairement dans cette voie.

Et, monsieur le ministre, la Commission européenne doit elle aussi donner le sentiment qu’elle est concentrée sur la lutte contre la crise – et, allais-je dire, uniquement sur la lutte contre la crise. Je suis un défenseur de la Commission. Mais je dois reconnaître qu’il lui arrive de prendre des initiatives qui laissent pantois. Quelle image donne-t-on de l’Europe en pleine crise et à trois mois des élections européennes en proposant de créer un vin rosé barbare par un mélange de vin rouge et de vin blanc ?

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