Intervention de Daniel Salmon

Réunion du 11 octobre 2023 à 15h00
Industrie verte — Vote sur l'ensemble

Photo de Daniel SalmonDaniel Salmon :

Nous attendions des mesures visant à favoriser une industrie respectueuse de l’environnement et de la santé, une industrie décarbonée, sobre dans sa consommation des ressources, capable de gérer ses déchets dans le cadre d’une économie circulaire et de s’ancrer dans un tissu économique local, en lien avec les TPE et les PMI.

On aurait pu imaginer une véritable planification, couplée à une orientation claire des financements publics, dans le but de développer une production industrielle répondant aux défis du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité, à savoir une production industrielle adossée à la construction, essentielle, d’une consommation sobre et soutenable.

On aurait pu espérer une réflexion sur le sens de notre développement industriel, avec un fort volet humain, sur les compétences nécessaires à la transition écologique, sur les conditions de travail, l’association des salariés au développement des entreprises, la reconversion des hommes et des femmes touchés par les inévitables mutations du secteur.

Si l’industrie verte avait été définie et pensée en ces termes, les écologistes auraient été heureux de partager l’ambition de ce texte. Nous alertons en effet depuis de nombreuses années sur les enjeux de relocalisation, de résilience et de transition. Ces enjeux sont plus que jamais d’actualité, à l’heure des pénuries de médicaments pourtant essentiels et de tensions sur notre souveraineté énergétique. Ainsi, un an seulement après la fin de l’état d’urgence sanitaire, les sites français de production de masques ferment ou sont en difficulté. Quelle protection réelle donnons-nous à notre industrie ?

La nécessité d’une réindustrialisation de la France est donc pour nous une évidence. Mais nous attendions une industrie inscrite dans une vraie transition écologique, pensée sur le long terme, qui nous permette de produire nos biens essentiels, tout en protégeant l’environnement.

On ne trouve rien de tout cela dans ce projet de loi, si ce n’est quelques avancées sur la réutilisation des coproduits, les friches ou la commande publique. On y relève des régressions démocratiques et environnementales majeures, que l’Assemblée nationale a en partie aggravées. Le texte issu de la commission mixte paritaire présente ainsi des reculs, notamment à l’article 2, au sein duquel a été actée une limitation du droit de recours des citoyens, ou encore à l’article 9, le garde-fou que constituaient les élus locaux face aux dérogations proposées ayant été écorné.

Si nous nous satisfaisons de la suppression de l’article 9 bis, qui excluait du ZAN les implantations industrielles, il n’en reste pas moins que ce texte est avant tout synonyme de détricotage du droit de l’environnement et de la participation citoyenne, pourtant garants de la qualité écologique et de l’implantation réussie des projets.

Le message est clair : on nous propose de déréguler, d’accélérer, d’être attractifs dans le jeu de la concurrence mondiale, pour réindustrialiser, sans s’interroger vraiment sur nos besoins ou sur les impacts territoriaux, environnementaux et sanitaires associés. Accélérer, le verbe est omniprésent ! Mais vers où ? Il manque, hélas, une direction !

Nous pouvons, au vu de l’urgence de notre situation climatique, souscrire à des mécanismes d’accélération, dans des cadres définis et exigeants, par exemple pour les projets d’énergies renouvelables vertueux. Mais nous nous opposons fermement à cette logique, si elle s’applique indifféremment à tout type d’industrie, sans conditionnalité claire.

Car nous l’assumons, il y a des industries dont nous avons intensément besoin et des industries dont nous ne voulons plus. Permettez-moi de prendre un exemple. L’usine Bridor a voulu s’implanter en Ille-et-Vilaine. Il s’agissait typiquement d’un projet du siècle dernier visant à prendre des parts de marché, indépendamment de ce qui est produit. Dans ce cas précis, il s’agissait de viennoiseries surgelées destinées à l’exportation dans les hôtels 5 étoiles du monde entier, de vrais produits essentiels ! Tout le monde en manque ! Cette implantation devait se faire au détriment des terres agricoles, de l’environnement, et d’un développement territorial équilibré. Or rien n’est proposé dans ce texte pour sortir d’une telle vision industrielle, qui appartient à une autre époque.

Nous regrettons également que nos amendements, adoptés par le Sénat, qui auraient permis de donner corps à l’ambition affichée du texte, n’aient pas été retenus en commission mixte paritaire. Je pense notamment à la proposition de notre collègue Jacques Fernique, qui visait à créer des projets territoriaux d’industrie circulaire.

Ce texte constitue donc, je le disais, une occasion manquée, car nous aurions pu travailler collectivement à construire un cadre favorable à une industrie réellement verte. Nous avions échangé à Bercy, monsieur le ministre, sur ce sujet avec votre collègue, sans réelle avancée. Les débats parlementaires n’ont pas permis de changer la nature de ce texte. Nous voterons donc, une nouvelle fois, contre ce projet de loi.

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