Intervention de Roland Ries

Réunion du 17 mars 2009 à 15h00
Conseil européen des 19 et 20 mars 2009 — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Roland RiesRoland Ries :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la prochaine réunion du G20, qui se tiendra à Londres le 2 avril prochain, pourrait, dit-on, avoir l’importance historique des accords de Bretton Woods. Cette réunion devrait en effet définir pour les décennies futures les nouvelles règles permettant d’éviter que de telles crises financières ne se reproduisent.

Il est donc indispensable que l’Europe pèse de tout son poids dans les décisions de Londres ; c’est, à mon sens, l’enjeu principal du prochain Conseil européen des 19 et 20 mars. Mais encore faudrait-il ne pas être en total décalage avec nos partenaires.

Les États-Unis souhaitent que le G20 se concentre surtout sur une politique de relance économique ; ils se sont montrés assez réservés sur l’instauration de nouvelles règles financières. C’est en somme la position inverse des pays européens. En la matière, la position des socialistes européens, qui consiste à vouloir traiter de manière conjointe ces deux domaines, me semble être la voix de la raison dans la mesure où régulation financière et relance économique sont intimement liées, me semble-t-il.

La Commission vient d’établir un calendrier précis de présentation de mesures destinées à favoriser une régulation financière sur le sol européen.

Je tiens à rappeler que les socialistes européens avaient estimé dès 2007 qu’il était indispensable d’adopter une législation européenne, en particulier pour encadrer les fonds spéculatifs

Cependant, on ne peut donner totalement tort aux États-Unis lorsque ceux-ci critiquent l’insuffisance des plans de relance européens. Il est vrai que la seule proposition de contribution financière directe de l’Europe à la relance économique portait sur un montant de 5 milliards d’euros. Il s’agit d’une petite mesure au regard de l’étendue du désastre et des centaines de milliards investis par l’ensemble des pays membres et qui, du reste, ne fait même pas l’unanimité parmi les États membres après six mois de concertation.

Au-delà de ce constat, quel premier bilan pouvons-nous dresser de la gestion de la crise par l’Union européenne depuis six mois ?

À défaut d’un engagement financier important, nous avons dû nous contenter d’une réévaluation de la mission de la Banque européenne d’investissement, d’un plan de relance des banques et de la perspective d’un accord sur les paradis fiscaux, à savoir la levée du secret bancaire pour les cas de fraude ou d’évasion fiscales. C’est somme toute assez maigre et je ne suis pas sûr que les citoyens y trouvent leur compte.

Au final, l’Union européenne s’est surtout contentée d’encourager les plans de relance nationaux, lesquels n’ont d’ailleurs fait l’objet que d’une coordination limitée : chacun est resté maître de l’évaluation de son plan. Il ne reste qu’à espérer que l’ensemble de ces plans ne débouche pas, à terme, sur une cacophonie généralisée.

Mais, une fois de plus, démonstration a été faite d’une forme d’impuissance de l’Union à organiser une véritable réponse collective européenne à la crise. On a d’ailleurs pu mesurer cette impuissance à l’occasion du dernier Conseil européen, qui s’est tenu à Bruxelles le 1er mars dernier : aucune décision d’envergure n’a été prise.

Il est à craindre que le « sommet extraordinaire sur l’emploi » prévu par la présidence tchèque et qui aura lieu le 7 mai à Prague ne se résume, une fois encore, à un simple « échange d’expériences ».

Pourquoi, par exemple, avoir isolé la question de l’emploi et avoir réduit la question sociale à la portion congrue ? Je rappelle que la crise économique pourrait entraîner une augmentation du nombre des chômeurs pouvant aller jusqu’à 7 millions à l’horizon 2010 si nous ne sortons pas de la spirale négative.

Les socialistes français, comme leurs homologues européens, estiment qu’une autre relance est possible.

Nous proposons, d’abord, le lancement d’un grand emprunt européen pour investir dans des travaux d’infrastructure continentaux ; je pense notamment aux réseaux ferrés et, plus particulièrement, aux TGV. L’émission d’euro-obligations avait d’ailleurs été évoquée par Joaquin Almunia, commissaire européen chargé des affaires économiques et financières, au début du mois de mars, mais, apparemment, cette proposition a été enterrée par le président de la Commission.

Nous suggérons, ensuite, l’intégration dans le plan de relance européen d’un volet social : réorientation de la stratégie de Lisbonne, notamment ses lignes directrices, sur l’emploi, afin de mettre l’accent sur la qualité des emplois créés et la formation ; assouplissement des règles d’utilisation du fonds d’ajustement à la mondialisation, précisément destiné à faire face à la crise ; adoption d’un pacte européen du progrès social établissant des objectifs et des normes pour les politiques nationales de solidarité, de santé et d’éducation ; enfin, relance du dialogue social européen pour mettre les partenaires sociaux au cœur des négociations et arriver à un accord européen sur les niveaux de salaires.

En d’autres termes, parallèlement aux investissements nécessaires pour le développement de nouvelles infrastructures, il convient aussi de relancer le pouvoir d’achat des ménages à l’échelle européenne, bref, de donner un coup de pouce à la consommation européenne.

Ces mesures sont tout à fait envisageables à compétences constantes de l’Union européenne. Mais encore faut-il une volonté politique pour les mener et c’est, me semble-t-il, à la France qu’il incombe de pousser à agir en ce sens lors du Conseil européen qui s’annonce.

Venons-en à la question, importante elle aussi, à laquelle ce prochain Conseil va devoir s’atteler : la sécurité énergétique, priorité choisie par la présidence tchèque. Cette dernière souhaite se concentrer sur l’élaboration d’une stratégie en matière de sécurité énergétique. Il est vrai que la récente rupture des approvisionnements de l’Europe en gaz russe en janvier dernier a mis en évidence notre fragilité dans ce domaine.

Si l’objectif semble, en soi, tout à fait louable, les orientations trop libérales des solutions proposées le sont nettement moins. Il n’est plus possible d’appréhender la question énergétique simplement en termes de marché : les politiques de rentabilité immédiate ne sont plus de mises. Chacun sait que le marché seul, par ses logiques propres, n’encourage guère les investissements de moyen et long terme. Il représente donc un frein à une stratégie de long terme en matière de sécurité énergétique ; nous en avons pourtant besoin.

Il faut le dire et le redire, la sécurité de l’approvisionnement constitue un impératif catégorique et l’on imagine mal que nous puissions l’assurer en nous contentant, comme le propose la Commission, de diversifier l’approvisionnement.

La sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’Union passe par la mise en place d’infrastructures adéquates, une capacité de stockage et des réserves obligatoires, ainsi que par une stratégie garantissant la solidarité des États membres.

Le prochain Conseil sera enfin l’occasion d’aborder la contribution financière que l’Union européenne sera prête à mettre sur la table lors de la Conférence internationale de Copenhague sur le changement climatique, en décembre 2009.

À l’heure où je vous parle, malgré les négociations au sein du conseil Environnement et du conseil Ecofin, on ne voit aucun accord se dessiner entre les États membres.

L’Europe s’est montrée jusque-là ambitieuse en s’engageant sur une forte réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il serait bon qu’elle soit également ambitieuse lorsque l’on aborde la question de sa contribution financière en faveur des pays en voie de développement, qui eux aussi, ne l’oublions-pas, devront fournir un effort. C’est sa responsabilité que de les aider !

Il ne vous aura pas échappé qu’en dépit des apparences la crise financière, la politique énergétique et le changement climatique sont des sujets intimement liés in fine.

La lutte contre le réchauffement climatique est à même de redonner une dynamique à l’économie européenne, de créer les conditions d’une croissance écologique et innovante, source d’emplois et de richesses pour les Européens. C’est le message que je souhaite délivrer ici pour ne pas terminer sur une note pessimiste. Des voies existent, notamment dans ces nouvelles logiques de développement durable.

C’est à ces conditions que le prochain sommet du G20 pourra contribuer à sortir les pays d’Europe des graves difficultés dans lesquelles ils s’enlisent jour après jour.

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