Intervention de Jean Bizet

Réunion du 17 mars 2009 à 15h00
Conseil européen des 19 et 20 mars 2009 — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’occasion de ce débat préalable au Conseil européen, je voudrais tout d’abord rendre hommage à la présidence française de l’Union européenne, qui a réalisé un travail remarquable en faisant aboutir des dossiers clés pour l’avenir de nos économies, au premier rang desquels le paquet « énergie-climat ».

Témoignant du rôle moteur de la France sur la scène européenne, cette présidence a démontré que notre pays était capable de conduire ses partenaires sur la voie du compromis, en particulier sur les questions économiques et environnementales, alors même que le contexte aurait pu nous inciter au repli national.

En ces temps de crise, en effet, il serait particulièrement tentant de céder au protectionnisme ou de reléguer au second plan les problématiques environnementales, par exemple. En réalité, nos économies ont plus que jamais besoin de solidarité et de coordination pour atténuer les effets du ralentissement conjoncturel et mettre en œuvre les mutations nécessaires pour aller vers des modèles plus durables.

Le Conseil européen des 19 et 20 mars prochains, sous présidence tchèque, s’inscrit dans ce contexte de crise économique et financière sans précédent. Il doit, pour cette raison, nous inviter, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à faire preuve de volontarisme.

Il conviendra, dans cette perspective, de faire le point sur les progrès réalisés pour renforcer la stabilité, la supervision et la transparence des marchés financiers, et d’envisager, le cas échéant, si des mesures complémentaires doivent être arrêtées par les chefs d’État et de gouvernement.

L’Union européenne doit progresser en matière de régulation financière si elle souhaite restaurer la confiance dans nos économies. Dans cette perspective, l’assainissement du secteur bancaire et financier constitue la principale priorité. Par ailleurs, sans rétablissement du crédit bancaire, il n’y aura pas de reprise durable : les entreprises ont besoin d’avoir accès au crédit, et tout particulièrement les petites et moyennes entreprises, qui composent notre tissu industriel et qui créent aujourd’hui des emplois.

S’agissant du plan européen pour la relance économique, il doit lui aussi faire l’objet d’une évaluation lors du Conseil européen. À cet égard, il me semble nécessaire, même si cela peut paraître plus délicat en temps de crise, de ne pas négliger les objectifs budgétaires à moyen terme, conformément au pacte de stabilité et de croissance.

J’ajoute que les mesures de relance doivent faire l’objet d’une coordination. Plus précisément, c’est le soutien à l’industrie qui doit, me semble-t-il, animer en priorité les réflexions au sein du Conseil. Je rappelle ainsi que la part de l’industrie dans la valeur ajoutée française est passée de 20 % à 12 % en dix ans. La question est simple : voulons-nous qu’il existe encore une industrie européenne dans les dix prochaines années ?

Si nous répondons par l’affirmative, alors il faudra renforcer l’innovation et la recherche. Nous devons en particulier travailler à la reconfiguration du paysage automobile européen. Nous voulons tous sauvegarder les emplois et les technologies dans ce secteur, mais nous savons également qu’il faudra accepter et accompagner les évolutions nécessaires, afin de conserver une industrie automobile compétitive.

Par ailleurs, la crise économique que nous traversons doit nous inciter à progresser plus rapidement dans la mise en œuvre de l’ensemble des piliers de la stratégie de Lisbonne. À cet égard, l’amélioration de l’employabilité des salariés constitue un levier important pour amortir les effets de la crise sur le marché du travail. C’est pourquoi une attention particulière doit être accordée à l’emploi des jeunes, des seniors et des moins qualifiés, particulièrement exposés aux conséquences du ralentissement de l’activité.

En outre, si nous voulons faire de l’Europe l’économie de la connaissance la plus compétitive du monde, il est nécessaire de prendre les bonnes décisions en matière de soutien à l’innovation. La stratégie de Lisbonne présente de nombreux aspects positifs, mais elle demeure purement déclaratoire. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je soutiens pleinement votre proposition de faire du ratio des dépenses publiques consacrées à l’innovation – aujourd’hui fixé à 3 % du produit intérieur brut – un objectif prioritaire, et non plus un simple indicateur.

À terme, l’enjeu est bien de définir une véritable politique économique et industrielle européenne.

Je souhaiterais, à ce point du débat, connaître les intentions de l’Europe sur le dossier de l’Organisation mondiale du commerce, plus précisément sur la problématique de la signature de l’accord de Doha. Toute signature en la matière génère deux à trois points de croissance mondiale supplémentaire, mais vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'État, qu’un accord sur la base des conclusions de juillet dernier est aujourd’hui inconcevable. Il serait pertinent que l’Europe reprenne l’initiative.

Je voudrais à présent aborder plusieurs dossiers majeurs dans le domaine économique, qui devront être traités en priorité avant le renouvellement du Parlement européen de juin prochain.

L’aboutissement du paquet « télécom » dépendra de la capacité de la présidence tchèque à trouver un compromis sur des questions aussi cruciales que celles de la régulation européenne ou encore des tarifs de roaming.

La commission des affaires économiques s’était prononcée contre la création d’une autorité européenne du marché des communications électroniques, proposant au contraire une harmonisation des pratiques nationales de régulation en Europe. La commission avait fermement rappelé le besoin de mieux assurer les droits et la protection des consommateurs de services de communications électroniques, notamment en matière tarifaire.

Le dossier de l’énergie et du changement climatique doit lui aussi faire l’objet d’un compromis. Le Conseil européen est ainsi invité à arrêter une série d’orientations concrètes en vue de renforcer la sécurité énergétique de l’Union à moyen et long terme. Les voies et moyens à privilégier pour sécuriser nos approvisionnements en Europe ont d’ailleurs été très bien identifiés dans différents travaux sénatoriaux, en particulier ceux de nos collègues Bruno Sido, sur l’approvisionnement électrique de la France, ou encore Marcel Deneux, sur le paquet « énergie-climat ».

Dans cette perspective, et pour faire face aux risques de crise d’approvisionnement, il convient de développer nos infrastructures énergétiques, de renforcer les stocks de pétrole et de gaz, mais aussi et surtout d’améliorer l’efficacité énergétique, tout en diversifiant notre bouquet énergique au profit des énergies renouvelables.

S’agissant de l’important dossier du marché intérieur de l’énergie, si nul ne remet en cause la nécessité de le rendre plus opérationnel et plus efficace, la libéralisation de ce secteur doit être envisagée avec prudence. En effet, comme cela a été réaffirmé par notre Haute Assemblée, il convient de privilégier l’option de la régulation, qui préserve des opérateurs intégrés au niveau européen, plutôt que celle de la séparation patrimoniale, qui aboutirait au démantèlement et à l’affaiblissement de grands groupes européens dans un contexte économique déjà dégradé.

Dans ce domaine, il faut saisir l’occasion de la crise économique pour accélérer la mutation de nos économies vers des modèles plus respectueux de l’environnement. Nous devons réaliser les réformes économiques indispensables à l’émergence d’une économie sûre, durable, économe des ressources disponibles et à faible teneur en carbone.

À cet égard, la lutte contre le changement climatique constitue une priorité, tant pour l’Union européenne que pour ses partenaires. Nous pouvons d’ailleurs nous féliciter, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, d’avoir désormais à Washington une administration résolument engagée sur ces questions.

Ce Conseil européen doit ainsi être l’occasion pour les vingt-sept États membres d’arrêter les grands axes concernant le cycle de négociations sur le changement climatique de Copenhague. Le conseil des ministres de l’environnement du 2 mars dernier a déjà affiné la position qu’il souhaitait voir défendue par l’Union européenne dans ces négociations. Ainsi, il demande aux pays développés de s’engager sur des réductions pour 2020, de traduire le plus rapidement possible les objectifs en mesures contraignantes, et les invite à annoncer leurs intentions à la mi-2009 au plus tard.

Il ne faut pas sous-estimer l’importance du rendez-vous de décembre prochain à Copenhague, car, en cas d’accord international, l’Union européenne réduira ses émissions de gaz à effet de serre non pas de 20 %, mais de 30 %.

Il est indispensable d’obtenir des autres pays développés qu’ils s’engagent sur des exigences similaires à celles qui ont été adoptées au niveau de l’Union européenne, afin d’éviter tout risque de distorsion de concurrence fondée sur un « dumping environnemental ».

Les pays en développement doivent contribuer eux aussi, en fonction de leurs facultés respectives, à l’effort en faveur du climat. Bien évidemment, cela rend nécessaire la promotion de mécanismes de solidarité et un soutien financier en direction des pays les plus pauvres.

Aussi, afin de mesurer les efforts des uns et des autres, le conseil Environnement préconise de retenir quatre critères, qui me paraissent relever d’une approche fondée sur l’équité économique : la richesse, le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’évaluation des actions déjà réalisées et l’évolution de la démographie.

Le conseil propose également aux partenaires européens de s’engager dans une vision « à long terme » pour parvenir à un taux moyen global d’émission de 2 tonnes de C02 par an et par habitant en 2050, contre 6, 2 en France et 20, 4 aux États-Unis.

Si nous ne pouvons que nous féliciter de ces propositions, une question n’est pas encore tranchée à ce jour, celle de leur financement. Il conviendra d’y être très attentif afin de ne pas pénaliser les entreprises et, au final, l’emploi.

En définitive, à la veille de ce sommet européen, je souhaite, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, réaffirmer solennellement que l’Union européenne doit défendre le principe d’une croissance durable compatible avec la protection de l’environnement et de la santé et qu’il n’y aura de réponses à la crise qu’européennes. Tous ceux qui croient au primat de solutions nationales non concertées sont dans l’erreur.

Je forme donc le vœu que ce Conseil européen soit l’occasion de débattre ensemble des différents sujets qui viennent d’être abordés et d’envoyer un signal fort d’unité et de solidarité à l’échelon européen.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion