Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les trois « E » de la présidence tchèque seront à l’ordre du jour du Conseil européen des 19 et 20 mars prochains : économie, énergie, relations extérieures.
Mon propos concerne la politique de l’énergie dans la perspective du partenariat oriental.
Le 7 mai prochain, la présidence tchèque lancera le partenariat oriental regroupant six États stratégiques en matière énergétique : l’Azerbaïdjan – producteur important d’hydrocarbures –, l’Arménie, la Géorgie, l’Ukraine – pays de transit –, la Moldavie et la Biélorussie.
La sécurité d’approvisionnement est enfin devenue une priorité de l’Union européenne depuis la présidence allemande. Jusqu’à présent, il n’y avait pas de cohésion communautaire, mais le rapport Mandil a fait évoluer cette conception et a étroitement lié la sécurité d’approvisionnement à la solidarité énergétique entre les membres de l’Union.
L’absence de politique européenne de l’énergie nous a privés d’une opportunité formidable en 2006, lorsque les pays producteurs d’Asie centrale – Kazakhstan, Ouzbékistan et Turkménistan – attendaient une réponse à leur appel à l’Union européenne. Notre indigence politique et notre manque de réactivité a renforcé le monopole de Gazprom. Aujourd’hui, cette société achète 80 % du gaz exportable de l’Asie centrale.
Cette politique énergétique extérieure, par le biais de la politique de voisinage, se développe fortement au sud et à l’est : un espace de sécurité, de démocratie partagée et de prospérité se forme aux portes de l’Union.
Monsieur le secrétaire d’État, vous qui êtes un littéraire, vous n’ignorez pas que la belle Europe, enlevée par les Grecs en représailles, était une princesse phénicienne venant des rivages du Liban. Le rapprochement entre l’Union européenne et ses voisins orientaux et méridionaux est finalement un retour aux origines. Il faut qu’il se traduise dans le partenariat sud de l’Union pour la Méditerranée. L’UPM doit mettre en place les jonctions convoyant les hydrocarbures de la Caspienne et de l’Iran vers l’Union européenne.
Guidé par le même principe, mais selon des modalités différentes et plus souples, le partenariat oriental améliore la politique européenne de voisinage. Le principe de « l’intégration sans les institutions », proposé par M. Romano Prodi, permet de rapprocher de l’Union des pays qui ont fait le choix des coopérations économiques et politiques et du développement de projets communs. Réciproquement, l’Union européenne doit s’engager résolument avec ces pays dans une relation souple.
Cette structure de dialogue et de coopération entre eux, et avec l’Union européenne, constituera une enceinte particulièrement importante en matière énergétique. Ce dialogue régional est un facteur de stabilisation dans des zones conflictuelles comme la Géorgie et le Nagorny-Karabakh, où se situent des voies d’évacuation majeures des hydrocarbures russes et caspiens : Bakou-Supsa, Bakou-Tbilissi-Ceyhan et Bakou-Tbilissi-Erzurum. L’Union marque ainsi sa volonté de s’impliquer dans la résolution des conflits « gelés » à ses portes comme ceux de l’Abkhazie, de l’Ossétie du Sud, de la Transnistrie ou du Nagorny-Karabakh.
Soyons vigilants sur l’articulation du partenariat oriental avec la « synergie de la mer Noire », car l’idée est la même : assurer un espace de sécurité, de prospérité et d’avancées démocratiques. La « synergie de la mer Noire » ambitionne de donner une nouvelle dynamique aux pays de la région. La coopération régionale apporte une véritable valeur ajoutée dans des domaines d’intérêt communs, en particulier celui de l’énergie. Mais la portée d’un certain nombre d’actions dépasse la mer Noire et inclut les régions voisines. Les relations avec l’Asie centrale, et l’Europe du Sud-est s’en trouveront renforcées.
Monsieur le secrétaire d’État, comment optimiserez-vous les relations entre les différents organismes ? En particulier, comment la stratégie de la mer Noire se coordonnera-t-elle avec la stratégie pour l’Asie centrale, les États riverains de la mer Noire et de la Caspienne, comme le prévoit l’initiative de Bakou ?
Au-delà du partenariat oriental, les rapports avec la Russie sont vitaux. Ce pays a toujours tenu ses engagements de fournisseur majeur de l’Union européenne : 50 % du gaz et 20 % du pétrole consommés en Europe sont russes.
Par l’importance de ses réserves gazières, les premières du monde, de ses exportations et de l’orientation de ses pipelines, la Russie est naturellement liée à l’Union européenne par un partenariat stratégique et refuse d’être mise sur le même plan que les autres voisins de l’Union.
Je soutiens depuis très longtemps une coopération accrue avec la Russie. Soyons cohérents, ne soyons pas schizophrènes, ne lui demandons pas à la fois de devenir une économie de marché et de pratiquer des tarifs préférentiels pour les pays qui sont situés dans son ancienne sphère d’influence. Parlons, négocions et coopérons.
La présidence tchèque lancera le corridor sud sur l’axe Caspienne-mer Noire. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur son tracé, monsieur le secrétaire d’État?
Il faut que les États de l’Union s’entendent pour élaborer des itinéraires de pipelines en concertation. Il est contreproductif et absurde que des projets s’opposent, comme c’est le cas de South Stream et de Nabucco. L’Union européenne dans son ensemble doit comprendre que son intérêt est de diversifier et de sécuriser ses sources d’approvisionnement. Elle doit absolument mettre en œuvre cet argument de bon sens lors de l’examen de la réalisation d’infrastructures prioritaires dans le plan d’action européenne en matière de sécurité et de solidarité énergétiques.
Les deux principaux projets de pipelines vers l’Union européenne impliquent la Russie. Celle-ci coopère avec l’Allemagne pour le North Stream, qui traverse la Baltique mais contourne la Pologne, et avec l’Italie pour le South Stream, qui traverse la mer Noire vers l’Italie du Sud et l’Autriche, via la Bulgarie et les Balkans.
La Russie est un partenaire à tel point incontournable que le seul projet de tracé qui l’évite, Nabucco, a un avenir plus qu’incertain.
Le sous-secrétaire d’État adjoint américain, en visite à Ankara, s’est opposé à la participation de l’Iran au projet Nabucco. De quoi se mêle-t-il ?