Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du 17 mars 2009 à 15h00
Conseil européen des 19 et 20 mars 2009 — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Bruno Le Maire, secrétaire d'État :

Aujourd’hui, l’Europe souffre justement d’un manque d’audace et d’imagination. La Commission fait des efforts, formule des propositions. Mais elle sera renouvelée en novembre et, par conséquent, elle n’a plus la même capacité d’initiative qu’elle pouvait avoir auparavant. Je ne lui jette pas la pierre, le constat me paraît naturel.

On constate aussi que le système des présidences tournantes se heurte à la réalité des rapports de force. La présidence tchèque fait le maximum de ce qu’elle peut faire, et elle le fait bien. Mais, en période de crise économique, de crise financière, la réalité des poids économiques, des poids financiers, des poids politiques, se rappelle à vous.

Si nous voulons véritablement une Europe politique, c’est-à-dire une Europe capable d’imaginer ce que nous serons tous ensemble demain, il faut que l’Allemagne et la France soient d’accord. Vous avez eu la gentillesse de rappeler que, depuis trois mois, j’y travaille chaque jour ; je suis à Berlin quasiment une fois par semaine, parce que je crois que c’est la voie de sortie de la crise dans laquelle nous nous trouvons et la voie de l’essor de l’Europe politique à laquelle nous aspirons tous.

Monsieur Ries, vous avez évoqué la nécessité de réorganiser la sphère financière, objectif que nous partageons tous, et la difficulté de ne pas mélanger la question de la relance et celle de la réorganisation financière. Vous estimez que ces deux aspects doivent être traités de manière conjointe ; je le crois aussi. Il faut impérativement que nos plans de relance économique soient à la hauteur des enjeux et qu’en même temps nous procédions à la réorganisation financière qui s’impose.

Cependant, en termes de méthode, rien ne serait pire que de vouloir mêler les deux sujets lors des sommets internationaux. Lorsque le sommet du G20 a été convoqué, il était entendu qu’il serait consacré à la réorganisation financière internationale ; il faut s’y tenir ! Je n’ai pas une expérience diplomatique considérable, mais j’ai eu le temps de me rendre compte que, si l’on dilue l’agenda de ces rendez-vous internationaux, on en dilue les résultats, et l’on ne prend donc pas les décisions qu’attendent nos concitoyens.

Pour ma part, je ne m’imagine pas, et je n’imagine pas davantage le Président de la République ou la chancelière Angela Merkel sortir de la réunion de Londres en se félicitant qu’un accord ait été trouvé sur des principes généraux, sans avoir au demeurant débouché sur aucune décision concrète, et que les fonds du FMI aient été doublés… Cela ne conviendrait à personne, et certainement pas à nos concitoyens. Il est donc impératif que, sur les fonds spéculatifs, sur la rémunération des dirigeants des institutions financières, sur les paradis fiscaux, nous prenions des décisions concrètes. Ce sera déjà beaucoup !

Je voudrais, sans trop entrer dans la technique, revenir sur la question des fonds spéculatifs. Si la crise a pris une telle ampleur, c’est tout simplement parce que des fonds dont le bilan faisait apparaître qu’ils n’avaient que 1 euro de disponible pouvaient, avec cet euro, acheter des immeubles à Miami, dans le sud des États-Unis ou à Singapour qui valaient 1 million de dollars.

C’est le décalage entre les fonds propres et les investissements qu’il était possible d’engager qui a créé la crise financière que nous traversons aujourd’hui. Fixer des ratios prudentiels plus raisonnables qui, lorsque vous aurez 1 euro, vous permettront d’acheter à la rigueur trois ou dix pains au chocolat, mais pas mille, ce sera revenir à une forme de raison financière, qui est indispensable si l’on veut éviter les déboires que nous avons connus au cours des derniers mois.

A également été évoquée la question de la coordination des plans de relance. Il s’agit, effectivement, d’une question majeure, et je vous livrerai quelques observations à ce sujet.

Première observation : la coordination progresse ; c’est l’un des objectifs du Gouvernement. Dans la déclaration franco-allemande du dernier conseil des ministres franco-allemand figure pour la première fois, dès le premier paragraphe, l’idée que, désormais, la France et l’Allemagne coordonneront leurs décisions de politique économique.

Deuxième observation : il n’existe pas de budget de l’Union européenne au sens où nous pourrions l’entendre. Le budget de l’Union européenne, vous le savez tous, c’est 0, 89 % du PIB européen. Ce n’est pas avec cela que l’on peut élaborer un plan de relance européen, c’est-à-dire communautaire ! Il ne reste donc de place que pour des plans de relance nationaux, qu’il faut coordonner le mieux possible. Si l’on veut vraiment un plan de relance communautaire, collectif, décidé par les États et par la Commission, il faut effectivement s’interroger sur cette question du budget européen, sur laquelle, personnellement, je suis ouvert, car elle mérite à tout le moins un examen attentif.

Troisième et dernière observation : je rappelle que toutes les institutions européennes ont fait le maximum pour la relance. En particulier, la Banque européenne d’investissement, dont j’ai rencontré le président, Philippe Maystadt, hier à Bruxelles, a débloqué des fonds massifs : 7 milliards d’euros doivent permettre aux industries automobiles d’investir dans l’innovation et dans la recherche. Elle l’a fait à la demande des grands pays européens, et Christine Lagarde et moi-même étions en contact permanent avec M. Maystadt. Cet effort important montre que l’Europe est capable de se mobiliser face à la crise.

Le sommet de l’emploi du 7 mai a également été abordé ; nous le préparons avec les partenaires sociaux. C’est un rendez-vous important. Le seul sujet qui compte aujourd’hui pour nos concitoyens, vous le savez tous ici, et je le constate dans ma circonscription lorsque j’y retourne, c’est l’emploi. C’est le sujet qui doit mobiliser tous nos efforts. Si, à l’échelle européenne, nous pouvons trouver des solutions, notamment en matière de formation, d’indemnisation du chômage technique, de temps partiel, eh bien, appliquons les et avançons ! Si, en plus, cela peut faire prendre conscience à un certain nombre d’États européens que la question sociale est aussi une question européenne, je ne pourrai que m’en réjouir !

Denis Badré, en particulier, a évoqué l’emprunt européen. Personnellement, je n’ai pas de réticence devant une telle solution. Je ferai cependant deux remarques rapides.

La première, c’est que l’Europe n’a pas de capacité fiscale propre : c’est l’une de ses réalités !

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