Intervention de Franck DHERSIN

Réunion du 23 octobre 2023 à 16h00
Services express régionaux métropolitains — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Franck DHERSINFranck DHERSIN :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai l'honneur de m'adresser à vous pour la première fois depuis cette tribune.

Je suis particulièrement heureux que ma première intervention en tant qu'orateur du groupe Union centriste puisse porter sur les RER métropolitains, dont je connais non seulement l'impérieuse nécessité, mais aussi l'immense complexité de la mise en œuvre, étant moi-même pour quelques jours encore vice-président de la région Hauts-de-France chargé des mobilités.

Venant d'un territoire travaillant d'ores et déjà avec la Société du Grand Paris sur le projet du Serm lillois, je mesure pleinement l'importance de la proposition de loi que nous avons à examiner aujourd'hui.

En tant qu'élu régional, je me réjouis d'avance de pouvoir compter sur la Société des grands projets – puisque tel sera son nom – pour mener à bien, dans nos métropoles, ce grand dessein que constitue la création de services express régionaux métropolitains. La présence de moyens de transport modernes, fiables et décarbonés ne peut demeurer le seul apanage de la région capitale : le temps est venu d'équiper nos grandes métropoles de réseaux de transport à la hauteur de leur poids économique et social.

Alors que la livraison des premiers ouvrages construits par la SGP pointe son nez – je pense au prolongement au nord et au sud de la ligne 14 du métro parisien, qui fait de celle-ci un standard mondial en termes d'efficacité et de modernité –, il faut saluer et, surtout, se rendre compte du travail effectué par la Société du Grand Paris depuis sa création en 2010.

Seulement treize années plus tard, cette structure, qui emploie désormais environ 1 000 collaborateurs contre quelques dizaines à l'origine, est en train de mener à terme le plus grand chantier d'Europe – les précédents orateurs l'ont déjà mentionné. Il s'agit ni plus ni moins que de doubler en moins de vingt ans la taille du réseau de métro parisien existant, ce qui est absolument colossal !

Le Grand Paris Express a nécessité la création de cette société ad hoc qui, jusqu'à maintenant, n'avait pas vocation à perdurer. Ces dernières années, il est cependant apparu qu'il serait malheureux, pour ne pas dire regrettable, de se passer de l'expertise accumulée.

Dans cet esprit, le présent texte, fruit d'un travail de concertation entre SNCF Réseau et la SGP, comporte des mesures de coordination et de simplification qui permettront de décliner des solutions de transport ambitieuses au niveau local, tout en respectant le souhait des collectivités, au sein de structures juridiques dirigées par celles-ci.

Pour que les Serm soient un succès, il faudra que la Société des grands projets, les collectivités, ainsi que SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions établissent, dans le cadre de chacun de ces projets locaux, un dialogue franc, sincère et apaisé.

Le compromis trouvé à l'occasion de ce texte me laisse penser que chacun de ces acteurs est prêt à travailler, afin de parvenir aux meilleurs résultats en termes d'efficacité et, surtout, de rapidité.

Je souhaiterais néanmoins appeler votre attention, mes chers collègues, sur deux points particuliers dont, je l'avoue, j'ai du mal à saisir la pertinence.

Dans nos régions respectives, nous connaissons tous des exemples de Serm dont la mise en place nécessitera des travaux importants à partir des infrastructures exploitées, que ce soit une voie de circulation ou une gare de voyageurs.

Prenons l'exemple de la gare de Marseille Saint-Charles : il est évident que la mise en œuvre du Serm d'Aix-Marseille nécessitera une refonte intégrale de la gare Saint-Charles, avec notamment la mise en souterrain d'une partie importante des circulations.

Tel qu'elle est rédigée, la proposition de loi ne permettrait pas à la SGP d'intervenir sur ce chantier, car la gare est en exploitation. Permettez-moi de souligner qu'une telle rédaction est illogique : pour tirer pleinement bénéfice de l'expertise accumulée par la SGP, il faut que l'on vous permette, monsieur le ministre, ainsi qu'aux collectivités concernées de décider, au cas par cas, des solutions de maîtrise d'ouvrage les plus appropriées.

Par ailleurs, personne n'imagine un seul instant que, dans le cadre d'un tel chantier, la SGP ne soit pas accompagnée sur le terrain par son partenaire SNCF Réseau.

De manière tout à fait analogue, la proposition de loi ne permet pas non plus à la SGP d'intervenir sur des projets d'infrastructures de transport hors Serm. Imaginons qu'une métropole souhaite construire une nouvelle ligne de métro sans correspondance avec une gare du Serm, elle ne pourra pas faire appel à la SGP si le texte était adopté en l'état.

Je crois que cette loi devra être « facilitatrice » et non restrictive. Il serait de bon aloi, me semble-t-il, de laisser au pouvoir réglementaire, ainsi qu'aux collectivités, le soin de choisir par eux-mêmes, au niveau local, les solutions les plus adaptées au territoire.

Même si cette proposition de loi n'a pas pour objet de préciser les modalités de financement des Serm, un devoir de vigilance s'impose à nous sur ce point : il ne faut pas promettre des miracles si l'on n'est pas en mesure de les financer.

Alors que le Président de la République a annoncé avoir décidé de flécher, non plus 700 millions d'euros – je rectifie –, mais environ 800 millions d'euros dans les contrats de plan État-région pour la réalisation d'études techniques sur les premiers Serm, ce qui est nettement insuffisant – vous avez vous-même qualifié ce montant d'« indicatif » dans votre intervention, monsieur le ministre, ce qui laisse entendre que les montants en jeu ne pourront qu'être supérieurs… –, la question du financement des investissements lourds reste entière.

Là encore, le modèle du Grand Paris Express doit constituer un exemple à suivre. Le financement des investissements doit être pensé dès le début de la phase de conception, afin de permettre à l'ensemble des acteurs d'avoir une vision claire des tenants et aboutissants du projet. Quand il est question d'infrastructures dont le coût est de plusieurs milliards d'euros et de plans de financement pluriannuels enjambant dans de nombreux cas les échéances politiques locales, les grandes lignes du projet doivent être limpides et anticipées.

Il nous faudra faire preuve de créativité quant aux ressources financières à mobiliser. Le modèle propre au Grand Paris Express, celui d'une fiscalité affectée, ne pourra pas être transposé à l'identique dans nos différentes régions. À l'évidence, l'assiette fiscale y est plus faible et ne permettra pas de lever des sommes sur les marchés à des taux aussi compétitifs.

Je ne suis absolument pas favorable – vous le savez – à la mise en œuvre à des impôts locaux supplémentaires dans nos territoires. C'est pourquoi j'appelle solennellement l'État à prendre toute sa part au financement de ces infrastructures.

A minima, un débat devra s'engager dans les prochains mois sur les modalités de financement des Serm, qui demeurent pour l'instant totalement obscures. Je salue à cet égard l'amendement de la commission visant à sécuriser la tenue d'une conférence nationale de financement des Serm. Il s'agira d'un rendez-vous très important.

De la même manière, à plus long terme, il nous faudra également envisager une refonte du financement de l'exploitation de ces infrastructures, ce qui nécessitera une discussion franche sur la manière de donner aux collectivités les moyens nécessaires au bon fonctionnement de nos transports publics. Il nous faut éviter à tout prix les fiascos que nous avons connus récemment et aider nos collectivités à s'impliquer dans ce magnifique projet national que doit constituer la création de ces Serm aux quatre coins de l'Hexagone.

Mon groupe votera sans aucune réserve en faveur de ce texte. §

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