Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reprendrai pas – je vous épargnerai cela ! – les points que j'ai évoqués lors de la défense de la motion tendant à opposer la question préalable, mais je voudrais préciser quelques éléments à la suite des réponses qui m'ont été apportées.
Tout d'abord, vous avez parlé, monsieur le rapporteur, de mesures « consensuelles » : permettez-moi de ne pas approuver l'emploi de cet adjectif, ou alors ce consensus ne concerne-t-il que quelques acteurs… En effet, pour beaucoup de ceux que nous avons rencontrés, il n'y a pas de consensus – je pense notamment aux organisations syndicales, mais également aux nombreux élus qui expriment de grandes inquiétudes.
Vous avez rappelé à juste titre que cette proposition de loi permettrait de couvrir « certains angles morts » – je reprends votre expression – de la loi de 2019. « Certains », cela ne signifie pas, par la force des choses, « tous », comme nous l'avons montré et comme l'ont expliqué les salariés et leurs représentants syndicaux, ce qui justifie en grande partie leur très nette opposition à ce texte.
Nous avons reconnu que quelques avancées avaient été réalisées. Mais, de notre point de vue, elles sont bien trop timides et insuffisamment fortes pour rassurer les salariés et garantir une mise en concurrence dans des conditions de sérénité propices à assurer la qualité du service public.
Néanmoins, je veux revenir sur la question des centres-bus. Vous avez expliqué que le fait de rattacher les agents non plus aux lignes, mais aux centres-bus était une avancée : nous en sommes bien d'accord, mais de très nombreuses inquiétudes demeurent.
Aujourd'hui, des centres-bus sont pleins ; demain, dans le cadre de l'allotissement et de la réorganisation du réseau, ils pourraient connaître de très grandes difficultés d'exploitation, et cela sans même parler de ceux qui pourraient accueillir potentiellement plusieurs délégataires ! Ces points sont des angles morts du texte, qui expliquent les inquiétudes que je viens d'évoquer ou, à tout le moins, les préoccupations qui s'expriment.
J'en viens à la réglementation européenne, sur laquelle vous êtes intervenu, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, à plusieurs reprises. La latitude existait et existe toujours. Vous défendez un assouplissement du calendrier, lequel est un point de convergence et de consensus – on peut employer à juste titre ce terme ici ! – entre vous et la présidente d'Île-de-France Mobilités.
Cependant, cet assouplissement aurait pu être étendu, d'autant que le calendrier, comme le montre la proposition de loi, est clairement laissé à la main d'Île-de-France Mobilités. Un report de deux ans est annoncé, du 31 décembre 2024 au 31 décembre 2026. En réalité, pour l'essentiel des lots, nous avons compris que cela irait beaucoup plus vite. Ce report n'est donc qu'une mesure d'affichage, alors même que, j'y insiste, le calendrier est à la main de la présidente d'Île-de-France Mobilités.
Mes chers collègues, vous avez été plusieurs à me dire, à la suite de mon intervention, que je ne me rendais pas compte que mon opposition à ce texte allait à l'encontre de ce que je défendais, parce que sinon tout se passera en une fois, en une nuit.
Répéter une chose inexacte n'en fait pas une vérité, vous en conviendrez aisément ! En effet, je n'ai jamais dit cela. En réalité, et je me permettrai, monsieur le ministre, de vous apporter cette précision que vous sembliez attendre, quand j'ai parlé de « décaler le décalage », c'est parce, quand une loi tend à décaler une mesure dans le temps, sur votre demande, semble-t-il – en tout cas, c'est ainsi que vous avez présenté les choses –, afin de faciliter les discussions avec Île-de-France Mobilités, les parlementaires sont en droit de proposer un allongement du report.
Nous avions d'ailleurs déposé un amendement, dont vous avez sans doute pris connaissance, qui tendait à prévoir une ouverture à la concurrence à partir du 31 décembre 2031. Nous estimions qu'il fallait laisser passer les échéances électorales, en particulier celles de 2026 et 2028, pour permettre aux conseillers régionaux élus en 2028 de se prononcer en toute connaissance de cause sur le sujet. Mais avant toute chose, et c'est le plus important, nous voulions donner la possibilité aux citoyens de s'exprimer eux aussi sciemment.
Malheureusement, en vertu de l'article 40 de la Constitution, qui ne s'applique pas à la proposition de loi, laquelle prévoit un report très limité, tout amendement visant à élargir ce délai était frappé d'irrecevabilité. Nous le regrettons, mais nous avions bien proposé une solution de rechange.
Je terminerai mon propos en évoquant les propos, que j'ai écouté très attentivement, de Louis Vogel. Mon cher collègue, vous avez repris différents exemples que j'avais cités, et je vous avoue que je me suis dit que nous étions finalement d'accord ! Certes, nous n'en tirons pas la même conclusion : pour vous, cette proposition de loi est nécessaire et vous allez la voter ; pour notre part, nous estimons qu'elle nous pousse à faire preuve de vigilance.
Quand Valérie Pécresse a été interrogée, lors de son audition par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, sur les risques pour la continuité du service public, elle a répondu qu'il ne fallait pas s'inquiéter, que 36 lots avaient été ouverts en trois ans dans le cadre de la mise en concurrence pour la grande couronne, et a conclu en disant : « Nous sommes sereins. »
Je ne sais pas sur quel bilan elle s'appuie, mais elle laissait clairement entendre que les choses s'étaient bien passées et que tout cela était de bon augure pour l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP. Telle n'est pas la lecture que nous faisons de la situation.
Par ailleurs, lors de cette même audition, elle a expliqué que l'allotissement – le découpage de ces 12 fameux lots, plus un – avait été réalisé conformément aux souhaits de la RATP. Or ce n'est absolument pas ce qui nous a été dit par les représentants de la RATP ! Peut-être s'est-elle trompée dans les éléments de sa présentation, mais cela nous interroge…
Nous le disons clairement, c'est aux citoyens qu'il appartient de se prononcer. Il aurait été possible, dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi, de décaler l'ouverture à la concurrence, afin de redonner de la sérénité à la fois aux professionnels, aux élus et aux citoyens.
En tout état de cause, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne votera pas ce texte.