Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 27 juillet 2007 à 15h00
Travail emploi et pouvoir d'achat — Article 6

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 6 porte essentiellement sur la possibilité de bénéficier d'un dégrèvement fiscal pour un investissement dans les petites et moyennes entreprises.

Selon le quotidien Les Échos, « un montant d'ISF de 50 000 euros correspond à un patrimoine taxable d'environ 6 millions d'euros, au-delà duquel il ne reste qu'environ 3 % des assujettis à l'ISF. Le barème étant toutefois très progressif, ceux-ci acquittent plus d'un tiers du produit de l'ISF. Couplé au plafonnement des impôts à 50 % des revenus également proposé par Nicolas Sarkozy, l'ISF pourrait alors disparaître complètement ». Je vous le disais également à propos d'autres articles.

Si l'on ajoute à cela l'abattement porté à 30 % pour la résidence principale, nous pouvons être certains que la promesse de Nicolas Sarkozy - « il n'y aura pas de suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune si je suis président de la République » - tombe complètement à l'eau. Contrairement à ce qu'affirme le rapporteur général depuis le début de la session, il est évident que le Président de la République ne tiendra pas sa promesse.

Reconnaître qu'« il est normal que ceux qui ont les plus gros patrimoines paient davantage » devient une formule oratoire reprise abondamment pour mieux camoufler la réalité de la mesure.

Vous supprimez de fait l'ISF et vous affirmez avec audace que vous êtes pour son maintien. Le candidat nous a habitués pendant la campagne à jouer de cette duplicité de langage, par des formules lapidaires et chocs, matraquées à longueur d'antenne, pour nous convaincre que tout le monde était concerné par ces avantages. C'est également ce que vous essayez de faire, madame la ministre.

Certes, vous avancez des chiffres pour prouver qu'un gros pourcentage de Français sont concernés par vos mesures, mais sans dire une seule fois à quel niveau ils le sont. Les avantages ont cette particularité qu'ils sont concentrés, pour les sommes les plus importantes, entre les mains de quelques privilégiés et, pour une faible partie, destinés à la grande majorité d'entre eux.

En fait, vous n'évoquez jamais l'effet de cumul des différentes dispositions qui nous sont présentées dans ce projet de loi. C'est ce que je vous ai demandé de nous indiquer lors de votre audition devant la commission des finances.

J'en reviens à l'article 6, dont l'objectif est toujours le même. Comme vous le savez, 450 000 foyers redevables de l'ISF seront intéressés. Cet article permet, comme il est précisé dans l'exposé des motifs, « aux contribuables qui le souhaitent d'affecter tout ou partie de leur impôt de solidarité sur la fortune, ISF, au financement de PME ou d'organismes d'intérêt général. Il prévoit une réduction d'ISF égale à 75 % des versements effectués [...] au titre de souscriptions directes ou indirectes au capital des PME ».

Si cet article est adopté, ce sera la première fois que notre législation fiscale permettra d'obtenir un crédit d'impôt si important comparativement à la somme investie. Pour retrouver un tel système, il faut remonter à la décision prise par Édouard Balladur, ministre des finances entre 1986 et 1988, d'autoriser la déduction de la totalité des salaires des employés à domicile de l'impôt sur le revenu, mais pour des sommes moins conséquentes. Cette mesure a depuis disparu.

Si nous comparons votre proposition au CODEVI, que beaucoup de Français connaissent, sur le même créneau des PME, la rémunération n'est pas à la même hauteur, puisqu'elle rapporte seulement 2, 75 % nets d'impôt. Ce que vous proposez dans ce texte n'aura pas le même impact et ne touchera pas les mêmes familles. Cela permettra de réduire directement l'impôt à acquitter au fisc, voire de l'annuler, pour un montant pouvant aller jusqu'à 50 000 euros.

Le rapporteur général à l'Assemblée nationale, Gilles Carrez, imagine le cas d'un contribuable qui effectue un versement fractionné de 100 000 euros en 2007 et en 2008, et il s'enthousiasme en constatant que ce même contribuable bénéficiera d'une ristourne totale d'ISF de 75 000 euros au titre de 2008 et de 2009.

Mieux, en cas de dépassement des plafonds de dégrèvement, la fraction des versements n'ouvrant pas droit à la réduction d'ISF pourra bénéficier d'un autre régime de faveur au titre d'un autre impôt ! Et M. Carrez cite l'exemple d'un contribuable qui souscrit 200 000 euros au capital d'une PME - 50 % en 2008 et 50 % en 2010 - qui se verra rembourser l'intégralité de cette somme en cumulant les réductions d'ISF et d'impôt sur le revenu... Une opération donc doublement gagnante, puisque ces « investisseurs » pourront récupérer leur mise au bout de cinq ans, les avantages fiscaux perçus restant définitivement acquis.

On peut de plus imaginer que ce ne sera pas seulement une opération « blanche », puisque le placement pourra se faire sous forme de participation au capital de l'entreprise et bénéficier ainsi des dividendes sur les actions acquises, qui pourra, et c'est un comble, bénéficier d'un crédit d'impôt sur action.

L'opération devient ainsi très juteuse, car une grande partie des personnes assujetties à l'ISF pourraient ainsi se dispenser de payer cet impôt. D'après les calculs du Syndicat national unifié des impôts, près de 95 % des contributeurs au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune pourraient échapper à cet impôt grâce à un tel investissement. En effet, ces contribuables déclarent un patrimoine moyen de 3, 8 millions d'euros et s'acquittent, en moyenne, d'un ISF de 17 000 euros par an. Pour eux, investir 50 000 euros tous les ans dans une PME, c'est loin d'être infaisable.

Cet impôt aurait rapporté 4 milliards d'euros à l'État, ce qui aurait été utile pour développer les services publics.

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