Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour cette première intervention au sein de notre Haute Assemblée, je tiens à exprimer ma fierté de débattre d’une problématique concrète qui se trouve au cœur des préoccupations de nos concitoyens, tant en France métropolitaine qu’en outre-mer, plus spécifiquement encore en Martinique.
Nous subissons tous l’inflation, qui est ancrée dans le quotidien des ménages, des entreprises et des collectivités locales. Elle gangrène l’économie mondiale et n’épargne pas la France, bien que nous y résistions mieux que nos voisins européens.
En dépit de nos divergences politiques, je suis convaincu que nous partageons un objectif commun : préserver le pouvoir d’achat des Français.
Le projet de loi que le Gouvernement nous soumet se veut une réponse simple et rapide à l’urgence que représente l’impact croissant sur les Français de la hausse des prix alimentaires. L’inflation en France a atteint un niveau record depuis 1985 : +5, 2 % en 2022, avec une hausse de 8, 3 % concernant les produits alimentaires.
Ce contexte inflationniste à l’échelle internationale est inédit. Il résulte d’une succession de facteurs exceptionnels dont les effets se sont accumulés : une crise sanitaire mondiale sans précédent suivie d’une surchauffe économique mondiale engendrée par l’envolée des prix de l’énergie et la pénurie de matières premières, ayant un impact direct sur la commercialisation de tous les produits, agricoles ou transformés.
Nous le savons, les ménages les plus modestes sont les plus touchés par l’inflation, car ils allouent une part significativement plus importante de leur budget à l’alimentation et aux dépenses essentielles.
Le Gouvernement a mis en œuvre plusieurs mesures volontaristes pour en atténuer les conséquences, mais nous sommes conscients que les Français continuent de subir l’inflation et qu’il est impératif d’agir rapidement pour les protéger.
L’objectif de ce texte est bien de ne pas perdre de temps pour faire baisser les prix à la consommation. La mesure proposée est temporaire et porte exclusivement sur les négociations commerciales, afin que les baisses de prix sur les marchés de gros soient répercutées le plus rapidement possible sur les montants payés par le consommateur final.
Cette action est d’autant plus nécessaire que les prix de certaines matières premières diminuent significativement depuis plusieurs mois, sans que les consommateurs en aient encore bénéficié.
Parce qu’il comprend une date butoir, notre modèle français en matière de relations commerciales a souvent pour effet de transformer les négociations annuelles en un moment de tensions entre les différentes parties prenantes, lesquelles devraient pourtant collaborer comme des partenaires.
Par ailleurs, ce processus ne permet pas le plein déploiement de mécanismes essentiels, tels que les clauses de renégociation et de révision automatique des prix. Lorsqu’ils sont correctement mis en œuvre, ces dispositifs bénéficient pourtant aux consommateurs, sans léser ni les producteurs ni les distributeurs.
Ainsi, la mesure phare de ce projet de loi vise à répondre concrètement aux attentes des Français, tant dans l’Hexagone qu’en outre-mer.
Les territoires d’outre-mer, notamment la Martinique dont je suis désormais l’un des représentants au Sénat, ont souffert de l’inflation et en souffrent encore. À ce titre, nous avons besoin de réformes en profondeur, touchant aussi bien les aspects sociaux, économiques, politiques qu’institutionnels, j’ose le dire.
La cherté de la vie dans ces territoires est un problème structurel qui entrave depuis de nombreuses années le développement économique et social, frappant quotidiennement les populations. Ces dernières endurent les conséquences de cette situation, qui se traduit par un coût des produits et des services structurellement supérieur de 20 % en moyenne à celui qui est pratiqué dans l’Hexagone.
Si la dynamique conjoncturelle peut paraître plus faible, nous partons de bien plus haut que dans l’Hexagone et la lutte contre l’inflation demeure pour nous une priorité absolue.
Je tiens à saluer, à ce sujet, le travail de mon collègue député de la Martinique, M. Johnny Hajjar, rapporteur de la commission d’enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution. Celle-ci a mis en évidence une différence de prix significative, pouvant atteindre 40 % pour les produits alimentaires, entre les produits vendus dans l’Hexagone et ceux qui sont distribués dans les territoires d’outre-mer.
Les causes de cette situation sont multiples et cumulatives : éloignement géographique, étroitesse des marchés, manque de concurrence commerciale. Elles entraînent une grande précarité sociale et une vulnérabilité des filières locales, lesquelles sont peu structurées et insuffisamment financées pour valoriser leurs productions à des prix compétitifs.
La faiblesse de la concurrence est, à mon sens, un facteur clé du coût élevé de la vie. Les marchés des produits et des services dans les territoires d’outre-mer sont souvent dominés par un petit nombre d’acteurs qui fixent des prix élevés malgré les efforts déployés ces dernières années pour augmenter la transparence en la matière dans tous les territoires d’outre-mer. Je proposerai un amendement pour favoriser encore davantage de transparence sur les marges et sur les prix pratiqués en outre-mer.
En conclusion, mes chers collègues, nous entendons les critiques formulées à l’égard de ce texte, mais nous estimons qu’il est urgent de permettre aux Français de bénéficier de baisses de prix, même si ce n’est que pour quelques semaines.
La commission des affaires économiques a retenu le principe de deux dates pour les négociations. Nous estimons que cette différenciation pose problème ; c’est pourquoi nous avons déposé un amendement tendant à rétablir une date butoir unique au 15 janvier 2024. Nous y reviendrons, mais nous considérons qu’une date unique protège mieux les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). De plus, si nous pouvons gagner deux semaines pour la population française, nous devons le faire.
Pour autant, nous sommes également convaincus que le travail sénatorial impose de trouver des compromis et que tout gain pour les Français est bon à prendre. Tel sera le sens de notre vote à l’issue de l’examen de ce texte.