Intervention de Christian Redon-Sarrazy

Réunion du 26 octobre 2023 à 10h00
Négociations commerciales dans la grande distribution — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Christian Redon-SarrazyChristian Redon-Sarrazy :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, allons-nous examiner ce matin une énième loi Égalim ? Il s’agirait alors de la quatrième du genre en cinq ans, soit presque un texte par an. Une telle fréquence démontre clairement que ces lois successives, conçues comme des correctifs de la toute première d’entre elles, adoptée en 2018, sont intrinsèquement inefficaces.

Le Gouvernement présente ce texte comme une mesure de lutte contre l’inflation, en proposant d’avancer exceptionnellement la date butoir pour la signature des accords commerciaux entre les distributeurs et les gros fournisseurs au 15 janvier prochain, avec pour objectif de permettre à nos concitoyens de bénéficier plus tôt d’une baisse des prix des matières premières et des produits qui en découlent.

Nous estimons pour notre part que ce texte est stérile, qu’il n’emportera pas les conséquences annoncées, voire qu’il pourrait déclencher des effets pervers. Il ne s’agit de rien d’autre que d’une gesticulation supplémentaire pour donner l’impression que le Gouvernement est dans l’anticipation et dans l’action, alors qu’il demeure dans la tétanie la plus totale.

Ce constat est également valable pour d’autres sujets, comme l’agriculture ou la transition écologique. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les discours du Président de la République, qui craint tant de faire preuve de courage politique qu’il préfère ne rien proposer de nouveau.

Comment ce texte pourrait-il avoir une influence positive sur l’inflation ? Bien que celle-ci semble ralentir, il serait illusoire de penser que nous reviendrons à une situation ex ante. Annoncer une réduction des prix est donc intellectuellement malhonnête ; malheureusement, ceux-ci vont se maintenir à leur niveau actuel, voire augmenter pour certains produits de base comme le beurre ou le sucre.

Ce texte n’est qu’un pari. Avancer la date butoir ne garantit en rien l’issue des négociations, alors même que les industriels se plaignent déjà de ne pas pouvoir répercuter tous les coûts sur leurs prix.

En vérité, ce sont les deux extrémités de la chaîne qui seront probablement touchées : les producteurs, sans lesquels rien n’est possible, et les consommateurs, qui sont censés être protégés par ce texte, mais qui devront de toute façon payer le prix affiché.

Ce n’est pas sans raison que plusieurs syndicats agricoles ont très mal accueilli ce projet de loi : celui-ci présente un risque tangible pour les revenus des agriculteurs. En avançant la date butoir des négociations, on risque d’exercer une pression sur les prix agricoles, alors même que, comme vous le savez bien, madame la ministre, mes chers collègues, les paysans sont confrontés à une hausse significative de la quasi-totalité de leurs charges.

Nous avons donc souhaité déposer des amendements à l’article 1er, qui constitue l’essentiel de ce texte. Nous proposons ainsi une réouverture anticipée des négociations commerciales si l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ou la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) constataient, au sein d’une filière, une déformation du partage de la valeur entraînant une hausse des prix déraisonnable, répercutée sur le consommateur.

Nous proposons également que les contrats entre distributeurs et fournisseurs intègrent des modalités de révision des prix en fonctions d’indicateurs reflétant l’évolution des coûts des matières premières et des facteurs de production. En effet, si ces contrats étaient mieux encadrés, s’ils contenaient des indicateurs rendant compte fidèlement des prix des matières premières agricoles (MPA) et industrielles (MPI), il ne serait pas nécessaire d’avancer les dates des négociations commerciales et les prix en grande distribution pourraient être adaptés plus rapidement.

Madame la ministre, le principal problème que présente votre projet de loi est qu’il ne traite pas de la totalité de la problématique de l’inflation, car il ne permettra pas de réguler les relations commerciales. Plutôt que de nous soumettre un texte comportant des mesurettes, pourquoi le Gouvernement ne veille-t-il pas à la stricte application des lois existantes en la matière ?

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