Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a un peu plus d’un an, l’hiver allait démarrer et nous nourrissions des inquiétudes et des incertitudes : aurions-nous suffisamment d’énergie pour nous chauffer ? Les prix flambaient, les tarifs des produits de grande consommation s’envolaient ; pour les Français, l’inflation s’amorçait. Notre situation actuelle est légèrement meilleure, mais elle reste toujours fragile.
Le risque inflationniste sur les matières premières est une épée de Damoclès qui plane au-dessus du pouvoir d’achat des Français. Certes, la décrue des prix à la production a commencé, comme nous l’indiquent les chiffres de l’Insee qui se trouvent dans l’exposé des motifs de ce projet de loi, mais sommes-nous certains que cette tendance va se poursuivre ?
Je tiens, au préalable, à saluer les efforts fournis par le Gouvernement depuis ce fameux hiver 2022 pour protéger au mieux les Français. Renforcer cette action de lutte contre l’inflation est un objectif louable, comme l’est celui d’accélérer le mouvement. Pour autant, des interrogations majeures demeurent.
La première d’entre elles est simple : les dispositions que nous examinons produiront-elles un effet réel ? Sur le papier, avancer la date des négociations commerciales semble une solution intéressante : les Français pourraient ainsi voir baisser les prix plus rapidement et en bénéficier dès le début de l’année.
Pourtant, nous nous interrogeons sur la faisabilité de négociations si rapides pour les distributeurs comme pour les fournisseurs. J’ai en particulier à l’esprit nos PME et les entreprises de taille intermédiaire sur nos territoires. Nous sommes tous concernés par ces enjeux de grande consommation dans nos départements, où les producteurs et industriels sont nombreux, comme c’est le cas dans le Maine-et-Loire.
Le 30 mars dernier, nous avons déjà modifié les règles relatives aux négociations commerciales, et cette révision n’a pas encore eu le temps de produire ses premiers effets. Or un système équilibré est très complexe à mettre en place.
L’intensité des échanges en commission a montré combien il était nécessaire de permettre rapidement à la baisse des prix de production de se répercuter sur le panier des ménages. Pour autant, elle a également illustré les craintes qui se font jour quant à l’utilité réelle de l’outil proposé ici.
Je me félicite du travail de la rapporteure Anne-Catherine Loisier et de la commission des affaires économiques. Cependant, les modifications apportées au texte ne nous semblent pas non plus de nature à répondre à l’objectif affiché. Qu’il s’agisse de l’avancement de quelques semaines de la date prévue dans le droit actuel ou des différences opérées entre fournisseurs en fonction de leur chiffre d’affaires, les répercussions de ces mesures ne sont pas claires.
L’amélioration attendue ne sera donc pas forcément au rendez-vous, mais, si les conséquences de ce texte devaient être neutres, nous aurions alors légiféré pour rien et suscité des espoirs qui seront, une fois de plus, déçus.
Notre priorité est la protection des consommateurs et, à cette fin, nous avons besoin d’un texte à effet positif, offrant de la stabilité à un secteur soumis à de multiples tensions. Or ce projet de loi n’aborde pas cet aspect.
Il nous faut apporter des réponses structurelles importantes, mais, pour le moment, nous peinons à les imaginer. Nous devrions, par exemple, amorcer un travail important sur les marques de distributeurs ou encore relancer l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Ce point est central, s’agissant de la grande consommation et des acteurs qui la construisent.
La grande distribution est confrontée à de nombreux défis, l’inflation a des causes multiples et l’avenir nous laisse entrevoir encore bien des sujets. La décarbonation du secteur fait partie de cette longue liste, comme les enjeux environnementaux en tout genre ou encore les nouvelles formes de consommation.
Mes chers collègues, vous l’avez compris, nous partageons l’objectif de ce projet de loi et nous en comprenons le sens, mais nous restons perplexes quant à ses effets.
La succession de crises que nous connaissons nous contraindra peut-être à repenser notre modèle économique. Nous devons nous y consacrer collectivement.