Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureux que ma première intervention devant la Haute Assemblée porte sur les négociations commerciales, car c’est un joli clin d’œil à ma carrière professionnelle qui a duré près de vingt-cinq ans.
Doté d’un titre évocateur et d’une ambition louable, ce projet de loi est pourtant celui de toutes les incertitudes.
Incertitude, d’abord, quant à ses effets réels pour les Français.
Si le Gouvernement se targue d’agir en faveur du pouvoir d’achat de nos concitoyens, les effets concrets d’un avancement de la date butoir du cycle des négociations commerciales restent hypothétiques, comme l’a souligné l’excellent travail de notre rapporteure Anne-Catherine Loisier.
La tendance baissière des prix annoncée par le Gouvernement n’est pas toujours une réalité dans les nombreux secteurs, comme l’agroalimentaire, dont le prix de revient des produits reste très élevé. Toute baisse du prix de vente pourrait alors revenir à punir, par ricochet, nos entreprises si le coût pour les fournisseurs ne baisse pas dans des proportions similaires.
Incertitude, ensuite, quant aux conséquences pour nos petites et moyennes entreprises.
La compression de la période de négociation n’est en aucun cas synonyme d’un pouvoir de négociation renforcé. Cet avancement soudain de la date prendra en effet nos entreprises au dépourvu : elles disposeront de moins de temps pour négocier et pourront être plus facilement mises sous pression par les distributeurs.
Ainsi, dans le secteur avicole, de nombreux acteurs de mon département, le Morbihan, m’ont rappelé qu’entre la campagne commerciale de fin d’année et la période des négociations salariales annuelles ils seront déjà très occupés. L’obligation de négocier leur nouveau contrat avec les distributeurs à cette période, dans un laps de temps raccourci, sera donc particulièrement contreproductive.
Mes chers collègues, en tant qu’élus de la chambre des territoires, il est de notre devoir de dénoncer les textes iniques et hors sol quand ils nous sont soumis. Or ce projet de loi a tout l’air d’appartenir à cette catégorie…
Nous devons au contraire agir sur les racines structurelles de l’inflation afin de la combattre. Attaquons-nous aux facteurs conduisant à la hausse du prix de revient des produits de la grande distribution – l’énergie certes, mais pas seulement. Essayons d’agir concrètement pour diminuer le coût des matières premières, du transport ou de la transformation des produits. Protégeons l’ensemble de nos entreprises en desserrant l’étau qui les contraint, car ce sont elles qui font vivre nos territoires.
Dans un contexte inflationniste, les consommateurs arbitrent désormais leurs achats au profit des premiers prix et des marques de distributeur. Tout cela se fait au détriment des produits labellisés et des produits issus de l’agriculture biologique.
Cette situation contribue fortement à la dégradation de la marge brute du mix produit et favorise le recours aux importations. À ce titre, mes chers collègues, je crois plus que jamais qu’il est nécessaire de tout faire pour renforcer notre souveraineté agricole et alimentaire. Cela passera par une réelle lutte contre l’inflation et par une véritable politique de soutien à nos entreprises, afin de renforcer leur compétitivité sur les marchés nationaux et internationaux.
Nous devons nous garder de légiférer à outrance et de voter des lois de circonstance ou d’affichage.
Conscients des limites de ce texte, les membres du groupe Union Centriste voteront en faveur de son adoption dans sa version modifiée par notre rapporteure et la commission des affaires économiques. Nous souhaitons toutefois que le Gouvernement travaille très rapidement sur les racines structurelles de l’inflation et qu’il cesse de se lancer dans des projets de loi aux effets hypothétiques.