Intervention de Isabelle Briquet

Réunion du 30 octobre 2023 à 16h00
Épargnants et exploitations agricoles françaises — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Isabelle BriquetIsabelle Briquet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à associer les épargnants à la transmission des exploitations agricoles françaises permettrait de drainer l'épargne des Français vers l'acquisition de foncier agricole.

Elle a pour fondement l'idée que la continuité du foncier agricole est un enjeu majeur pour la souveraineté alimentaire de la France, en particulier en raison de la baisse du nombre d'exploitants, de l'augmentation de la taille des exploitations et du vieillissement des agriculteurs.

Si l'on peut partager ces constats et entendre la volonté de favoriser la transmission des exploitations agricoles, la méthode proposée dans ce texte ne nous convainc pas vraiment.

La création de groupements fonciers agricoles d'épargnants, devenus groupements fonciers agricoles d'investissement après le passage du texte en commission des finances, renforce une approche de gestion capitalistique de l'agriculture : les terres agricoles deviennent un objet d'investissement financier plutôt qu'un moyen de production agricole.

Cette orientation vers la finance peut détourner l'attention des enjeux clefs auxquels est confrontée l'agriculture moderne.

L'agriculture doit, en effet, relever des défis majeurs liés à l'adaptation au changement climatique, à la préservation de la biodiversité, à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, à la gestion durable des ressources en eau, et à d'autres aspects environnementaux.

Encourager une approche purement capitaliste peut conduire à négliger ces défis fondamentaux et à mettre en péril, à long terme, la durabilité de notre secteur agricole.

La création d'un nouveau dispositif d'aide économique comme le GFAI sans effectuer, au préalable, une étude d'impact approfondie sur les dispositifs existants comporte un risque sérieux d'éviction : les financements déjà en place, notamment dans le secteur forestier, pourraient être ignorés ou affaiblis.

Cette fragmentation des politiques économiques peut créer des incohérences et des distorsions dans le paysage agricole. Elle peut également se révéler inefficace sur le plan économique, entraîner une mauvaise allocation des ressources et nuire à la coordination des différents acteurs de l'agriculture.

En outre, ce nouvel outil ne résoudra pas les problèmes d'installation et laisse de côté le seul levier à même de répondre globalement à cet enjeu : la régulation foncière.

En la matière, l'état de la législation, qui a pourtant connu une évolution récente, ne répond absolument pas aux enjeux du renouvellement générationnel et de l'agriculture à taille humaine telle que nous la pratiquons dans nos territoires.

L'accès au foncier est un des freins à l'installation de nouveaux agriculteurs, notamment de ceux qui ne bénéficient pas d'une transmission de l'exploitation agricole de leurs parents.

Toutefois, le problème de la transmission ne peut se réduire à la question du portage foncier, car la reprise du capital d'exploitation pèse aussi lourdement sur les installations, parfois même plus que le foncier.

Au surplus, la perspective d'une prochaine loi d'orientation agricole rend cette proposition de loi peu opportune, en appréhendant les sujets agricoles sous un angle extrêmement réduit.

Il est essentiel de repenser notre modèle agricole à l'aune de nos objectifs environnementaux et de favoriser les pratiques agricoles bénéfiques pour la biodiversité.

Enfin, ce texte repose sur une baisse des recettes fiscales. L'État devrait, une nouvelle fois, renoncer à une part de ses revenus.

Dans un contexte économique marqué par l'incertitude et les défis liés à la crise, l'abandon de recettes fiscales affaiblit la capacité de l'État à financer les services publics et ne constitue guère une aubaine pour nos finances publiques.

En conclusion, nous plaidons en faveur d'une approche plus globale, équilibrée et coordonnée, qui soutienne les objectifs de durabilité, de sécurité alimentaire et de justice sociale. Ces sujets devront être abordés durant l'examen du projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles.

Nous devons veiller à ce que notre politique agricole soit alignée sur les besoins de la société, sur les défis environnementaux et sur les principes de responsabilité budgétaire.

De notre point de vue, l'initiative de notre collègue Paoli-Gagin, telle qu'elle est présentée, ne répond pas à ces préoccupations.

Le groupe socialiste votera donc contre cette proposition de loi.

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