Intervention de Guillaume Chevrollier

Réunion du 30 octobre 2023 à 16h00
Épargnants et exploitations agricoles françaises — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Guillaume ChevrollierGuillaume Chevrollier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les difficultés que connaissent nos agriculteurs pour s'installer ou transmettre leurs exploitations sont bien connues au sein de notre Haute Assemblée : baisse du nombre d'exploitants, vieillissement des agriculteurs actifs, affaiblissement du modèle traditionnel familial, augmentation de la surface moyenne des exploitations, frein de l'accès au foncier.

Toutes ces tendances se sont accélérées et ont été confirmées ces dernières années. Elles suscitent beaucoup d'inquiétudes, à raison, car c'est notre puissance agricole qui est en jeu.

Comment tenir nos objectifs pour recouvrer notre souveraineté alimentaire si les agriculteurs ne peuvent plus s'installer dans de bonnes conditions ou transmettre leurs exploitations ? Dans mon département de la Mayenne, entre 2010 et 2020, nous en avons perdu plus de 1 000. Dans le même temps, le nombre de chefs d'exploitation a diminué de 17 %.

Le coût d'installation pour un jeune agriculteur avoisine quant à lui 1 million d'euros, et peu de banques sont prêtes à financer des projets de reprise, en particulier dans l'élevage bovin, si important pour notre bocage.

Pour tenter de répondre à cette situation, la région Pays de la Loire a récemment lancé le dispositif « territoire pilote » pour accroître et faciliter les transmissions en associant l'ensemble des acteurs concernés. L'efficacité de ce dispositif tient notamment à l'animation d'un réseau local, au plus près de nos territoires agricoles.

Le défi est de taille. C'est une véritable transformation des modèles d'exploitation agricole que nous devons envisager.

La création des GFA dans les années 1970, dans le but d'empêcher le démembrement des exploitations lors de leur transmission, a constitué une première réponse pertinente, dans le contexte de l'époque. Dans la continuité de ce dispositif, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a pour objet la création d'un GFA d'épargnants. À travers l'ouverture de l'acquisition foncière agricole aux épargnants, un système de fermage serait mis en place pour faciliter l'installation des agriculteurs. Il s'agit d'un outil complémentaire intéressant, mais il me semble important de formuler quelques réserves.

Comme notre rapporteur, Christian Klinger, dont je salue ici le travail, je doute de l'attractivité de ce dispositif, qui me semble très limité dans sa portée – sur ce point, je regrette l'absence d'étude d'impact, puisqu'il s'agit d'une proposition de loi.

De nombreux instruments existent déjà pour le portage collectif du foncier. Certes, ce système pourrait faciliter l'installation, mais quelle possibilité offre-t-il réellement concernant la transmission ? Par ailleurs, être locataire, est-ce vraiment le sens que l'on veut donner à notre agriculture ?

J'ai bien conscience des réalités de l'agriculture aujourd'hui : un candidat sur deux à l'installation agricole n'est pas issu d'une famille d'exploitants agricoles et, par conséquent, ne dispose pas de l'appareil productif et du foncier nécessaires.

Face à l'érosion du potentiel de production que nous constatons tous dans nos territoires, il nous faut trouver des solutions qui permettent de maintenir une diversité des modèles agricoles, de rendre de l'attractivité aux métiers agricoles et d'adapter l'agriculture française aux mutations que nous connaissons.

Monsieur le ministre, l'examen de cette proposition de loi est donc l'occasion de vous interpeller de nouveau sur cet enjeu majeur qu'est la transmission pour nos agriculteurs, dans un contexte de transition environnementale. C'est un enjeu non seulement du point de vue du foncier, mais également du point de vue de la rentabilité et de la lutte nécessaire contre l'agribashing : autant de sujets à traiter dans le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles, que nous attendons tous !

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