Intervention de Jacques Fernique

Réunion du 23 octobre 2023 à 16h00
Services express régionaux métropolitains — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jacques FerniqueJacques Fernique :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce que l’on vise au travers des Serm, c’est un choc massif d’offre de services de transports du quotidien pour au moins – j’y insiste – une bonne dizaine de nos métropoles.

Notre pays accuse un net retard dans ce domaine. Nombre de nos projets n’avancent pas : seuls ceux du Léman Express, de Strasbourg et de Bordeaux ont d’ores et déjà progressé de manière significative.

L’ambition affichée est tout simplement d’en finir avec cette triste réalité selon laquelle 90 % des déplacements de 10 à 80 kilomètres se font en voiture – et, la plupart du temps, les personnes sont seules dans leur véhicule !

En grande périphérie des villes, la part modale des transports collectifs chute brutalement par rapport aux agglomérations-centres : elle passe de 27 % dans les pôles à 5 % dans les couronnes. C’est là que réside le plus important potentiel de décarbonation, compte tenu des longues distances quotidiennes parcourues en véhicule individuel.

Voilà toute l’ambition des Serm : la cohésion territoriale de la République face aux inégalités de l’offre de transports décarbonés et durables ; ces mêmes inégalités que pointaient les « gilets jaunes »…

Ce n’est pas ce texte – une proposition de loi – qui permettra de définir une trajectoire financière. En revanche, cette phase d’examen parlementaire doit faire monter la pression sur le sujet. Personne ne peut nier la nécessité d’établir des trajectoires financières afin de couvrir les coûts d’exploitation des fortes augmentations de services et de nouveaux investissements parfois nécessaires.

En ce sens, nous saluons la proposition du rapporteur en faveur de tarifs de péage ferroviaire plus abordables dans le périmètre des Serm, et qui prévoit la tenue d’une conférence nationale de financement des Serm. Nous approuvons également les amendements du groupe socialiste qui tendent à mettre en place une trajectoire de financement.

Le texte identifie les éléments d’une labellisation. Le rapporteur a eu raison de souligner l’importance des cars express. De la même manière, l’intégration à part entière des réseaux cyclables sera un formidable accélérateur d’intermodalité et de décarbonation.

Le texte prévoit un certain nombre de dispositions visant à faciliter une gouvernance, qui n’est pourtant pas évidente, entre la région, l’intercommunalité AOM centre, les autres intercommunalités périphériques concernées et les départements.

Cette bonne gouvernance contribuera sans nul doute à prendre en compte les besoins et les attentes des usagers qui ont besoin de mobilités quotidiennes fluides et pratiques, et qui se contrefichent – passez-moi l’expression – du pré carré de chacune de nos collectivités. Ici, au Sénat, nous ne pouvons donc pas supprimer abruptement de ce texte le dispositif entérinant la mise en place d’une billettique intégrée. Bien sûr, le mieux est souvent l’ennemi du bien : au travers de notre amendement tendant à rétablir cette disposition, nous souhaitons maintenir la nuance pragmatique qui pourrait constituer un compromis positif.

Ne réduisons pas le rôle de l’autorité organisatrice de la mobilité porteuse d’un projet de Serm et l’importance de la dynamique qu’elle pilotera : elle n’a pas besoin que la loi lui impose de consulter chacun des maires, elle le fera naturellement.

La délibération de l’AOM en vue de demander à l’État qu’il reconnaisse au projet le statut de Serm, est importante, tout comme celle de la région. Mon groupe propose d’ailleurs des amendements en ce sens.

Le texte innove de manière déterminante en ce qu’il reconnaît une vocation nouvelle, qu’il encadre, à la Société du Grand Paris. Cet établissement public ayant acquis beaucoup d’expérience, il serait dommage de le démanteler après la réalisation du Grand Paris Express. La Société des grands projets garantit des conditions d’emprunt favorables, évite le carcan de l’annualité budgétaire, et favorisera la mise en œuvre de taxes locales affectées ; en outre, elle apportera l’expérience et l’expertise de ses équipes.

Il était nécessaire de garantir l’unicité de la gestion du réseau ferroviaire : la commission a amendé la proposition de loi en indiquant que SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions récupéreront les infrastructures nouvelles à titre gratuit. Il serait incompréhensible, monsieur le ministre, que le Gouvernement et l’Assemblée nationale suppriment cette précision essentielle.

Deux dispositions ajoutées en commission nous semblent contre-productives, et il faudrait y revenir aujourd’hui.

Conditionner mécaniquement les contrôles et les sanctions liés aux zones à faibles émissions (ZFE) à l’existence d’un Serm avancé n’est une bonne idée qu’en apparence. En effet, un tel dispositif serait inévitablement utilisé comme un prétexte pour prolonger l’immobilisme dans la lutte contre la pollution de l’air d’origine automobile. Ce serait aussi, je le crois, une entorse à l’article 45 de la Constitution et au périmètre de cette proposition de loi.

De même, il serait singulier de détourner l’esprit du « zéro artificialisation nette » (ZAN), en imputant la consommation foncière occasionnée par les Serm au forfait national, alors qu’il s’agit de projets d’intérêt régional. Dans le cadre du forfait régional, on sera sans doute plus attentif à la consommation d’espace.

Pour conclure, cette proposition de loi est positive : ses dispositions seront utiles, faciliteront la mise en œuvre des services express régionaux métropolitains, leur donneront de la cohérence et les amplifieront, ce qui clarifiera et sécurisera les financements nécessaires. C’est pourquoi mon groupe la votera.

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