Intervention de Daniel Salmon

Réunion du 30 octobre 2023 à 16h00
Épargnants et exploitations agricoles françaises — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Daniel SalmonDaniel Salmon :

Son seul résultat tangible sera de permettre à des investisseurs de diversifier leur portefeuille d’actions en leur faisant notamment bénéficier d’un traitement fiscal et successoral favorable. Non, hélas, cet outil ne permettra pas d’atteindre l’objectif affiché, qui est de faciliter la transmission des terres agricoles.

En conditionnant cet outil à la conclusion de baux à long terme, dont les loyers sont supérieurs à ceux du bail de neuf ans, il risque de provoquer une augmentation des loyers et, en fait, de constituer un frein à l’installation de nouveaux actifs, bien moins à même de payer des loyers élevés que ceux qui sont déjà installés.

C’est d’ailleurs précisément ce que l’on observe depuis la création des groupements forestiers d’investissement, qui servent de modèle aux GFAI que vous proposez. L’arrivée des investisseurs en forêt a provoqué une augmentation des prix du foncier, rendant difficile l’installation pour les forestiers locaux.

En l’absence de tout encadrement de ces GFAI, ce nouvel outil risque donc de renforcer la dynamique actuelle de concentration des terres et d’agrandissement des fermes et, par là même, le développement de l’agro-industrie.

Or nous considérons que les dispositifs de portage foncier doivent, au contraire, permettre une orientation des terres agricoles vers des exploitations à taille humaine, pourvoyeuses d’emploi, et qui adoptent des pratiques environnementales vertueuses.

Bref, si cette proposition de loi ne vient pas bouleverser les équilibres en place, nous voyons dans ces nouveaux GFAI un glissement dangereux vers une logique de financiarisation du foncier agricole, une évolution qui ne garantit en rien le renouvellement générationnel et la transition écologique.

Ce texte, de fait, ne tient pas compte de la nécessité de changer de modèle, alors que les crises climatiques et environnementales nous pressent d’agir. La terre agricole n’est pourtant pas un bien comme les autres. Elle devrait être considérée comme un bien commun, car elle constitue un élément clef de notre avenir collectif.

J’exprime devant vous une dernière inquiétude : le débat sur le foncier agricole va-t-il se résumer à cette proposition de loi, qui pourrait bien se révéler contre-productive ? Ou allons-nous sérieusement y consacrer le temps nécessaire lors de l’examen du projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles ?

Je me tourne donc vers le banc du Gouvernement. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas faire l’impasse sur la question de la régulation du foncier dans le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles. Ce sujet doit impérativement être mis sur la table. Et à cette occasion, vous pourrez compter sur moi et sur notre groupe pour porter des propositions permettant de faire de la régulation foncière un outil pour renouveler les générations, lutter contre l’agrandissement et favoriser les pratiques en faveur du climat et de la biodiversité.

À l’heure où la faiblesse du revenu agricole est patente, est-il pertinent de mettre le foncier entre les mains des investisseurs, dont la question existentielle est : quel est le rendement ? Il me semble que ce n’est pas ce qu’il y a de plus pertinent aujourd’hui…

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