Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 6 novembre 2023 à 21h30
Immigration et intégration — Article 1er D

Gérald Darmanin :

Qu’il y ait des gens qui fraudent ici ou là, c’est toujours possible. Mais lorsque le maire fait son travail, en lien avec ses services, il est généralement capable de se rendre compte des abus éventuels.

Certains élus ne s’occupent pas de ce sujet et préfèrent déléguer ce contrôle, pas forcément pour des raisons idéologiques ; d’autres ignorent tout simplement qu’ils ont à signer ce genre de documents, souvent parce qu’il y a une délégation de signature, et d’autres enfin s’en occupent eux-mêmes.

La question est de savoir si l’absence de réponse du maire dans le délai emporte avis favorable ou défavorable. L’amendement de Mme Eustache-Brinio est intéressant : j’ai émis un simple avis de sagesse, parce qu’il faudrait se pencher sur les sanctions à appliquer lorsqu’un maire se refuse à effectuer ces contrôles pour des raisons idéologiques. J’ai une idée sur la question, mais je veux encore y travailler d’ici à l’examen du texte à l’Assemblée nationale.

Il est évident qu’en cas de carence répétée de l’élu, qui agit en tant que représentant de l’État, comme ce serait le cas pour un maire qui refuserait de prononcer un mariage ou d’ouvrir les bureaux de vote, le préfet prendrait ses responsabilités : après relance du maire, il constaterait la carence et engagerait la responsabilité de l’édile, voire proposerait la déchéance de son mandat. C’est ce qui se passe au cours de nombreux conseils des ministres, lorsque nous constatons que le maire ne fait pas son travail de représentant de l’État.

Par ailleurs, le refus qui découlerait d’un motif ostensiblement idéologique pourrait faire l’objet d’un recours, comme tout acte administratif, même si l’absence de réponse équivaut à un avis défavorable. L’étranger qui estime remplir les conditions de ressources et de logement pourrait donc faire constater son bon droit devant les tribunaux administratifs.

Le maire n’est pas tout-puissant dans sa commune : il est soumis au contrôle du préfet, au contrôle de son opposition municipale, qui serait sans doute alertée, et, surtout, au contrôle du juge.

Sauf à considérer qu’il faudrait des sanctions contre le maire qui refuserait d’appliquer la loi de manière répétée, ce que vous auriez pu proposer au travers d’un sous-amendement, je ne comprends pas l’objet de votre irritation.

Ce qui est certain, c’est que de nombreux élus n’effectuent pas ces contrôles, soit qu’ils connaissent parfaitement leur commune, soit qu’ils ne la connaissent pas… Lorsque j’ai été élu maire, j’ai refusé toute délégation de signature pendant trois mois, afin de signer tous les parapheurs, y compris les bordereaux de facture, et d’avoir ainsi une connaissance exacte de ce qui se passe dans la mairie. C’est de cette façon que j’ai découvert que cette compétence était dévolue aux maires.

Peut-être le travail d’explication des préfets est-il insuffisant. Et les parlementaires, en soulevant cette question aujourd’hui, permettront peut-être qu’elle soit mieux traitée avec les élus.

Si certains élus ne procèdent pas à une telle vérification, c’est parce qu’ils ne savent pas que cette compétence leur échoit, tout simplement ; d’autres, en revanche, organisent le refus systématique des demandes.

Mais je veux poser la question à nouveau : combien y a-t-il de maires qui, contre toute logique, signent toutes les demandes de regroupement familial ? Quelle est la sanction envisagée pour le maire qui les signe absolument toutes ? On peut imaginer que l’idéologie est des deux côtés…

Je pense donc qu’il faut faire un peu confiance aux élus. Si Mme Eustache-Brinio ou la commission, à cette heure tardive, présentaient un sous-amendement visant à instaurer une telle sanction, qui serait applicable d’un côté comme de l’autre, nous pourrions l’examiner. Mais votre demande me paraît satisfaite, madame la sénatrice : à supposer que – au hasard – le maire de Tourcoing n’ait signé aucun document depuis un mois, alors qu’à l’évidence il y a des regroupements familiaux dans sa commune, le préfet ferait son travail en lui demandant des comptes.

On peut faire confiance aux élus locaux ; je m’excuse que ce soit le ministre qui le rappelle à une partie de la Haute Assemblée.

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