Intervention de Jean-Louis Borloo

Réunion du 2 mai 2006 à 16h00
Engagement national pour le logement — Articles additionnels après l'article 8 sexies suite, amendement 96

Jean-Louis Borloo, ministre :

Je me prononcerai tout d'abord sur l'amendement n° 96 rectifié de la commission, qui me permettra de faire le point sur l'ensemble de la question.

Plusieurs difficultés se posent à nous.

Le Gouvernement, soutenu par le Sénat, a voulu développer le conventionnement au sein du parc social, grâce à la loi de programmation pour la cohésion sociale et au projet de loi portant engagement national pour le logement, l'ENL. Dans cette perspective, mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs dispositifs ont été mis en place, dont vous connaissez les objectifs : il s'agit de créer chaque année 40 000 logements conventionnés dans le parc privé.

En effet, compte tenu de la crise que traverse le logement social, sur laquelle je ne reviendrai pas, notre principal souci aujourd'hui est d'inciter les bailleurs privés à conventionner des logements, qu'ils y fassent ou non réaliser des travaux de réhabilitation, sans leur donner pour autant le sentiment que, s'ils signent une convention, ils y seront soumis à vie.

Or, selon les règles en vigueur, la contrepartie de l'effort réalisé par les bailleurs privés réside dans la limitation de durée de la convention à six ans, neuf ans ou, dans certains cas, douze ans. En général, les conventions ont une durée de six ans, ou de neuf ans si elles ne prévoient pas la réalisation de travaux. Je ne vois pas comment nous expliquerons aux bailleurs qu'ils peuvent s'engager dans le conventionnement si, par ailleurs, ils savent qu'à l'échéance de la convention nous leur expliquerons que les règles du jeu ont changé et qu'ils se trouvent désormais engagés à perpétuité !

En tout état de cause, et c'est l'objet du sous-amendement n° 547 déposé par le Gouvernement à l'amendement n° 141 rectifié quater, il est nécessaire d'exclure les SCI familiales ou les bailleurs privés de l'obligation d'information des locataires.

Par ailleurs, certains bailleurs importants posent des problèmes particuliers. C'est le cas notamment d'Icade, dont l'essentiel du capital est détenu par la Caisse des dépôts et consignations, elle-même un établissement public.

Or les problèmes qui se posent à nous s'agissant d'Icade sont liés à des conventions qui sont arrivées à terme en 2000, en 1999, en 1998 ou en 1997. À l'époque, nul n'a bronché. Aujourd'hui, cette situation crée objectivement des difficultés non seulement aux communes et aux départements, mais surtout aux locataires, qui voient leurs loyers augmenter fortement. En outre, si le patrimoine immobilier a parfois été réhabilité, il arrive qu'il doive être à nouveau mis aux normes.

Comme l'a rappelé Mme Procaccia, j'ai rencontré les élus de tous bords des principaux départements d'Île-de-France. J'ai également rencontré, en ma qualité de ministre chargé du logement, les responsables de la Caisse des dépôts et des consignations ainsi que d'Icade, afin de trouver une solution particulière à ce problème particulier. En effet, Icade a un statut à part et ne peut être considérée comme un bailleur comme les autres.

Nous sommes convenus d'un certain nombre de points.

Premièrement, s'agissant de la situation particulière d'Icade, il est nécessaire qu'un accord soit conclu, d'une manière ou d'une autre, avec la collectivité locale concernée. Une des solutions au problème peut être d'ailleurs la cession de tout ou partie du parc au bailleur social choisi par la collectivité.

Deuxièmement, il convient que les augmentations de loyers soient modérées, et que ceux-ci soient limités en tout état de cause à 25 % des ressources du locataire.

Troisièmement, lesdites augmentations doivent être modulées.

Quatrièmement enfin, dans certains cas, des travaux complémentaires devront être réalisés pour accroître la qualité du bâti concerné.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous efforçons de répondre aux préoccupations des collectivités locales et des locataires. Dans certains départements, les accords conclus sont effectivement exécutés, je vous remercie de m'en donner acte. Il n'est pas question pour le Gouvernement de relâcher sa pression sur ce dossier.

Toutefois, monsieur le rapporteur, de là à adopter un texte d'ordre général qui ne viserait qu'une seule personne morale sur tout le territoire national, il y a un pas que je me refuse à franchir !

Avec le texte que vous nous proposez, un accord qui date d'une quinzaine d'années et qui est arrivé à son terme voilà plus de six ans - dans tout autre cas de figure, la question ne se pose pas - devrait être prorogé.

Pour ma part, je continue à considérer que ce texte contrevient au principe du respect des contrats signés et qu'il pose un problème de constitutionnalité, similaire à celui qui a fait l'objet de la décision du Conseil constitutionnel du 7 décembre 2000.

En effet, monsieur le rapporteur, s'il était adopté, ce texte serait inconstitutionnel non parce qu'il serait d'application immédiate, mais parce qu'il porterait sur des contrats venus à terme voilà six années, car ceux-ci se verraient, de fait, prorogés de force, au détriment d'une seule personne morale en France. Certes, nous pouvons adopter des dispositions en trompe-l'oeil, mais nous nous heurterons malgré tout, me semble-t-il, à un problème de constitutionnalité.

Par ailleurs, je l'affirme avec beaucoup de force, prenons garde de ne pas donner aux bailleurs, aux acteurs du logement social en France, le sentiment que les contrats qu'ils ont conclus n'ont aucune valeur, et que les accords passés peuvent être prorogés de force.

Toutefois, certains des amendements qui ont été proposés sont indispensables, notamment ceux qui visent à prévoir l'information des préfets, des maires, des conseils généraux et des locataires. Le Gouvernement est naturellement favorable à ces dispositions, qui sont toutes reprises par l'amendement n° 141 rectifié quater. Ce dernier devra seulement être modifié par notre sous-amendement n° 547, qui exclut les personnes physiques et les SCI du champ de l'obligation d'information.

Par ailleurs, il est nécessaire de régler le problème posé par Icade. Si, dans une collectivité, l'accord conclu n'était pas acceptable par tous, l'État devrait prendre ses responsabilités et « faire la soudure » entre l'acquisition des logements par un bailleur social et le retrait d'Icade.

Pour l'heure, de grâce, n'adoptons pas un texte de circonstance pour résoudre un problème qui, certes, est réel et sérieux, mais qui est en voie de règlement. Ne votez pas un amendement qui serait frappé d'inconstitutionnalité et qui adresserait un message extrêmement négatif à tous les acteurs du logement social, au moment même où nous leur demandons de s'engager dans le conventionnement, avec ou sans travaux.

Ces principes posés, mon avis est très simple. Le Gouvernement demande le retrait de l'amendement n° 96 rectifié, et serait défavorable aux sous-amendements n° 439, 539 et 440, comme il est défavorable aux amendements n° 309 rectifié, 311 rectifié et 137 rectifié ter.

S'agissant de l'information des locataires et des collectivités locales par les bailleurs sociaux, le Gouvernement y est favorable, mais elle est reprise dans l'amendement n° 141 rectifié quater, qui règle le problème, raison pour laquelle il convient de s'y rallier.

Le Gouvernement demande également le retrait des amendements n° 314, 142 rectifié ter, 315, 143 rectifié ter et 316, au bénéfice de l'amendement n° 141 rectifié quater.

Le Gouvernement émet par ailleurs un avis très défavorable sur l'amendement n° 254, car il souhaite garantir la stabilité des rapports entre les signataires des conventions. Je ne vois pas à quel titre nous pourrions nous immiscer dans les contrats conclus, sauf à créer une incertitude juridique qui serait néfaste au développement du conventionnement social.

Je le rappelle, c'est un abus de langage que de parler de « déconventionnement », car il s'agit ici simplement de l'arrivée à leur terme de conventions conclues pour une certaine durée.

En réalité, nous devons faire cesser la méconnaissance généralisée qui règne entre les divers acteurs du logement social. C'est l'ambition des auteurs de différents amendements, et le Gouvernement la partage Par ailleurs, les locataires, les maires et les conseils généraux sont confrontés à un problème spécifique, qui remet en cause l'équilibre général de l'habitat et qu'il nous faut résoudre.

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