Cet article étant très important, il me semble tout à fait intéressant que nous nous y arrêtions quelques instants.
La réforme proposée vise à poursuivre la simplification ou la rationalisation – nous en avons débattu précédemment – du traitement de l'asile.
Nous le savons, la principale difficulté de la France n'est pas d'être laxiste : elle accorde en général moins l'asile que les autres pays européens. Notre difficulté est plutôt de mettre trop de temps à répondre aux demandes.
Si l'on dit oui trop tard, les gens peinent à s'intégrer avec leur famille, car les demandeurs touchent une prestation sociale à 320 euros et habitent des logements temporaires.
Si l'on dit non trop tard, cela leur laisse malheureusement le temps de s'installer dans une forme d'irrégularité, de se marier, d'avoir une vie privée et familiale en France et d'avoir des enfants sur le sol français. Nous retombons alors dans les difficultés que nous connaissons bien d'application des décisions de reconduite à la frontière.
Le cœur du projet du Gouvernement, indépendamment de la lutte contre les délinquants étrangers et l'exigence d'intégration, est donc la simplification des procédures au sens très large terme, notamment des procédures d'asile, qui connaissent un détournement.
La loi Collomb a permis d'améliorer le travail de l'Ofpra, qui est passé de huit ou neuf mois pour étudier une demande d'asile à quatre mois aujourd'hui. C'est aussi un effet de la création de 200 emplois supplémentaires à l'Ofpra.
Néanmoins, le traitement des demandes par la CNDA est trop lent, du fait de la complexité de la procédure, et il existe des difficultés d'organisation.
La territorialisation, qui vise à rapprocher la cour des personnes, me paraît être une bonne chose. Par ailleurs, le juge unique est également un gage d'avancées – nous l'avons vu notamment au moment de la crise de la covid, une période au cours de laquelle nous avons pris beaucoup de retard.
En revanche, vous ne trouverez pas dans l'article 20 tout ce que vous avez pu lire dans la presse ou entendu dire dans les interventions liminaires.
Le principe du juge unique n'est pas généralisé : le recours au juge unique est simplement permis. En cas d'affaires géopolitiques complexes, de questions tournant autour de l'identité ou de la religion, il sera toujours possible à la cour de statuer en formation collégiale. Nous n'interdisons pas la collégialité ! Nous souhaitons simplement généraliser le recours au juge, notamment pour toutes les décisions sans cesse répétées, car il existe bel et bien une jurisprudence de la CNDA.
En revanche, si l'affaire est plus complexe – je pense à l'Érythrée ou à l'Afghanistan, avec la fameuse jurisprudence Kaboul – ou lorsque se poseront des questions de principe, le juge pourra décider d'inscrire l'affaire devant une formation collégiale.
Je le répète, cet article ne tend pas à supprimer le principe de collégialité au sein de la CND, il vise simplement à simplifier la procédure, afin d'instruire plus rapidement les dossiers, sans remettre en cause pour autant la protection offerte.
Je rappelle en effet à Mme Narassiguin que le principe de protection est le même, qu'il s'agisse d'une formation collégiale ou d'un juge unique. Après tout, comme elle l'a reconnu elle-même, la cour statue déjà en juge unique !
Par ailleurs, le Conseil d'État, qui est très sourcilleux quant aux évolutions de la CNDA, a considéré « que les nouvelles dispositions ne se heurtent à aucun obstacle d'ordre constitutionnel ou conventionnel. » C'est d'autant plus vrai que le fait que la CNDA statue à juge unique ne porte pas atteinte aux droits de la défense.
Enfin, si nous adoptons ce projet de loi, nous ne serons pas le seul pays à nous organiser de cette manière. L'Allemagne est le pays d'Europe qui reçoit le plus de demandes d'asile ; bien que ce pays soit gouverné par les sociodémocrates et les écologistes, ses juridictions administratives, qui examinent les recours des demandeurs d'asile, statuent à juge unique ! C'est aussi le cas de la Belgique, pourtant gouvernée également par une coalition que l'on pourrait qualifier de progressiste, qui reçoit également beaucoup de demandes d'asile.
Nous proposons donc une simplification de la procédure, sans pour autant rogner sur les droits des demandeurs d'asile. Cela concourra à l'objectif de ce projet de loi, à savoir, faire en sorte que l'intégralité de la demande d'asile – depuis l'enregistrement à la préfecture jusqu'au recours à la CNDA en passant par l'entretien à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) – puisse se dérouler en six mois, au lieu de prendre largement plus d'un an comme c'est le cas aujourd'hui.
J'émettrai donc un avis défavorable sur l'ensemble des amendements qui viseraient à déflorer cet article.