Intervention de Philippe Bonnecarrere

Réunion du 10 novembre 2023 à 9h30
Immigration et intégration — Article 21

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere :

M. le ministre a raison d'en vanter les mérites et de dire qu'il a voulu copier ce rapport, mais, s'il a copié, il l'a fait malicieusement et en le modifiant, notamment au sujet de la réforme du contentieux.

Concrètement, quel est notre désaccord avec le Gouvernement ? Finalement, nous portons, mes chers collègues, les avis que vous avez exprimés.

Le Gouvernement connaît d'autant plus notre désaccord qu'il a renoncé à présenter devant nous un amendement, réservé pour le débat à l'Assemblée nationale.

Le rapport de M. Buffet et l'étude de M. Stahl préconisent de passer d'une quinzaine de procédures contentieuses à trois. Dans la version proposée par le ministre de l'intérieur, le nombre de procédures contentieuses passe à cinq.

Le système à trois procédures obéit à une grille d'appréciation assez simple.

Tout d'abord, la procédure ordinaire est retenue lorsque l'étranger en situation irrégulière se voit accorder un délai. Si cette personne ne pose pas de problèmes particuliers, elle se voit offrir un certain délai pour quitter le territoire.

Ensuite, l'étranger en situation irrégulière pose un problème, a reçu une OQTF et se voit assigné à résidence. Le tribunal administratif devra alors juger plus vite : au lieu des six mois de la procédure ordinaire, il n'aura plus que quinze jours dans cette procédure spéciale.

Enfin, en cas de problèmes nécessitant de passer dans un centre de rétention administrative (CRA), le délai de recours dans cette procédure d'urgence est de quarante-huit heures et le délai de jugement de quatre-vingt-seize heures.

Telle était la logique que nous avons proposée.

M. le ministre propose d'introduire une autre procédure, dite « prioritaire », qui dans son esprit aura vocation à devenir la procédure principale. Elle est applicable aux OQTF sans délai de départ volontaire. À ce moment-là, le délai de recours est de soixante-douze heures et le délai de jugement de six semaines.

Pour quelles raisons ne partageons-nous pas l'idée de l'introduction de cette nouvelle procédure ?

Tout d'abord, 40 % des contentieux des tribunaux administratifs relèvent du droit des étrangers. Pour les tribunaux administratifs, juger en six mois ou en six semaines, ce n'est pas la même chose !

Ensuite, créer une procédure spéciale selon laquelle les tribunaux administratifs doivent juger bien plus rapidement que durant les six mois permis par la procédure ordinaire, alors que la personne jugée n'est pas assignée en résidence ou placée en centre de rétention, nous semble totalement contre-productif. Pour éloigner, il faut un peu de coercition. Certes, il peut y avoir quelques départs volontaires, mais c'est tout.

En cas d'assignation à résidence ou de placement en CRA, il est normal de demander aux tribunaux administratifs de juger rapidement et il est normal que les délais de recours soient limités.

En revanche, en l'absence de placement en CRA ou d'assignation à résidence, cela signifie que, dans la vraie vie, la décision d'éloignement ne sera pas exécutée. Dans ce cas, il n'est pas nécessaire de demander aux magistrats de se livrer à un sprint infernal.

Pour cette raison, nous sommes en désaccord avec le Gouvernement et souhaitons en rester au texte de la commission.

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