Intervention de Guy Benarroche

Réunion du 10 novembre 2023 à 9h30
Immigration et intégration — Article 25

Guy Benarroche  :

Le présent article a pour objet d'allonger de vingt-quatre heures à quarante-huit heures le délai accordé au juge des libertés et de la détention pour statuer lorsque le nombre d'étrangers placés simultanément en zone d'attente est trop important. Nous pourrions parler d'une jurisprudence Ocean Viking à Hyères : sur place, j'ai pu constater à quel point les services étaient désorganisés malgré tous les efforts du préfet.

Le Conseil constitutionnel a rappelé dans une décision du 25 février 1992 que « le maintien d'un étranger en zone de transit, en raison de l'effet conjugué du degré de contrainte qu'il revêt et de sa durée, a […] pour conséquence d'affecter la liberté individuelle de la personne qui en fait l'objet au sens de l'article 66 de la Constitution. »

Selon le Syndicat de la magistrature, cette mesure reviendrait à faire peser sur la personne retenue l'indigence des moyens de l'autorité judiciaire, alors que le rôle du juge des libertés et de la détention est justement de s'assurer du respect des droits de celle-ci.

Les juges des libertés et de la détention sont d'ailleurs fortement contrariés par cette volonté de leur faire assurer de nombreuses fonctions qui ne relèvent normalement pas de leur périmètre d'action. Dans le même temps, il s'agit de restreindre un certain nombre de droits. Ici, l'allongement des délais s'envisage pour une simple raison d'incapacité des services du ministère de la justice. Il pèsera pourtant sur les étrangers.

Les zones d'attente sont des lieux privatifs de liberté très anxiogènes, où les personnes sont contraintes et surveillées. Parmi elles, des familles sont accompagnées de mineurs, contrairement à ce qui se passe dans les CRA. La Cimade dresse un portrait de ces zones : « Être enfermé en zone d'attente, c'est être confronté quasiment tous les jours aux situations suivantes : ne pas pouvoir se soigner, ne pas manger à sa faim, dormir dans des locaux insalubres ou aux conditions d'hygiène dégradées. »

Allonger ainsi le délai du jugement des requêtes aux fins de maintien en zone d'attente, alors qu'il s'agit d'un enfermement administratif, prive les requérants de leur chance d'être libérés dans les délais les plus brefs. Il s'agit d'une énième atteinte à la dignité et aux droits des personnes migrantes.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

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