Intervention de Thierry Breton

Réunion du 8 novembre 2006 à 15h00
Participation et actionnariat salarié — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Thierry Breton, ministre :

Je tiens à rappeler quelques-unes des mesures significatives qui ont contribué à redonner du pouvoir d'achat aux Français : tout d'abord, l'aménagement des 35 heures, qui était indispensable ; ensuite, l'augmentation du SMIC de près de 25 % en cinq ans, ce qui correspond quasiment à un treizième mois ; l'augmentation du montant de la prime pour l'emploi, qui sera passé, pour un salarié au SMIC à temps plein, de 467 euros à 948 euros, l'an prochain, soit, là encore, un vrai treizième mois, sans oublier l'effort particulier sur le travail à temps partiel.

Non seulement ces mesures ont permis de traverser une passe difficile, mais les chiffres montrent, depuis l'été 2005, une accélération du pouvoir d'achat, avec une augmentation de 2, 4 % cette année, après une augmentation de 1, 3 % en 2005, selon l'INSEE, augmentation qui devrait atteindre 2, 8 % environ l'an prochain, selon les services de mon ministère.

Ce projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié est donc la suite logique des mesures qui ont été prises.

Par ailleurs, j'ai présenté ce matin, devant le conseil des ministres, un projet de loi en faveur des consommateurs tendant à apporter des améliorations concrètes à la vie quotidienne des consommateurs de notre pays, afin de tenir compte de l'évolution des modes de consommation, lesquels sont d'ailleurs de plus en plus tournés vers les services.

Toutefois, l'objectif premier du texte que vous allez examiner aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, est bien de développer la participation et l'actionnariat salarié dans les entreprises de notre pays.

Le développement de ces instruments d'épargne salariale est, à mes yeux, l'un des plus puissants moyens de nature à faire en sorte que les salariés des entreprises de notre pays puissent participer effectivement au fonctionnement de notre économie. C'est bien dans cette perspective que nous voulons favoriser la participation des salariés à la vie de leur entreprise. En étant actionnaires, les salariés deviennent plus décideurs dans l'entreprise.

Ainsi, nous allons donner aux salariés la possibilité de siéger au sein des conseils d'administration ou des conseils de surveillance, dès lors que 3 % du capital est détenu par des actionnaires salariés. Certains administrateurs seront des salariés actionnaires et ils seront élus - nous y tenons - comme tous les autres administrateurs par l'assemblée générale, mais sur proposition des actionnaires salariés. Ce seront donc des administrateurs à part entière, disposant de droits de vote comme les autres administrateurs et soumis, comme eux, aux obligations liées au secret des délibérations.

Nous avons fait ce choix, et je considère que c'est un bon choix. C'est, encore une fois, un moyen de rapprocher les Français des entreprises et de faire preuve de pédagogie économique.

En effet, les mesures présentées dans ce texte sont aussi un formidable levier pour la pédagogie économique. C'est, du reste, l'un des principaux chantiers que j'ai entrepris, en tant que ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est dans cet esprit que j'ai récemment mis en place le CODICE, le Conseil pour la diffusion de la culture économique. Ces approches sont évidemment complémentaires et cohérentes.

À cet égard, les amendements proposés par vos rapporteurs visant à encourager la formation des salariés à ces questions vont dans le bon sens. Allant encore au-delà des propositions des commissions de l'Assemblée nationale, que j'ai soutenues et qui ont été adoptées, vos propositions s'inscrivent dans le droit-fil de la politique économique du Gouvernement, madame le rapporteur, et vont dans la direction tracée par le Président de la République, le 14 juillet dernier.

L'objectif que nous poursuivons est de créer une plus grande motivation des salariés et davantage de richesses pour tous. Nous avons l'ambition de modifier les comportements, à la fois ceux des employeurs et ceux des salariés et, par voie de conséquence, d'une façon plus générale, le fonctionnement des entreprises.

En outre, plus globalement, nous souhaitons que les montants mobilisés dans le cadre de la participation soient accrus.

Pour créer cette dynamique nouvelle, nous proposons une mesure très novatrice, visant à accorder un avantage fiscal important aux entreprises qui distribueront des actions gratuites à tous leurs salariés ; je dis bien à tous les salariés.

Ce nouveau mécanisme est de nature à engendrer une diffusion rapide et large de l'actionnariat salarié. C'est aussi une mesure de justice sociale !

Au total, monsieur Dassault, je reprends bien volontiers à mon compte la description que vous faites dans votre rapport des quatre besoins des salariés que ce texte contribue à satisfaire.

En premier lieu, vous indiquez le besoin d'être, qui implique à la fois la reconnaissance du travail et la capacité à améliorer naturellement le processus industriel ou de service auquel les salariés participent.

En deuxième lieu, vous soulignez le besoin de savoir, qui doit nous conduire à accorder une importance majeure à la formation des salariés à la gestion de l'entreprise.

En troisième lieu, vous insistez sur le besoin de pouvoir, qui justifie qu'il participe, en tant qu'actionnaire notamment, aux décisions dans l'entreprise.

Enfin, en quatrième lieu, vous mettez en évidence le besoin d'avoir, qui justifie les mécanismes permettant de mieux associer les salariés aux bénéfices des entreprises.

Quels sont les autres enjeux de ce débat ?

D'abord, les amendements déposés sur ce texte nous amèneront à discuter de façon approfondie des questions d'épargne.

Vous le savez, je ne suis pas favorable à « l'épargne pour l'épargne ». Ma politique en ce domaine est claire : il ne nous faut pas plus d'épargne - la France est en effet l'un des pays d'Europe qui épargne le plus, puisque le taux y est de 15 % -, il nous faut une meilleure épargne !

En particulier, je souhaite que cette épargne soit plus productive : il nous faut réorienter l'épargne pour en renforcer le contenu en actions.

J'y ai déjà travaillé avec des mesures permettant de transformer plus facilement les contrats d'assurance-vie en euros - qui sont principalement investis en titres obligataires - en contrats davantage investis en actions.

L'exonération des plus-values d'actions à partir de la sixième année de détention - mesure que j'ai annoncée devant le Sénat, l'année dernière - doit également renforcer l'attractivité de l'épargne en actions et le socle actionnarial de nos entreprises.

Au cours de ce débat, nous aurons l'occasion d'examiner des amendements proposés par votre commission des finances. Le Gouvernement y a bien entendu reconnu la traduction des propositions faites par M. le rapporteur général dans son récent rapport. Je salue ce travail, précis et volontaire, sur l'épargne retraite en France, trois ans après la réforme des régimes de retraites que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait menée à bien avec une détermination sereine.

Naturellement, épargne salariale et épargne retraite sont des sujets connexes, et je salue l'initiative prise par le Sénat pour élargir le débat sur ce sujet.

Il est d'ailleurs exact que, économiquement, les conditions sont réunies pour assurer le développement de l'épargne retraite en France : la diminution des taux de remplacement des revenus d'activité crée en effet les besoins d'une épargne retraite complémentaire, constituée dans un cadre individuel ou dans celui, collectif, de l'entreprise.

Vous avez comme moi constaté que l'ensemble des dispositifs concernés est aujourd'hui d'apparence complexe. Certes, au sein des différents instruments français de participation, d'intéressement et d'épargne salariale, le régime le plus ancien est celui de l'intéressement, prévu dès 1959. Il est entièrement facultatif, de même que les différents plans d'épargne salariale, plus récents. La participation aux résultats de l'entreprise est, elle, obligatoire à partir de cinquante salariés.

Par ailleurs, cela s'articule avec les autres dispositifs qui, à titre principal, répondent à l'aspiration des salariés à la constitution d'une épargne en vue de la retraite.

Vous avez donc passé en revue cette ossature dans son ensemble, au-delà de la simple épargne salariale que nous avions choisi d'aborder.

En constatant que vos propositions visent à consolider les équilibres que nous avions ensemble choisi de promouvoir, je rejoins pleinement votre démarche.

Sur la base de cette ossature, nous avions déjà proposé des simplifications certaines. Je pense en particulier au recours plus systématique au plan d'épargne d'entreprise, le PEE.

Nous proposons aussi des mesures visant à permettre que l'épargne des salariés soit gérée avec un lien suffisant et formalisée avec leur intérêt. C'est le sens de la capacité donnée au fonds commun de placement d'entreprise, le FCPE, de conclure des pactes d'actionnaires pour rendre les placements en actions plus liquides dans les entreprises non cotées.

Par ailleurs, je salue le fait que les concertations au sein du Conseil supérieur de la participation aient permis de converger largement sur le maintien de la règle de blocage de l'épargne pendant cinq ans sur les PEE - point sur lequel M. Gérard Larcher a beaucoup travaillé à titre personnel -, qui est pleinement cohérente avec la politique d'épargne longue que je mène.

Vous proposez d'aller plus loin sur quelques autres points.

En particulier, vous proposez un perfectionnement du texte sur les organismes de placement collectif immobilier, les OPCI. Le Gouvernement considère cette réforme comme importante. Nous serons donc en mesure de soutenir votre démarche afin de mettre à la disposition des épargnants de notre pays un instrument toujours plus pertinent de gestion de ce qu'il est convenu d'appeler la « pierre papier ».

En marge des questions strictement liées à la participation, à l'actionnariat salarié et à l'épargne, les débats porteront également sur l'encadrement des stock-options.

Dans ce domaine comme dans bien d'autres, le prix de la liberté de tous, c'est la pleine responsabilité de chacun.

Le Président de la République m'a demandé de réfléchir sur ces questions, en concertation avec les parties prenantes. J'ai acquis la conviction qu'il était utile de prendre quelques mesures d'encadrement ciblées, même si la loi n'est pas, selon moi, la meilleure réponse possible aux questions légitimes qui se posent. Mais la loi doit montrer la direction à prendre.

D'abord, il convient de renforcer le rôle de l'Autorité des marchés financiers, l'AMF.

Ensuite, on peut effectivement inciter les détenteurs de stock-options - je pense en particulier aux dirigeants - à conserver, tout au long de leur carrière, une part des actions ainsi acquises mais également des actions gratuites dont ils auraient bénéficié.

Enfin, il faut renforcer le rôle et la responsabilité des conseils d'administration, qui auront donc à se prononcer sur cette question.

L'objectif est clair et je sais que, comme les députés, vous y souscrivez : éviter pour l'avenir de créer des conditions qui pourraient conduire à ce que certains ressentent comme des abus, sans pour autant légiférer à outrance.

Chaque Français passe un tiers de son temps dans l'entreprise. Il faut faire en sorte que ce temps passé l'enrichisse humainement, professionnellement, mais aussi financièrement. Le souhait du Gouvernement, c'est que chacun soit gagnant. Le temps est révolu où l'on voyait dans l'entreprise un simple moyen de production.

Dans l'économie mondialisée de production qui est celle où nous évoluons, l'économie de services, l'économie de l'immatériel, l'économie du savoir, il faut penser l'entreprise comme un lieu de vie, un lieu d'acquisition des savoirs. Il faut donc nous pencher sur l'organisation du travail et de l'activité salariée, aujourd'hui, au XXIe siècle. Une vraie révolution doit s'engager afin de conjuguer la participation avec la flexibilité et la sécurisation des parcours professionnels. C'est aussi à cette réflexion, à cette évolution que ce texte vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs.

Dans ce projet de loi, notre objectif est simple : renforcer l'effort de cohésion sociale engagé depuis 2002 dans notre pays, en inscrivant dans notre droit une vision plus offensive, mieux comprise et mieux partagée de la participation, de l'intéressement et de l'actionnariat salarié.

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