Intervention de Pascale Gruny

Réunion du 14 novembre 2023 à 21h30
Financement de la sécurité sociale pour 2024 — Article 10 ter

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny :

Cet amendement vise à supprimer l’article 10 ter, qui unifie en une assiette unique les deux assiettes sociales des travailleurs indépendants.

Ces professionnels cotisent en effet sur la base d’une assiette « nette » et versent des contributions sociales calculées à partir d’une assiette « superbrute », tandis que les cotisations des salariés sont assises sur leur salaire brut. Il en résulte que les indépendants paient proportionnellement, comparé aux salariés, plus de CSG et de CRDS, contributions qui ne sont pas créatrices de droits, et moins de cotisations sociales, qui, elles, ouvrent des droits, notamment à pension de retraite et d’invalidité ainsi qu’aux indemnités journalières.

Comme il s’y était engagé lors de la réforme des retraites, le Gouvernement nous propose aujourd’hui d’harmoniser ces assiettes, en calculant les cotisations et les contributions sociales des indépendants sur une même assiette, qui se rapprocherait de celle des salariés. Concrètement, cette assiette correspondrait aux revenus professionnels, dont seraient déduits les charges et les frais professionnels autres que les prélèvements sociaux, et auxquels serait appliqué un abattement de 26 % représentatif d’une partie des cotisations sociales.

Par conséquent, l’assiette de cotisation des indépendants serait élargie, dans la mesure où elle intégrerait désormais une partie des cotisations ainsi que les contributions sociales, tandis que l’assiette de CSG-CRDS se trouverait réduite, car elle n’inclurait plus qu’une partie, et non la totalité, des cotisations.

En d’autres termes, les indépendants verseront moins de CSG et de CRDS et davantage de cotisations. Dès lors, ils acquerront davantage de droits sociaux, notamment au titre de l’assurance vieillesse et de la retraite complémentaire. Je vous assure, mes chers collègues, que cela correspond à une demande très ancienne de leur part.

Je regrette moi aussi que le Gouvernement ait introduit cette réforme importante par voie d’amendement, sans étude d’impact et sans apporter au Parlement de précisions concernant son coût.

J’indique que je n’ai reçu que ce matin, j’y insiste, les précisions que j’avais demandées au Gouvernement sur ce sujet.

D’après les informations qui m’ont été communiquées, la réforme représenterait un coût brut de 1, 7 milliard d’euros en 2026 ; à la même date, ce coût serait de 1, 1 milliard d’euros en cas de modification des barèmes des cotisations d’assurance vieillesse et d’assurance maladie. Une modification des barèmes applicables aux cotisations de retraite complémentaire devrait permettre de dégager un montant équivalent.

Il n’en reste pas moins que les régimes de retraite complémentaire percevraient en définitive 600 000 euros de recettes supplémentaires et que les régimes de base perdraient un montant équivalent de recettes, sans qu’il nous soit précisé de quelle manière cette somme leur serait compensée, si tant est qu’il soit prévu qu’elle le soit.

Nous ne disposons pas davantage d’une évaluation satisfaisante des effets de la réforme pour les différentes catégories professionnelles. Certains d’entre vous ont d’ailleurs dû recevoir des mails, mes chers collègues, notamment de la part des avocats.

Il m’a été indiqué ce matin que ceux dont les revenus sont supérieurs à 90 000 euros par an, notamment les médecins conventionnés en secteur 2 et un certain nombre de professionnels libéraux tels les avocats, seraient redevables d’un surplus de cotisations supérieur aux gains obtenus en matière de CSG et de CRDS, avant modification des barèmes de retraite complémentaire.

Ces pertes devraient toutefois être partiellement compensées par une diminution concomitante de l’impôt sur le revenu. En tout état de cause – je tiens à le rappeler clairement –, une majorité écrasante des travailleurs indépendants gagnerait à la réforme.

Il convient maintenant de préciser que, si certains pourraient devoir verser davantage de prélèvements sociaux, la réforme ne réduira en aucune façon les droits acquis par les indépendants, bien au contraire. Du reste, tant le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants que les organisations professionnelles se sont déclarés favorables à cette refonte, qu’ils appellent de leurs vœux depuis des années.

Dans la mesure où celle-ci ne sera pas applicable avant 2026, nous aurons le temps, mes chers collègues, d’examiner en détail, avec toutes les parties prenantes, les modalités techniques de mise en œuvre de l’unification des assiettes sociales des indépendants et de les ajuster, le cas échéant.

Nous serons particulièrement vigilants à ce que le Gouvernement nous informe régulièrement des mesures réglementaires qu’il prendra, notamment en ce qui concerne les taux de cotisation maladie, maternité et vieillesse.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, mais j’attends que cette réforme donne davantage de droits aux indépendants, car c’est là ce qu’ils attendent eux-mêmes : ils estiment qu’ils paient beaucoup de cotisations pendant leur carrière professionnelle sans toucher beaucoup lorsque celle-ci s’achève.

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