Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 8 novembre 2006 à 15h00
Participation et actionnariat salarié — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le général de Gaulle avait instauré la participation afin de réconcilier le travail et le capital en impliquant davantage les salariés.

La participation se trouve aujourd'hui revitalisée par la mondialisation, qui a conféré une très grande fluidité aux ressources humaines. Elle est devenue une composante de l'attractivité de notre territoire, élément essentiel pour que les meilleurs cadres, les meilleurs dirigeants, les meilleurs cerveaux restent ou s'établissent en France. Quelles que soient leurs qualifications, les populations frontalières sont, elles aussi, particulièrement sensibles aux conditions de travail proposées par nos voisins.

Réconcilier les Français avec l'entreprise, promouvoir la culture de résultat, inciter à l'actionnariat et, ainsi, stabiliser le capital des entreprises françaises, voilà les aspirations qui sous - tendent le principe de la participation.

Il faut se réjouir que les entreprises qui ont fait ce pari connaissent souvent une grande réussite économique, quelle que soit leur taille. Les plus grands groupes français en offrent la meilleure illustration.

Madame, monsieur le ministre, vous proposez de simplifier les mécanismes empilés depuis quarante ans pour faire de la participation une réalité. Force est de constater qu'aujourd'hui près de 90 % des entreprises françaises de moins de 250 salariés ne pratiquent pas encore la gestion participative.

Ce débat, qui est le fruit d'un long travail collectif et coopératif, doit déboucher sur une meilleure cohésion sociale et un plus grand dynamisme économique.

La mondialisation provoque aussi une grande mobilité des capitaux. L'expérience montre que l'implantation du siège de l'entreprise est déterminante pour la localisation des laboratoires, des bureaux de recherche et des sites industriels, ainsi que pour les sous-traitants - en un mot, pour l'emploi.

En ce qui concerne les PME, cette implantation est décisive pour empêcher que le savoir-faire de nos entreprises ne quitte le sol national. Le développement de l'actionnariat salarié peut donc contribuer largement à stabiliser le capital des entreprises françaises et leur éviter de subir des OPA hostiles ou d'être rachetées.

L'épargne salariale s'investit pour 51, 6 %, soit près de 40 milliards d'euros, en titres d'entreprises. C'est encore trop peu, mais c'est une source de stabilité du capital des entreprises françaises que nous ne devons absolument pas négliger.

Favoriser la diffusion de la participation passe avant tout par l'extension du périmètre des bénéficiaires et l'intensification de la participation.

Force est de constater qu'à la fin de l'année 2003 la participation concernait 53 % des salariés. Cependant, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, elle représentait à peine plus de 8 % des 8 millions de personnes concernées. Quant aux entreprises de moins de dix salariés, à peine 7 % de leurs employés en bénéficient.

De fait, jusqu'à ce jour, la mise en place de la participation par un accord collectif était obligatoire pour les seules entreprises de moins de 50 salariés, alors que cette négociation était une simple faculté pour les entreprises ne franchissant pas ce seuil.

L'instauration d'accords de branche prévus à l'article 5 du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale permettra dès lors un accroissement indéniable du nombre de salariés bénéficiaires d'accords de participation, y compris, sans doute, dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Néanmoins, nous ne pouvons imposer à toutes les petites entreprises de reprendre les accords négociés par la branche dont ils dépendent, car cette contrainte serait mal comprise, mal acceptée par leurs dirigeants et donc contre-productive.

Si les PME restent réticentes à la mise en place du dispositif de participation, c'est peut-être tout autant pour des raisons pratiques, liées à la complexité des négociations à mener, que pour des motifs financiers ou parce que leurs dirigeants n'imaginent pas déroger à un état de fait ou à des habitudes.

Même si elle se trouve différée, la participation est évidemment un élément de rémunération. L'augmentation des sommes versées aux salariés, comme le prévoit ce texte, constitue une avancée importante. L'augmentation de l'épargne constituée dans le cadre de l'entreprise devient un outil de relance du pouvoir d'achat et de la croissance.

De même, la modification des règles de calcul du bénéfice fiscal pris en compte afin de déterminer le montant de la réserve spéciale de participation accroît le total des sommes versées aux salariés.

Par ailleurs, le retour à un dispositif autorisant les entreprises à reporter de façon limitée les déficits des exercices antérieurs à l'année en cours - de trois ans ou de cinq ans, nous en débattrons, mes chers collègues - constitue une excellente mesure, qui rendra sans aucun doute le système plus équitable, sans pour autant pénaliser les entreprises qui ont atteint depuis peu de temps l'équilibre financier et qui sont encore trop fragiles pour faire profiter leurs salariés de l'amélioration de leur situation. Les abus consécutifs au report illimité seront circonscrits, et la participation améliorée.

En outre, ce texte tend à rénover le cadre juridique de la participation, en prévoyant, notamment, des mesures relatives à la représentation des salariés actionnaires.

Nous allons permettre aux salariés, pour peu qu'ils détiennent plus de 3 % du capital, de siéger dans les conseils d'administration.

En tant qu'actionnaires, les salariés deviennent des « décideurs » dans l'entreprise où ils travaillent ; il est donc naturel qu'ils siègent au sein des conseils d'administration et des conseils de surveillance des sociétés cotées. S'il n'en allait pas ainsi, ils se considéreraient comme des actionnaires de seconde catégorie, et à juste titre.

Le renforcement de la participation des salariés à la gestion de leur entreprise contribuera fortement à leur motivation.

Les chefs d'entreprise qui s'interrogent sur les conséquences de la participation d'un représentant des salariés au conseil d'administration doivent être convaincus que celles-ci seront positives pour leur société, même si les modalités d'organisation de l'élection de ce représentant suscitent encore des interrogations qu'il faut apaiser.

La participation est un principe qui a su rassembler la quasi-totalité des formations politiques et syndicales au fil des années. Afin de préserver cet état d'esprit, nous devons vaincre les réticences, en développant la participation, mais surtout en l'améliorant.

L'attribution d'un avantage fiscal important aux entreprises qui offrent des actions gratuites à leurs salariés devrait favoriser une diffusion plus rapide et plus large de l'actionnariat salarié.

Dans le même esprit, il est indispensable de mettre en place, au sein des entreprises, une plus grande concertation et une plus grande implication de tous pour l'avenir de l'entreprise.

L'organisation des entreprises ne saurait être immuable alors que des changements profonds affectent notre société.

La notion d'intérêt général doit prévaloir partout, et donc se voir mise en avant au sein de tous les groupes humains. L'entreprise ne saurait échapper à la règle : elle doit évoluer de manière que tous ceux qui y travaillent ressentent que, si l'organisation du travail est équitable, les fruits de celui-ci sont aussi répartis équitablement.

La participation est le moyen d'y parvenir : elle exprime toute l'importance que nous attachons aux valeurs de responsabilisation et de partage. Elle s'inscrit dans un projet européen où les femmes et les hommes ne seront plus les simples éléments d'une économie déshumanisée. La majorité de mon groupe en est convaincue et votera ce texte.

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