Nous avons examiné un certain nombre de dispositions relatives aux activités des organismes d'HLM au travers des articles 8 sexies A à 8 sexies.
En proposant, par exemple, de dissocier l'usufruit et la propriété des logements gérés par des organismes d'HLM, ces différents articles du projet de loi viennent une nouvelle fois renforcer la confusion - d'ailleurs récurrente dans nos débats - entre logements sociaux et logements conventionnés.
Depuis le 30 mars dernier, en effet, un certain nombre de nos collègues confondent extension du parc de logements sociaux et extension de la définition du logement social. Après y avoir inclus la vente de logements HLM, ils ont cherché à étendre le logement social à l'accession à la propriété et ont fort heureusement été contrariés dans leur « élan falsificateur ».
Ils sont néanmoins parvenus un peu plus tard à ce que notre Haute Assemblée requalifie les logements déconventionnés en logements sociaux de manière à les comptabiliser au titre de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation pendant encore cinq ans après leur sortie du conventionnement.
Or logement social et logement conventionné sont deux réalités bien différentes : l'un est définitif, l'autre est réversible ; l'un s'inscrit dans une politique de logement abordable durable, l'autre incarne la précarité d'un logement à loyer modéré en intérim ; l'un relève d'un engagement public, l'autre est soumis à la décision d'un acteur économique privé.
Si le logement conventionné constitue un outil utile, il ne peut en aucun cas se substituer à la réalisation de logements sociaux.
Ainsi, les déconventionnements de milliers de logements auxquels nous assistons témoignent avec une triste acuité des trois enjeux majeurs du conventionnement au regard des politiques publiques de l'habitat.
Le premier enjeu soulevé par les déconventionnements est celui de la responsabilité.
Le 5 avril dernier, MM. Cambon et Braye ont défendu l'amendement n °482 rectifié bis en pointant l'injuste situation de maires qui se seraient « engagés » dans le logement social et « subiraient » les décisions de déconventionnement auxquelles ils n'ont pu prendre part.
Monsieur le ministre, chers collègues, si les maires sont effectivement victimes du déconventionnement, ils ne sont pas pour grand-chose dans le conventionnement. C'est le propre du dispositif ! Or c'est au titre de leur engagement initial que vous leur octroyez un sursis de cinq ans après le déconventionnement et la chute éventuelle de leur taux de logements sociaux. C'est illogique et c'est une nouvelle atteinte à l'article 55 de la loi SRU.
Quant à la responsabilisation des bailleurs, prétendument apportée par cette disposition, je ne vois pas en quoi le fait de limiter les conséquences politiques de leurs choix de déconventionnement les incitera à la négociation, voire au réexamen ou à l'ajournement de leur décision.
Bien au contraire, leur décision n'en sera que plus indolore et leur extraterritorialité n'en sera que plus grande. En effet, les sociétés et les groupes qui pratiquent le déconventionnement massif le font non pas en référence au contexte local, mais en raison des normes comptables internationales. Celles-ci imposent d'inscrire au bilan la valeur de marché des actifs immobilisés et non pas la valeur d'achat, comme en comptabilité française. Les sociétés ont donc tout intérêt à « réaliser » leurs actifs lorsque le marché est au plus haut, et ce quelles que soient les réalités locales et a fortiori si leur décision est discrète. Or ce sera bien le cas avec l'amendement voté le 5 avril dernier.
J'en arrive au second enjeu soulevé par les déconventionnements : l'enjeu social.
Le déconventionnement a des conséquences dramatiques pour de nombreuses familles. Dans le contexte de flambée des prix et d'insuffisance de l'offre locative abordable, déconventionnement rime avec relèvement insoutenable des loyers et mobilité contrainte.
En Île-de-France, les déconventionnements d'Icade riment aussi avec relégation toujours plus loin du centre de l'agglomération parisienne, en grande banlieue, dans des secteurs toujours moins bien desservis par les transports en commun et mettant en danger le maintien dans l'emploi en raison des temps de déplacement allongés, pouvant aller jusqu'à près de quatre heures par jour pour certains Franciliens.
Dès lors, les propos tenus par M. Braye le 5 avril dernier et justifiant la comptabilisation pendant cinq ans des logements déconventionnés dans le logement social sont inacceptables. Selon M. le rapporteur, les locataires et les logements resteraient les mêmes. D'une part, c'est faux, car les locataires changeront en raison du relèvement des loyers. Rappelons-nous qu'un loyer conventionné peut être jusqu'à deux fois, voire trois fois inférieur aux loyers de marché. D'autre part, c'est encore une fois assimiler le logement à ses occupants et assimiler les occupants à une charge pour la collectivité, un poids qu'elle fait l'effort de porter.
Quant à l'idée selon laquelle les 11 000 logements d'Icade déconventionnés ne représentent pas grand-chose, allez en parler aux 11 000 familles concernées et aux dizaines de milliers de personnes à la recherche d'un logement abordable, aux travailleurs pauvres qui, malgré un emploi stable, sont sans domicile fixe. C'est une nouvelle fois manquer de respect pour nos concitoyens.
Enfin, les déconventionnements soulèvent un enjeu politique : quelles orientations veut-on donner à l'action publique en faveur du logement ?
Ainsi, retarder l'effet des déconventionnements dans le taux de logements sociaux au titre de l'article 55 de la loi SRU revient à traiter le symptôme, mais pas la cause. En effet, le sursis de cinq ans permettra aux communes qui voient leur taux de logements sociaux chuter à la suite des déconventionnements de ne pas être pénalisées et donc, souhaitons-le, de prendre les dispositions nécessaires dans ce laps de temps pour reconstituer un parc social.
Ce faisant, on traite d'abord la demande des maires. C'est une réponse administrative à un problème comptable.
À l'inverse, traiter la cause reviendrait à développer une politique résolument volontariste de réalisation de logements sociaux dès aujourd'hui, dans tous les secteurs tendus, et pas seulement en cas de déconventionnement.
Conditionner l'octroi d'un permis de construire à la réalisation d'un pourcentage donné de logements sociaux - de type PLAI et PLUS - participerait de cette dynamique et de cet engagement public. Il s'agirait véritablement d'une réponse politique à un besoin social et sociétal criant.
De même, plutôt que de diminuer leur effet, il nous faut imaginer des mécanismes qui empêchent les déconventionnements en général, et plus particulièrement dans les communes soumises à l'article 55 de la loi SRU.
Ainsi, nous proposons que toute décision de déconventionnement soit soumise à l'approbation du maire de la commune qui pourra imposer au propriétaire de vendre son parc à un organisme d'HLM afin de conserver sa vocation sociale et de préserver la mixité.
Entre intérêts financiers et marchandisation du logement, les déconventionnements questionnent l'action publique en matière d'habitat. Avec responsabilité et engagement, nous devons y apporter des réponses durables et justes au service du logement pour tous.