Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité sociale est un bien précieux et son budget est largement supérieur à celui de l’État. Hélas, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 qui nous a été présenté est en demi-teinte : une lueur de propositions encourageantes se retrouve étouffée par tant d’autres dispositions profondément décevantes. J’évoquerai avec vous mes regrets, qui sont à la hauteur du devoir qui nous incombe.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est un aveu d’impuissance sur le plan budgétaire. Par l’abandon de l’objectif d’un retour à l’équilibre, le Gouvernement transmet la dette sociale aux générations futures sans une once d’embarras, malgré le fardeau qui devrait prêter à ce sentiment.
En effet, il s’agit bien ici de milliards d’euros qui sont en jeu. Déjà plus important que l’an dernier, le déficit devrait se creuser au cours des prochaines années pour atteindre plus de 17 milliards d’euros en 2026 et en 2027.
Pour cette raison, le groupe Les Républicains rejoint l’analyse de la commission des affaires sociales du Sénat sur la trajectoire financière de ce PLFSS, dont nous déplorons l’insincérité et l’incohérence.
Succédant à la crise sanitaire, le contexte inflationniste provoque une hausse vertigineuse de l’Ondam, passant de 200 milliards d’euros en 2019 à 255 milliards d’euros en 2024. Devant un tel manque de transparence, le Sénat n’a d’autre choix que de rejeter cette véritable boîte noire.
L’assurance maladie devrait suivre en 2024 une trajectoire de dépenses dynamique, mais le Gouvernement ne prend la peine ni de justifier, ni d’affiner l’enveloppe pour la représentation nationale, ni de détailler les économies prévues à hauteur de 3, 5 milliards d’euros. En témoigne explicitement la hausse des franchises et de la participation forfaitaire, au traitement malheureusement trop caricatural.
Si le soutien à la vaccination contre le papillomavirus humain est le bienvenu, il constitue la seule mesure de prévention tandis que la prescription d’antibiotiques par les pharmaciens contre les angines et contre les cystites est la seule en matière d’amélioration de l’accès aux soins. Mes chers, collègues, la prévention et l’amélioration de l’accès aux soins ne peuvent en rester là !
C’est la raison pour laquelle nous avons aussi souhaité diminuer le nombre de rendez-vous non honorés, source de gaspillage de temps médical. Il devient indispensable de responsabiliser davantage les patients et cette mesure de bon sens portera ses fruits en matière de sensibilisation.
Je vous parlais de regrets. En voilà un autre : la profonde, voire inquiétante, impréparation du Gouvernement sur ce texte. Puisque nous avons jugé que la réforme du financement de l’hôpital était trop précipitée, nous avons reporté son entrée en vigueur au 1er janvier 2028, après trois années d’expérimentation, pour ne pas mettre en danger les hôpitaux. Nous ne pouvons que regretter la méthode du Gouvernement, qui, sans étude d’impact ni financements complémentaires, entend poursuivre une ambition dénuée de prudence. Mes chers collègues, refusons de jouer avec l’hôpital pour des effets d’annonce !
En matière de lutte contre les pénuries de produits de santé, nous avons une divergence avec le Gouvernement : l’obligation de la dispensation à l’unité est une fausse bonne idée. Nous avons noté la timidité des ministres en matière de substitution par des médicaments biosimilaires.
La précipitation, qui est allée de pair avec l’impréparation, se retrouve par ailleurs dans l’abandon à mi-chemin de l’article 39. La suppression pure et simple de ce dernier est la brillante démonstration de mesures mal anticipées, concoctées à la hâte. Un temps de concertation supplémentaire est souhaitable, voire nécessaire, avant d’adopter des modifications aussi substantielles sur le régime de la rente AT-MP.
La branche famille est la grande oubliée de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Grâce aux modifications du Sénat, elle se voit transférer 2 milliards d’euros issus de la branche maladie. Ce montant répond au précédent transfert, depuis l’assurance maladie maternité, de la charge du congé de maternité postnatal.
Cette mesure, qui répondait à une logique comptable, masque un manque d’ambition en faveur de la politique familiale : ce congé, pas plus que la grossesse, n’est un mode de garde ; par contre, il relève bien de la santé ! Tant qu’il n’y aura pas de budget pour soutenir les familles, il n’y aura pas de véritable politique nataliste dont le pays a pourtant besoin.
J’évoquais avec vous la lueur d’optimisme que représentaient certaines mesures. En voici une, proposée par le groupe Les Républicains : la possibilité, pour les orphelins dont les parents sont affiliés au régime des artisans, des commerçants et des professions libérales, de bénéficier d’une pension de réversion. Si cette mesure de justice sociale visait déjà les fonctionnaires et les salariés du privé depuis l’année dernière, notre groupe a élargi les critères d’éligibilité à la pension de réversion des orphelins en situation de handicap éloignés de l’emploi.
Ayant à cœur de prendre en compte les besoins de nos territoires, nous avons voté, pour soutenir nos départements qui doivent assumer de plus en plus de charges financières en matière de dépendance et de handicap, le maintien de 250 millions d’euros relatifs au plafond des compensations de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) versées à ces collectivités pour la prestation de compensation du handicap (PCH) et pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
Nous avons adopté la proposition du Gouvernement de verser aux départements un complément au concours APA de 150 millions d’euros et de transformer en expérimentation la fusion des sections soins et dépendance pour le financement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Nous regrettons, hélas !, que ces montants soient bien en deçà des besoins financiers des départements, surtout si le Gouvernement s’en tient à sa proposition de 150 millions d’euros. Nous attendons toujours de pied ferme une réforme sur le financement du secteur de la dépendance et du handicap.
Nous avons aussi renforcé les droits des élus locaux en matière de retraite. Depuis le 1er septembre 2023, l’ensemble des élus peuvent cotiser au régime général sur ces indemnités après une simple demande auprès de leur collectivité. Nous avons désormais intégré à ce champ les délégués des collectivités territoriales membres des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) afin de parachever l’avancée en matière de droits à la retraite.