Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, cette année encore, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale a été l’occasion de débats importants sur l’orientation budgétaire que nous souhaitons donner à notre pays en la matière.
Je remercie les rapporteurs, notamment la rapporteure générale, et salue tant leur travail que leur pédagogie. Jusqu’à vendredi soir, ils ont fait en sorte que nous puissions participer à des débats de qualité sur ce sujet majeur.
Le texte que nous avons à voter aujourd’hui revêt deux aspects : il a trait, d’une part, à la situation budgétaire de la sécurité sociale et, d’autre part, aux choix que nous faisons en faveur de nos concitoyens pour l’avenir.
Chaque année, nous ne pouvons que déplorer l’augmentation du déficit et l’évolution des prévisions pour les années suivantes. Pour 2024, le manque s’élève à 8, 8 milliards d’euros. En 2027, il atteindra 17, 5 milliards d’euros, un chiffre inédit depuis 2012, hors période covid. Cet abîme de milliards au-dessus duquel nous nous penchons doit nous alerter sans pour autant nous conduire à l’immobilisme en matière de protection sociale.
La peur de continuer à creuser le déficit doit toutefois guider nos choix, les bons, ceux qui permettront aux Français de continuer de bénéficier de la sécurité sociale dans les meilleures conditions, sans risquer de remettre en question l’existence même de ce qui fait la force de notre République.
C’est exactement le choix qu’avait fait le Sénat, en mars dernier, en adoptant le recul de l’âge de départ à la retraite tout en tenant compte des carrières longues, de la pénibilité ou encore de la maternité. Cette réforme n’empêchera pas à court terme la branche retraite de creuser son déficit. Elle illustre la capacité du Sénat à prendre ses responsabilités et les mesures qui s’imposent, aussi impopulaires soient-elles, pour sauvegarder notre système de retraite.
Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, quels sont les choix qui ont été faits ?
Premièrement, ce texte contient des avancées très concrètes pour nos concitoyens grâce à la prise en charge des préservatifs et des protections féminines réutilisables pour les jeunes, à la possibilité pour les pharmaciens de délivrer, dans un cadre précis, certains médicaments de première urgence sans prescription médicale ou encore à la simplification de l’accès à la complémentaire santé solidaire. Ces mesures représentent des apports dont beaucoup de Français pourront bénéficier et il est bon de constater qu’un consensus peut exister au moins sur ces sujets.
Deuxièmement, comme tous ici, certainement, nous partageons l’idée selon laquelle la clé de voûte de tout système de santé doit être la prévention. Nous nous réjouissons des précisions que le texte apporte concernant les rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie et de la proposition de vaccination dès le collège contre le papillomavirus humain, surtout au regard de l’efficacité du vaccin lorsqu’il est administré avant le début de la vie sexuelle.
Sur le terrain de la prévention, nous avons suivi avec intérêt les débats autour d’une plus forte taxation des boissons et des produits sucrés. La question mérite d’être posée, même si nous ne pensons pas nécessairement que l’augmentation des taxes soit la meilleure réponse à apporter à un problème de santé publique. Nous pensons que privilégier la prévention et l’éducation face au sucre, au tabac ou à l’alcool est une démarche plus vertueuse qu’une simple mesure punitive.
Troisièmement, ce texte prévoit le renforcement du contrôle des arrêts de travail. Leurs répercussions sur les comptes de la branche maladie sont une réalité. Que l’augmentation de leur coût soit due à l’évolution de leur nombre ou à celle du montant des indemnités journalières, il faut prévoir un meilleur encadrement pour éviter les abus qui, sans être majoritaires, existent bel et bien.
Quatrièmement, des précisions ont pu être apportées à l’encadrement des arrêts délivrés par télémédecine. Nous partageons cet objectif.
Cinquièmement, le texte contient des outils de lutte contre la fraude aux cotisations sociales. À ce titre, nous regrettons que l’article 6, qui concernait les microentrepreneurs de plateformes numériques, ait été supprimé.
Nous regrettons également que le texte ne soit pas à la hauteur du défi de la dépendance. Sur ce point, la réalité dépasse nettement les ambitions. Le nombre de seniors de plus de 85 ans doublera d’ici à 2040. L’ensemble des emplois promis auprès de nos aînés doivent être créés dès maintenant et non pas lors du prochain quinquennat.
Nous regrettons, en outre, que le texte soit quelque peu lacunaire sur le développement des soins palliatifs. Le Gouvernement affiche, pour fin 2024, l’ambition de couvrir tous les départements d’une unité les prodiguant ; j’espère que cet objectif sera satisfait. Il doit être un préalable à toute modification de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite loi Claeys-Leonetti.
Enfin, l’Ondam affichait un plafond de 254, 9 milliards d’euros, soit une hausse de 3, 2 % par rapport à 2023. Si ce montant nous semblait insuffisant pour les hôpitaux comme pour le secteur médico-social, nous ne partageons pas les raisons invoquées ayant conduit à la suppression des articles en question vendredi dernier.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra sur ce texte.