Intervention de Christophe Béchu

Réunion du 21 novembre 2023 à 14h30
Déclinaison territoriale de la planification écologique : quel rôle et quels moyens pour les collectivités locales ? quel accompagnement du citoyen — Débat organisé à la demande du groupe socialiste écologiste et républicain

Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, notre pays a traversé récemment des épisodes climatiques extrêmes par lesquels se manifestent plus que jamais la réalité et l'intensité du dérèglement climatique. Du Morbihan aux Alpes-Maritimes, de la Guadeloupe au Pas-de-Calais, nos concitoyens et les élus locaux – je veux en ce jour avoir pour eux une pensée particulière – ont subi de plein fouet ses conséquences.

L'État est évidemment à leurs côtés pour les aider à reconstruire et à adapter leur territoire à ce type d'événements, mais il est aussi pleinement engagé pour que nous puissions atteindre les objectifs climatiques que nous nous sommes assignés et sur lesquels nous nous sommes engagés, à commencer par la réduction de 55 % de nos émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030.

Cet engagement est fondamental pour préparer un avenir habitable non seulement pour les générations futures, mais pour nous-mêmes et pour nos enfants. La bonne nouvelle, c'est que nous avons fait la moitié du chemin. La moins bonne, c'est qu'il nous reste sept ans pour faire ce que nous venons de faire en trente-trois ans.

Pour atteindre l'objectif, pour assumer ce rythme inédit, nous avons un plan. Le secrétariat général à la planification écologique et mon ministère ont travaillé pendant un an à identifier tous les leviers qui nous permettront, secteur par secteur, de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre avec la bonne intensité. Cet exercice unique au monde, nous l'avons fait. Ce cadre national, nous l'avons. Désormais, nous devons passer aux travaux pratiques.

C'est cela, la déclinaison territoriale de la planification écologique : comment faire pour que les objectifs que nous nous sommes donnés nationalement, et sur lesquels la France s'est engagée, soient effectivement mis en œuvre dans les territoires, par les entreprises, par les Français et, bien entendu, par nos collectivités territoriales ?

La Première ministre m'a confié cette responsabilité et je mène, avec ses services, une démarche qui repose sur deux piliers : la mobilisation des citoyens et l'association étroite des collectivités territoriales.

La mobilisation des citoyens passe par le Tour de France que je mène au plus près des réalités locales. Cet exercice de débat et de pédagogie m'a déjà mené dans sept régions à la rencontre de près de 3 000 Français. Au bout du compte, ce sont bien les Français qui seront en première ligne : ce sont nos agriculteurs qui devront changer leurs pratiques ; ce sont nos entreprises qui devront investir autrement.

Le Tour de France, c'est parler de l'avenir des Français avec eux. C'est leur tenir un discours de vérité et d'humilité, leur dire que chacun de nous a une part de l'effort à faire et une part de la solution entre ses mains.

Et je peux vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'accueil que je reçois me donne à la fois beaucoup d'espoir dans nos chances de succès et beaucoup d'idées pour faire mieux et plus vite.

J'en viens au rôle des collectivités territoriales.

Je n'étonnerai personne ici en affirmant qu'elles sont en première ligne de la transition écologique. J'aime même dire que les maires, réunis en ce moment à Paris, sont les hussards verts de la République. Ils ont un rôle essentiel à jouer, parce qu'ils connaissent mieux que personne leur territoire et défendent des projets qui changent concrètement la vie des gens. Nous n'y arriverons pas sans eux. À cet égard, je partage ce que vous venez de dire, monsieur le sénateur Gillé : beaucoup d'entre eux n'ont pas attendu l'État pour prendre le chemin de la transition écologique.

Je tiens à saluer très sincèrement le travail des sénateurs Françoise Gatel, Laurent Burgoa, Pascal Martin et Guy Benarroche, qui m'ont remis voilà quelques jours seulement le rapport de votre délégation aux collectivités territoriales intitulé Engager et réussir la transition environnementale de sa collectivité. Ce rapport est une mine d'or de solutions, de bonnes pratiques et d'idées fortes pour accélérer la transition des collectivités et faire d'elles les acteurs clés du changement de modèle que nous construisons.

Les collectivités sont un maillon essentiel de ce que nous sommes en train de mettre en place. Et cela vaut pour tous les échelons, de la région à la commune.

Pour embarquer les collectivités dans cette dynamique de planification, nous avons lancé les COP régionales – le sénateur Gillé les a évoquées –, qui sont copilotées par les présidents de conseil régional et par les préfets de région. Qu'est-ce qu'une COP ? C'est une enceinte de coordination et de travail qui permet aux acteurs régionaux, collectivités, monde économique, monde associatif, de réaliser un diagnostic partagé des sources régionales d'émissions de gaz à effet de serre et d'identifier ensemble les leviers pertinents de baisse ou d'accélération de la baisse des émissions sur leur territoire.

Alors que les deux premières COP régionales viennent d'être lancées la semaine dernière dans le Grand Est et en Guadeloupe, je veux saluer la dynamique au sein des collectivités territoriales engagées dans ce processus.

Évidemment, en tant que parlementaires, vous y serez associés étroitement pendant toute la durée des travaux, qui se dérouleront jusqu'à l'été prochain.

Dans les régions non plus, nous ne partons pas d'une page blanche. Je citerai un seul exemple : j'ai eu le plaisir de participer le 14 novembre à Metz au lancement de la première COP régionale, qui intégrera totalement les travaux régionaux déjà accomplis et capitalisera sur les actions lancées dans le cadre de Grand Est Région Verte. Elle poursuivra l'ambition de fédérer les acteurs de la région autour de trajectoires et d'actions communes jusqu'au dernier kilomètre de l'action publique.

La territorialisation de la planification écologique doit permettre à toutes les collectivités de s'approprier les objectifs nationaux et de les traduire en projets concrets.

Ce dernier kilomètre de la planification nous impose de revoir la manière dont l'État agit avec les territoires. Il nous impose de repenser en même temps les trois dimensions traditionnelles de l'action publique que sont le diagnostic, le portage de projet et l'ingénierie territoriale.

La première dimension est le diagnostic, sans lequel rien n'est possible. Aujourd'hui, nous faisons le constat d'un besoin de simplification pour que les collectivités puissent disposer de données et d'indicateurs de transition écologique uniformisés et pertinents. Nous allons outiller les élus et les agents territoriaux en mettant à leur disposition un socle commun d'indicateurs territoriaux facilitant le pilotage de la transition de leur territoire. C'est une dimension-clé. Cet outil est déjà disponible.

Après la phase de diagnostic, il y a les projets à accompagner. Nous avons une philosophie : pour que le partenariat État-collectivités fonctionne en matière de planification écologique, nous devons donner de la visibilité pluriannuelle et adapter nos outils en conséquence. Nous le ferons sur deux plans.

D'une part, nous ferons en sorte que les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) deviennent bien des « contrats pour la réussite de la transition écologique ». Nous veillerons également à ce qu'ils soient déployés en permettant la pluriannualité des financements dans le cadre du recensement des projets participant à la transition écologique. Ne refaisons pas un tour de piste pour savoir quels sont les engagements déjà pris par les collectivités. Assurons-nous juste que les « tuyaux » des projets arrivent bien en face des « tuyaux » destinés aux financements.

D'autre part, nous allons mieux poursuivre et articuler entre eux l'ensemble des programmes publics de soutien aux collectivités qui permettent de dynamiser les territoires : Action cœur de ville, Petites Villes de demain, Villages d'avenir, Territoires d'industrie.

L'ingénierie est une question-clé. Dans ce domaine, demain, au Salon des maires et des collectivités locales (SMCL), je présenterai la charte signée avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), l'Agence nationale de l'habitat (Anah), l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), la Banque des territoires et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) pour concrétiser un nouvel engagement de cohérence, de coordination et de simplification de l'ingénierie territoriale, souhaité notamment au Sénat à l'occasion d'un rapport sur l'agenciarisation.

Enfin, et je terminerai par ce qui est le préalable de toutes nos actions : pour agir, il faut comprendre, ce qui implique de former. Au-delà de la formation de 25 000 cadres de la fonction publique d'ici à 2024, nous venons de finir une phase d'expérimentation auprès de 500 maires. Elle sera généralisée avec les opérateurs du ministère, afin que nous soyons en mesure d'avancer.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne doute pas que, sur le fonds vert et la mise en œuvre d'une partie des dispositifs, les seize questions à venir me permettront de répondre aux différents points que je n'aurais pas eus le temps d'évoquer.

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