Intervention de Marie-Arlette Carlotti

Réunion du 21 novembre 2023 à 14h30
Partenariats renouvelés entre la france et les pays africains — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Marie-Arlette CarlottiMarie-Arlette Carlotti :

Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les coups d'État au Mali, puis au Burkina Faso, le putsch qui a renversé le président du Niger, Mohamed Bazoum, le 26 juillet dernier, contraint la France à revoir de fond en comble sa politique à l'égard de l'Afrique et les conditions de sa présence dans la région.

Certes, le désamour de la France n'est pas nouveau ! Mais, dorénavant, dirigeants et opinions publiques africaines l'expriment de plus en plus bruyamment.

À Bamako, à Kinshasa, Dakar ou N'Djamena – c'est-à-dire dans les limites du pré carré des anciennes colonies françaises ou de l'espace francophone, comme en République démocratique du Congo – un faisceau de raisons complexes explique notre perte d'influence, voire, le rejet de la France.

Partout, le ressentiment est vif ! L'Afrique veut prendre ses distances avec la France.

Déjà en 2017, à Ouagadougou, le président Macron avait proclamé la fin de la Françafrique, comme nombre de ses prédécesseurs l'avaient fait avant lui. Pourtant, nous avons continué à surfer sur nos relations anciennes, fondées sur notre histoire coloniale.

« Aucun président français sous la Ve République n'a pu se départir d'une forme de paternalisme arrogant » : c'est ce qu'a récemment déclaré un responsable politique africain. En effet, je pense que la France n'a jamais pu accepter que ses anciennes colonies soient désormais indépendantes et n'a jamais su, ou voulu, les traiter en conséquence.

Emmanuel Macron a tenté de faire bouger les lignes. Il a ouvert plusieurs chantiers : restitution d'œuvres d'art, travail de mémoire, réforme du franc CFA ou initiatives sur la dette, mais il n'y est pas parvenu. Le 27 février dernier, le Président de la République a prononcé un nouveau discours, qui, de nouveau, se voulait fondateur, mais dont les objectifs restent encore flous.

Nous en attendons donc une clarification ; nous n'avons pas bien saisi les contours de celle que vous avez esquissée dans votre déclaration liminaire, madame la ministre.

Aujourd'hui, c'est d'abord la présence militaire française en Afrique qui pose problème. Nous devons changer de modèle. Le Président de la République l'a affirmé : l'influence de la France ne se mesurera plus au nombre de nos bases ou de nos opérations militaires.

Cependant, nous avons toujours quatre bases permanentes sur le continent, lesquelles accueillent plus de 3 000 soldats français et assurent une présence continue depuis les indépendances. Nous sommes donc très loin d'un retrait de l'armée française de ses anciennes colonies. Certes, il serait démagogique de laisser penser que tout cela peut se faire en un jour, j'en suis consciente.

Les états-majors et les officiers sont d'ailleurs très favorables au maintien de nos soldats sur le continent africain. Ils sont très attachés à cette terre, qui est saluée comme un théâtre d'entraînement exceptionnel. Cependant, les temps ont changé ! Les Africains n'en veulent plus ou, du moins, ils en veulent moins.

Nous devons nous interroger sur l'utilité de ces bases. Quel est leur rôle ? Sont-elles là pour protéger les Français et les binationaux, ou pour protéger les chefs d'État adoubés par la France – pour leur offrir une assurance vie en quelque sorte, comme ce fut le cas par le passé ?

Ces dernières années, c'est la lutte contre le terrorisme qui a justifié la présence française, notamment au Sahel. Je tiens de nouveau à rendre hommage à l'engagement de nos soldats lors des opérations Serval et Barkhane. Nous avons limité la casse et éliminé d'importants chefs terroristes, ce qui n'est pas rien. Il est évident que nous avons connu des succès, d'un point de vue militaire.

Toutefois, nous n'avons pu endiguer l'avancée des groupes djihadistes – il faut dire que nous étions assez seuls… Le mouvement descend maintenant vers les pays côtiers : la Côte d'Ivoire et le nord du Ghana, du Togo et du Bénin font l'objet d'attaques récurrentes.

L'enlisement d'une vaine solution militaire et la multiplication des problèmes politiques et sociaux ont retourné progressivement l'opinion publique malienne contre la présence française.

Au fil du temps les libérateurs sont devenus des occupants. Les acteurs locaux en ont profité pour présenter leur coup d'État comme une libération du colonisateur.

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