J'en viens maintenant au cœur du sujet qui nous réunit ce soir. La France et le continent africain sont liés par une histoire particulière. Soulignons au passage que l'avenir de la francophonie passe par le continent africain.
L'Afrique se trouve au carrefour d'un grand nombre de débats qui nous animent, en particulier sur le réchauffement climatique et l'explosion démographique. Sur ces deux sujets d'ampleur, la France a la capacité de jouer un rôle important.
Le réchauffement climatique est un défi planétaire pour la survie de la population mondiale. Il y a urgence à agir, et cela passe notamment par le défi énergétique.
À l'heure où nous parlons, l'Afrique est le continent le moins électrifié de la planète ; il y a urgence à travailler cette question. Même si l'on peut constater une hausse de l'accès à l'électricité, elle ne se traduit pas nécessairement par le développement de grandes infrastructures de production et de diffusion.
L'accès à l'électricité est généralement corrélé au développement économique des territoires. Ainsi, les pays ayant le moins accès à la ressource énergétique sont ceux dont les populations sont les plus pauvres. L'électricité permet à l'inverse le fonctionnement d'usines, de centres de soins et de chaînes de froid et facilite l'accès à l'éducation, à l'information et au développement des projets.
Pourtant, les capacités en Afrique sont proches des moyennes mondiales. Un soutien français serait bénéfique pour aider les États intéressés à développer leurs infrastructures. Actuellement, certaines régions souffrent de coupures fréquentes, en raison du manque d'entretien des réseaux, de leur non-rentabilité et de connexions sauvages. Par exemple, le Nigéria connaît vingt-cinq coupures d'électricité par mois. Pour pallier cela, la moitié de la population nigériane dépend de générateurs électriques, plus polluants, mais plus fiables que le réseau classique.
Une fois ce constat dressé, comment agir ?
La France et l'Union européenne doivent aider l'Afrique à lutter contre le réchauffement climatique en l'accompagnant dans la création de sa propre électricité, car elle dispose d'importantes ressources permettant de constituer un mix énergétique vertueux.
Le nucléaire a sa place en Afrique. Le Ghana, le Nigéria, le Soudan et le Kenya sont désireux d'en bénéficier. Il revient à la France de se montrer compétitive en la matière, pour lutter face à la Chine et à la Russie notamment, à l'heure où 20 % des réserves d'uranium se trouvent sur le continent africain.
D'ailleurs, il est crucial d'aborder la question des ressources nécessaires aux industries du futur et à la décarbonation. Le graphite, les terres rares, le cuivre, l'aluminium et la platine sont des éléments essentiels pour les technologies vertes contre le réchauffement climatique. Sachant que la Chine domine actuellement la fourniture de ces ressources, la France et l'Europe font face à une dépendance stratégique préoccupante. Diversifier nos sources d'approvisionnement et établir des partenariats équilibrés avec les nations africaines riches de ces matières premières devient impératif.
Ce processus nécessite une coopération économique et un engagement à garantir que l'exploitation de ces ressources respecte les normes internationales. En renforçant ces partenariats, la France peut sécuriser son approvisionnement tout en contribuant au développement durable de l'Afrique.
L'hydraulique est également un axe intéressant pour la fabrication d'une électricité propre : le Nil, le Congo, le Niger et le Zambèze sont autant de vecteurs qui pourraient produire de l'énergie couvrant la plupart des besoins du continent.
Le potentiel le plus prometteur réside bien entendu dans l'énergie solaire, notamment en Afrique subsaharienne, la région la plus ensoleillée au monde. La France doit mettre à disposition son savoir-faire pour soutenir des projets de centrales photovoltaïques dans ces régions. Il faut également organiser l'acheminement de cette énergie et son stockage à terme.
Le solaire et l'éolien représentent seulement 2 % du mix énergétique de l'Afrique subsaharienne. La capacité de progression est donc immense.
La diffusion de l'électricité constitue un enjeu majeur, allant au-delà de sa production. Actuellement, les réseaux électriques se concentrent principalement sur les capitales africaines et leurs environs immédiats, négligeant les 63 % d'Africains vivant en dehors des villes. La ruralité est ainsi souvent laissée de côté.
Avec l'Union européenne, nous devons mettre des moyens ciblés sur l'électrification et les réseaux d'eau et d'assainissement de ce continent pour accompagner les besoins des habitants et, ainsi, éviter de voir partir une bonne partie de la jeunesse sans perspective dans son pays, ce qui serait l'un des mouvements de population les plus massifs de l'histoire de l'humanité.
J'en viens au second choc qu'aura à affronter l'Afrique : son explosion démographique.
Dérèglement climatique et dérèglement démographique sont souvent liés, les populations notamment victimes de sécheresse sont condamnées à partir, ne pouvant plus assurer leur subsistance. Dans moins de trente ans, l'Afrique comptera près de 2 milliards d'habitants, le Nigéria devenant le troisième pays le plus peuplé au monde en 2050. Le défi démographique et humain, souvent sous-estimé, est particulièrement complexe. Exacerbé par les conditions climatiques difficiles du continent, il représente un immense défi pour l'Afrique et, par extension, pour le monde entier.
La croissance démographique rapide pourrait rendre le continent inhospitalier en raison du réchauffement climatique et du manque de ressources alimentaires disponibles. Il est impératif d'agir et de soutenir l'Afrique.
La France et a fortiori l'Union européenne doivent soutenir les États africains dans l'accompagnement économique, logistique, médical et humain, pour combiner développement et amélioration du niveau de vie.
Ce faisant, associée à une offre éducative de plus grande ampleur, la croissance démographique se rapprochera de celle des autres pays du monde et contribuera à la croissance du PIB et à l'amélioration du niveau de vie.
L'Afrique est le continent de tous les risques et de tous les possibles du prochain demi-siècle. La France, en raison de sa proximité, peut et doit l'accompagner dans un avenir dont les Africains doivent eux-mêmes définir les contours. Ce n'est surtout pas à nous de le faire ; c'est bien à eux de le construire.