Intervention de Marta de Cidrac

Réunion du 23 novembre 2023 à 9h00
Prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Marta de CidracMarta de Cidrac :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en tant qu’ancien membre du Conseil national du bruit, je ne peux que me réjouir de l’examen de cette proposition de loi, qui nous donne l’occasion de nous exprimer sur le bruit, sujet ô combien sensible pour la majorité de nos concitoyens.

D’emblée, je partage avec vous ma conviction que mieux différencier et mieux encadrer les risques liés aux bruits est une bonne initiative. Ce n’est certainement pas créer un droit à la pollution sonore.

La filière des sports mécaniques en France concerne des technologies au service d’une recherche industrielle de pointe, qui s’intéresse au développement de la sécurité automobile et, bien sûr, au développement économique. Elle représentait, il y a cinq ans encore, environ 13 000 emplois et 2, 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Biocarburants, hybridation, motorisation électrique, remplacement du carbone par le chanvre, télémétrie, aérodynamique, toutes ces technologies viennent initialement de la course automobile et sont maintenant érigées comme d’incontournables standards pour réussir la transition écologique.

Pour saisir l’opportunité de ces innovations, il est essentiel qu’à tous les niveaux et dans toutes les disciplines les sports mécaniques tiennent compte des évolutions de notre société et conservent un écosystème d’infrastructures dynamique. À ce titre, je salue l’emblématique circuit Jean-Pierre-Beltoise de mon département, acteur engagé dans le domaine de la sécurité routière.

Cependant, cette dynamique est aujourd’hui fragilisée ; c’est la raison pour laquelle nous sommes réunis. En effet, depuis 2017, les sports mécaniques pâtissent de l’application d’un régime général sur la sanction des nuisances sonores. Même si l’intention qui en est à l’origine est parfaitement compréhensible, prenons garde de menacer l’existence même d’une activité dynamique dans les territoires.

À terme, en effet, cette règle pourrait devenir néfaste pour toute une filière et priver la France d’opportunités favorisant son rayonnement sportif et industriel.

En appliquant le droit existant, même les très vertueuses formules électriques, pourtant érigées en modèle de la compétition automobile durable, seraient en infraction. En effet, une monoplace électrique a un niveau sonore d’environ 85 décibels ; or un tel seuil de bruit d’activité est suffisant pour contrevenir à la loi. Il s’agit d’un exemple parmi tant d’autres des incohérences qui se glissent parfois dans notre droit et qui pénalisent ce qui est devenu un véritable laboratoire pour une industrie automobile durable et responsable.

Au-delà de l’urgence climatique, les objectifs européens vers lesquels cette industrie doit tendre en matière de transition écologique et de mobilités durables nous rappellent que le temps presse.

En renvoyant les sports mécaniques à un régime différencié du droit commun, nous ferions donc œuvre utile et de bon sens. Il n’est nullement question d’autoriser sans contrôle une pollution sonore active ; il s’agit seulement de mieux encadrer les pratiques. Particulièrement sensible à la problématique du bruit, je souhaite qu’un chemin de crête équilibré soit trouvé. Nos concitoyens et riverains des circuits ont, à l’instar de chaque Français, droit à la tranquillité publique.

Le sport mécanique n’est pas le seul domaine où la lutte contre la pollution sonore peut se concilier avec des objectifs économiques et écologiques. Bien qu’étant en dehors du champ de la loi de 2016, le transport aérien connaît lui aussi des adaptations aux réalités locales, en cas de survol à basse altitude de zones habitées. C’est un problème que le département des Yvelines connaît bien et j’ai d’ailleurs plusieurs fois interrogé le Gouvernement sur la mise en œuvre de trajectoires d’approches aériennes dites « en descente douce ». Cette solution semble convenir à tous les acteurs, preuve que s’adapter à certaines réalités sectorielles est souvent une solution de bon sens.

Malgré tout, le bruit est devenu l’un des maux du monde moderne. L’intensification des transports routier, aérien, ferroviaire, le bruit des activités économiques, la généralisation des casques et écouteurs audio, tout cela fait peser sur notre système auditif de fortes contraintes.

Par ailleurs, la pollution lumineuse est souvent associée au bruit. Tout cela n’est pas sans conséquence sur notre santé, sur la biodiversité ou sur les milieux naturels. Prenons conscience que l’audition est l’une des fonctions de l’organisme qui ne cesse jamais.

Le bruit entraîne pour l’homme des troubles du sommeil, engendre des pathologies cardiovasculaires sérieuses et des dommages auditifs parfois irréversibles. Cette problématique doit être considérée avec le plus grand sérieux.

Plus généralement, je salue le travail de tous les acteurs qui se mobilisent dans le domaine de la lutte et de la prévention contre les nuisances sonores. Je sais les élus locaux et les services de l’État particulièrement engagés, notamment au travers des plans d’exposition au bruit.

Reste que le problème n’est pas que politique ou administratif : il y a un travail de sensibilisation important à mener auprès de nos concitoyens ; de même, certains secteurs comme celui de la construction devront prendre leur part. On entend beaucoup parler de l’isolation thermique des bâtiments, mais peu de l’isolation sonore. Comme la performance thermique, la résilience acoustique d’un bien fait partie du diagnostic immobilier, on l’oublie trop souvent.

Mes chers, collègues, ce texte améliorera la prévention et la lutte contre les nuisances sonores issues des sports mécaniques. Comme cela a été à plusieurs reprises souligné, il ne vise nullement à créer une exception juridique ; il s’agit bien plutôt d’adapter un dispositif trop large, qui ignore la réalité des contraintes sonores liées aux sports mécaniques. Le droit à la différenciation ne rime nullement avec l’octroi de privilèges.

Pour toutes ces raisons, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous l’avez deviné, nous voterons cette proposition de loi. Nous devons rester vigilants sur son application réglementaire, car le double enjeu économique et sanitaire de ce texte devra être respecté.

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