Le but de l'amendement que nous propose la commission est de modifier un texte datant d’il y a dix ans qui satisfait tout le monde, associations comme administration. Ce n’est pas la décision du Conseil d’État qui vous pose problème, me semble-t-il : en effet, vous aviez déjà cherché en 2006 à modifier ce texte alors qu’il n’y avait pas à l’époque de décision du Conseil d’État.
Vouloir remplacer l’accessibilité effective des soins par leur simple disponibilité revient à condamner les étrangers. C’est au moins une condamnation à mort pour ceux d’entre eux qui devront retourner dans leur pays d’origine : 60 % des individus qui vivent avec le VIH dans le monde n’ont pas accès à un traitement, 25 % des morts de tuberculose pourraient être évités. C’est au moins une condamnation à la clandestinité pour ceux qui resteront en France afin de se faire soigner.
En l'occurrence, il ne s’agit pas de tourisme médical. En moyenne, les étrangers malades qui demandent leur titre de séjour le font après six années de séjour sur notre territoire ; le tourisme médical est le fait des riches, pas des pauvres.
Cet amendement pose aussi problème en termes de santé publique. Si les étrangers décident de rester en France pour se faire soigner malgré tout, ils basculent dans la précarité et la clandestinité. Ce faisant, non seulement ils renoncent à un traitement régulier, mais ils augmentent également les risques de contamination et de contagion, voire, dans certains cas, d’épidémie. C’est, à terme, l’ensemble de la société qui risque d’être touchée : les conséquences en seront donc d’autant plus graves. Les traitements contre certaines maladies sont des actes de prévention collective : c’est la société qui se protège ainsi. Si vous mettez à bas ces protections, vous nous faites courir un risque à tous.
Pis, vous ne contribuez pas, contrairement à ce que vous pouvez penser, à améliorer le financement de la santé publique, bien au contraire ! Lorsqu’on est privé de soin, assez logiquement, la pathologie empire. In fine, il faut des moyens plus lourds pour la soigner, qu’il s’agisse de traitements ou de modes d’intervention. À titre d’exemple, on a, dans ces conditions, davantage recours aux urgences, plus coûteuses, qu’aux médecins de ville.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons un réel accès aux soins pour les étrangers. Nous nous opposerons au compromis proposé par notre rapporteur : selon nous, il n’y a pas de compromis possible lorsqu’il est question de santé, un sujet d’humanité.
Mes chers collègues, alors qu’il ne s’agit que de 0, 8 % des étrangers résidant en France, allons-nous fouler au pied nos valeurs au nom d’inepties idéologiques ?