Tout comme mes collègues qui viennent d’intervenir, je soutiens que l’heure est grave.
L’article 17 ter avait fort heureusement été supprimé en première lecture au Sénat. Réintégré à l’Assemblée nationale, il a de nouveau été éliminé par notre commission. Il prévoit une modification du titre de séjour « étranger malade », jusqu’à présent accordé à ceux qui ne peuvent effectivement bénéficier des soins nécessaires au traitement de maladies graves dans leur pays d’origine, pour restreindre ce droit aux seuls étrangers dont les soins seraient « indisponibles » sur leur territoire.
Cette notion était floue, mais surtout suffisamment floue pour permettre une interprétation des plus restrictives et augmenter ainsi les statistiques d’expulsion du Gouvernement, quitte à risquer la vie d’un homme. Elle renvoyait à la notion de présence d’un traitement sur le marché du médicament qui est totalement dissocié de la disponibilité effective de ce médicament.
Or voilà que cette mesure est réintroduite par l'amendement n° 219, certes sous une forme nouvelle, mais qui, sous des airs de compromis, ne cache que trop mal la gravité de ce qu’il propose. Il s’agit de la pire version de cet article !
Ainsi les étrangers malades ne se verraient plus délivrer une carte de séjour que dans le cas d’« absence » d’un traitement approprié dans le pays dont ils sont originaires. Le fait qu’ils ne puissent effectivement y être soignés ne sera pas pris en compte, ce qui revient à condamner à mort certains étrangers qui, renvoyés dans leur pays, n’y seront jamais soignés, car le fait que le traitement existe ne signifie malheureusement pas forcément la prise en charge du malade.
Par ailleurs, l’introduction de circonstances humanitaires dérogatoires pourrait être une bonne chose, mais pas si elles sont appréciées par le préfet, comme le prévoit l’amendement. L’autorité administrative ne peut en aucun cas se substituer à l’autorité médicale, aujourd’hui compétente et seule à même d’apprécier des critères médicaux.
De plus, cette nouvelle rédaction lève le secret médical. Or, comme l’a rappelé la circulaire du 5 mai 2000, l’intervention de l’autorité médicale instituée par le législateur en 1997-1998 « vise à préserver le secret médical, tout en s’assurant que le demandeur remplit les conditions fixées par la loi ».
Le nouveau dispositif complexe proposé par la commission des lois obligera les étrangers gravement malades à lever le secret médical pour soumettre leur situation médicale, sans garantie, sous couvert de « circonstance humanitaire exceptionnelle », à la libre appréciation du préfet.
Enfin, il supprime de fait toute possibilité de contrôle effectif du juge sur la question de l’accès et de la disponibilité des soins dans le pays de renvoi, alors même que le juge administratif, lorsqu’il est saisi par un étranger atteint d’une pathologie d’une exceptionnelle gravité, peut annuler une mesure d’éloignement.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet amendement, qui dégrade les conditions d’accès aux soins des plus précaires tout en augmentant les risques d’exposition et de contamination de la population, ce qui pourrait même, au final, augmenter les coûts de fonctionnement des hôpitaux.
Ce nouvel article aura pour conséquence de rejeter dans l’illégalité de nombreux patients, avec un report financier de leur traitement sur l’aide médicale d’État. Il est tout simplement dangereux, aussi bien en termes de droits accordés aux étrangers que de sécurité sanitaire !